ANALYSE. La délinquance juvénile évolue vers une criminalité précoce en Martinique
Quelques jours après le terrible drame survenu dans la soirée du 3 novembre 2024 à la ZAC de Rivière-Roche, le choc et l’incompréhension restent totales quant aux motivations des criminels qui ont décimé une famille. Une fois de plus, nous semblons impuissants face à une délinquance croissante.
Des agresseurs défoncent la porte d’un appartement d’un lotissement populaire de Fort-de-France, près du quartier de La Jambette. Ils ont ouvert le feu sur ses occupants. Le bilan est particulièrement lourd. Deux décès : une jeune femme de 18 ans et un écolier de 15 ans ; cinq blessés graves : un bébé de 9 mois, un enfant de 5 ans, trois adolescents de 13, 15 et 16 ans.
Deux jeunes hommes ont été arrêtés en deux jours. Sont-ils les auteurs de cette fusillade ? Quelles sont les raisons de leur action ? Ont-ils des complices ? Des questions que les enquêteurs s’efforcent de résoudre.
Les députés Marcellin Nadeau et Béatrice Bellay ont exprimé leur étonnement. Plusieurs élus ont exprimé leur incompréhension. Le maire de la ville, Didier Laguerre, a condamné cela « acte odieux qui choque la Martinique ». Il a raison sur ce point.
Le bilan des morts violentes par arme à feu, plus de 20 cette année, est en augmentation. Nous sommes sur la même tendance depuis cinq ans. Invariablement, les mêmes explications reviennent, les mêmes questions se posent, la même indignation se manifeste.
Cette fois, nous avons franchi une étape. C’est le constat du syndicat de police Alliance.
Sachant que les mêmes causes produisent les mêmes effets, nous risquons de subir d’autres crimes odieux de ce genre. Même si nous ne le faisons pas Nous savons du profil précis des agresseurs que deux faits nous inquiètent.
La circulation des armes à feu, notamment de guerre, est hors de contrôle. Ensuite, la délinquance juvénile évolue vers une criminalité précoce. Les éducateurs spécialisés et les policiers le savent bien. Ils le vivent quotidiennement sur le terrain. Ils sont confrontés à une inversion des valeurs de la part de jeunes hommes en situation d’échec total.
On peut, une fois de plus, énumérer les causes qui ont conduit à l’explosion de la criminalité au cours de la dernière décennie : la mmanque de repères sociaux, méfiance à l’égard de l’autorité, rupture des liens familiaux, désintégration du pacte social, absence d’éducation et d’encadrement familial, insuffisance de prévention, insuffisance de la seule répression judiciaire.
Ce ne sont pas des excuses, mais des facteurs explicatifs d’un phénomène qui nous bouleverse. Avec à la clé une question angoissante : n’est-il pas trop tard pour enrayer la spirale morbide de criminalisation de la société martiniquaise ?