La rentrée littéraire prolonge un peu l’été, ce plaisir de la découverte, avec de nouveaux romans, de nouveaux auteurs. Invitation au voyage, à la rêverie, règlement de comptes familial ou fresque historique, réflexions autobiographiques et débats de société, il y a tout dans cette rentrée que certains disent en « léger déclin », avec seulement sept livres de moins que l’an dernier. Il faudra encore choisir parmi les quelque 459 romans et récits de cette rentrée. La Croix vous propose une première sélection.
► Gaël Faye, le retour
Jacarandapar Gaël Faye
Il est présenté comme l’événement de la rentrée. En 2016, la chanteuse de Pili pili sur un croissant au beurre raconte le drame du Rwanda dans un premier roman en partie autobiographique. Petit pays (Grasset) a connu un énorme succès en librairie, avec plus de 1,5 million d’exemplaires vendus. 2024 : le retour de Gaël Faye marque la rentrée littéraire avec Jacarandaqui revient sur le génocide rwandais vécu il y a trente ans. « Là-bas, beaucoup de choses ne sont pas racontées, les jeunes n’ont pas connu cette époque, cela me met en position de responsabilité », explique à La Croix l’écrivain qui vit aujourd’hui avec sa famille à Kigali.
Grasset, 288 p., 20,90 €.
► Amélie Nothomb, dite 33 ans
Le retour impossiblepar Amélie Nothomb
Pas de rentrée sans un nouveau roman d’Amélie Nothomb. Chaque année, dans le calme de son travail matinal, l’auteure au chapeau achève trois ou quatre manuscrits et choisit celui qui sera publié, livré à ses fans. Et ce depuis trente-trois ans.
Drôle et nostalgique, le dernier opus se présente comme un carnet de voyage au Japon. Accompagnée de Pepe, un ami photographe, fantasque et capricieux, Amélie Nothomb part à la recherche des traces d’une mémoire fuyante. Retrouver les temples de Kyoto et l’effervescence de Tokyo ne parvient pas à raviver les émotions. Sauf lorsque la figure du père, qui fut l’ambassadeur de Belgique au Japon, réapparaît au détour d’une enluminure : « N’est-ce pas la preuve que je suis vraiment ici ? Oui, je suis au Japon, il n’y a aucun doute là-dessus. »
Albin Michel, 158 p., 18,90 €.
► Kamel Daoud, le silence tragique
Hourispar Kamel Daoud
La loi est claire : on ne parle plus des années de plomb. Selon les autorités, il ne s’est rien passé en Algérie dans les années 1990. Sauf que la violence déployée entre les islamistes et les forces militaires a laissé des cicatrices indélébiles. Comme ce large sourire gravé dans la chair du narrateur.
Cette femme sans voix n’en finit pas de parler, avec sa voix intérieure. Elle se confie à l’enfant qu’elle porte, qui hérite, malgré toutes les lois, de la violence qui a blessé le pays. Certains se souviennent et osent réciter la litanie des attentats, des meurtres et des blocus. De retour au village familial, la jeune femme renoue avec son passé. Peut-on survivre à une guerre fratricide ? Comment raconter l’histoire et retrouver la voix ?
Gallimard, 416 p., 23 €.
► Guillaume Sire, l’enfance de la guerre
Les grandes et étranges patriespar Guillaume Sire
L’Histoire, toujours, et plus particulièrement la Seconde Guerre mondiale, constitue une matière romanesque jamais épuisée. Comme dans le nouveau roman de Guillaume Sire, sérieux et sensible. Une étrange amitié se noue entre Joseph Portedor, orphelin de père, et Anima, la petite pianiste juive. Dans cette période de l’entre-deux-guerres, les enfants s’observent, se provoquent, et finissent par se séduire : « Je t’aime. Je t’ai toujours aimé. Tu ne mourras pas. » dit Joseph, qui s’engage à la protéger à tout prix.
Doté de pouvoirs étonnants, l’enfant thaumaturge obéit aux caprices d’Anima : « Sa voix était à la fois miel et poison, sang et lait. Joseph savait que si Anima lui demandait quelque chose avec cette voix, si elle lui demandait quoi que ce soit, il serait incapable de refuser. » Que restera-t-il de ce lien alors que la folie meurtrière s’abat sur l’Europe ? Les réfugiés espagnols, les camps et la résistance bouleverseront le quotidien, et soumettront chacun à l’épreuve du feu…
Calmann-Lévy, 360 p., 21,90 €.
► Emmanuel Ruben, l’enfance nucléaire
Malvillepar Emmanuel Rube
L’auteur, qui a notamment traversé l’Europe à vélo, d’Odessa à Strasbourg, a tout d’un écrivain voyageur, nous faisant découvrir l’Europe et son histoire à travers ses livres. Changement de braquet pour l’écrivain nomade, avec une dystopie, relatant une catastrophe nucléaire en 2036. Cinquante ans après Tchernobyl, Superphénix explose à Malvillequi donne son titre au roman catastrophe. Samuel Vidouble s’est réfugié dans sa cave, et laisse resurgir les souvenirs, notamment l’attitude paternelle qui prévoyait le drame à venir : « Mon père ne parlait jamais de son travail. Il parlait de la centrale électrique comme s’il n’y en avait qu’une seule au monde, comme si elle était le centre de l’univers. En fait, c’était le centre de notre monde. »
Livre, 361 p., 20,90 €.