André Chassaigne : « La solution du président Macron, c’est l’arrêt sur image »

Le 18 juillet dernier, vous avez perdu de justesse face à la députée sortante Yaël Braun-Pivet, qui se présentait également à la présidence de l’Assemblée nationale. Qu’est-ce qui vous a manqué ?

L’enjeu était extrêmement important et dépassa très vite celui strictement lié au Perchoir en tant que tel. Le président de la République souligna qu’il s’appuierait sur la couleur de la présidence pour tenir compte de la majorité politique de l’Assemblée. Dès lors, c’est l’interprétation des résultats des élections législatives qui était en jeu.

Ce qui a donné lieu à un marchandage éhonté entre la Macronie et les députés de la « droite républicaine » pour se partager les postes clés de l’Assemblée. Les troupes présidentielles ont offert trois fois plus à la droite que ce qu’elle aurait dû légitimement recevoir. Ce stratagème – en partie déjoué – s’est fait sur le dos du peuple français et dans un mépris total de ce qui s’est exprimé dans les urnes lors des législatives.

Que pensez-vous du vote des 17 ministres devenus députés lors des élections tout en restant au gouvernement ?

Il y a eu 13 votes entre Yaël Braun-Pivet et moi, et 17 ministres ont participé au vote, ce qui constitue un coup de force contre la Constitution et la séparation des pouvoirs. On observe déjà depuis des années l’écrasement du pouvoir législatif par l’exécutif. L’Assemblée s’est peu à peu transformée en courroie de transmission des volontés de l’Élysée.

Mais le jeudi 18 juillet, nous avons atteint un stade très grave.^et La République était déjà bien malade et on la pousse à l’agonie en tordant ainsi la Constitution. Ce qui se passe va bien au-delà de ce que voulait le général de Gaulle. La Macronie passe son temps à piocher ce qui l’arrange et à accumuler les articles autoritaires : votes bloqués, 49.3, ordonnances, etc. Tout ce qui est exceptionnel devient commun.

Pensez-y : le Premier ministre Gabriel Attal est aussi président du groupe Ensemble pour la République à l’Assemblée ! Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau est aussi président du groupe Modem ! Ils sacrifient la séparation des pouvoirs et même le respect de tous à la Loi fondamentale.

L’élection de Yaël Braun-Pivet éloigne-t-elle la gauche de Matignon ?

Pas forcément. Ce qui éloigne la gauche de Matignon, c’est surtout son absence de consensus sur la personne à y envoyer. Il a fallu s’inspirer de ce que nous avions fait pour me désigner comme candidat commun du Nouveau Front populaire (NFP) au Perchoir.

En un jour, nous nous sommes mis d’accord sur le principe d’une candidature unique et, le lendemain, nous nous sommes mis d’accord sur la personne. Même si j’ai été battu de très peu, nous avons pu créer un espoir gigantesque pour tous les gens de gauche. C’est la méthode qu’il faut utiliser.

Il y a une attente extrêmement forte que la gauche s’accorde et porte l’alternative. Nous, députés communistes, sommes favorables à l’organisation d’un vote pour désigner le Premier ministre du NFP. Il faut avancer le plus vite possible, afin de mettre Emmanuel Macron au pied du mur.

Notre candidat doit à la fois incarner notre programme et rassembler au-delà de nos rangs, sinon c’est le président qui sortira vainqueur de l’affrontement et nommera en septembre un Premier ministre issu de son camp. Il veut ouvrir une bouteille d’Eau Écarlate et effacer d’un coup de chiffon les résultats des législatives. C’est à nous de le faire échouer.

Comment analysez-vous le rapport de force à l’Assemblée ? Après avoir perdu le Perchoir, la gauche a remporté 12 des 22 postes du bureau…

Les élections qui ont suivi l’élection du Perchoir ont en effet donné des résultats qui signifient que la gauche est majoritaire à l’Assemblée. C’est un signal fort.

La Macronie est également privée des deux postes budgétaires les plus importants, celui de président de la commission des Finances et celui de rapporteur général du budget. Je sais qu’Éric Coquerel et Charles de Courson ne feront aucun cadeau aux macronistes.

La Macronie peut-elle encore gouverner aujourd’hui ?

Elle ne peut le faire que dans une immobilité totale. La solution du président est de figer le cadre. Dès qu’il présentera de nouveaux textes, ceux-ci ne pourront avancer qu’au prix d’incessants marchandages.

L’image sera terrible : les citoyens attendent des réformes sociales pour le pouvoir d’achat et contre la vie chère, ils veulent le retrait de la réforme des retraites, ils réclament le retour des services publics, ils espèrent qu’on s’attaquera à l’argent. Or, notre gouvernement est à la solde des multinationales et ne pense qu’à la prochaine vis d’austérité.

Après leur accord pour le Perchoir, la Macronie et LR peuvent-ils diriger le pays ensemble ?

Cela reviendrait à usurper le vote populaire qui s’est exprimé lors des législatives. Une majorité s’est exprimée dans notre pays pour un changement d’orientation politique. Mais au final, rien ne change ! Emmanuel Macron a été puni dans les urnes mais c’est la même équipe de ministres qui dirige le pays.

Je rappelle que la Macronie et les LR disposaient à eux deux d’une majorité absolue avant les législatives. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Si la Macronie garde la barre, elle encouragera le dégoût de la politique. Le président ne peut pas rester éternellement silencieux et caché, il doit faire appel au PFN pour gouverner.