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Amazon « hacke » la loi qui impose un minimum de 3 euros de frais de port sur les envois de livres

Amazon « hacke » la loi qui impose un minimum de 3 euros de frais de port sur les envois de livres

Le géant de la vente en ligne annonce que les livres commandés pourront être livrés gratuitement dans les points de retrait situés dans certains supermarchés. Un abus de la loi Darcos ?

Un point de collecte automatisé des colis Amazon.

Un point de collecte automatisé des colis Amazon. Photo Éric Beracassat/Hans Lucas via AFP

Par Thomas Bécard

Publié le 6 novembre 2024 à 16h29

Mis à jour le 6 novembre 2024 à 17h54

Ttrouver une faille dans un système pour éventuellement le détourner : dans le domaine informatique, on appelle cela un « hack ». C’est exactement ce que vient de faire Amazon, en annonçant ce mardi 5 novembre que « pour leurs commandes de livres, (son) Les clients peuvent désormais choisir la livraison gratuite dans un vaste réseau de plus de 2 500 points de retrait partout en France.. Or, depuis une loi votée par la sénatrice Laure Darcos, entrée en vigueur en octobre 2023, les frais de port des livres doivent être d’au moins 3 euros pour toute commande inférieure à 35 euros. Sauf qu’Amazon a découvert une faille dans un texte imparfait, mais qui a eu le mérite de tenter de rééquilibrer le jeu entre les librairies et le géant de la vente en ligne ayant les moyens de ne pas facturer les frais de port.

Selon cette loi, « Le service de livraison du livre ne peut en aucun cas, directement ou indirectement, être proposé gratuitement par le détaillant, sauf si le livre est retiré chez un libraire. ». Amazon estime que cette dernière précision permet à ses clients de bénéficier d’une collecte gratuite auprès des « lockers » (casiers automatiques) ou des comptoirs situés dans les supermarchés… qui vendent aussi des livres. La société américaine pourrait bien faire valoir que « 70 % de ces points de collecte sont situés en zone rurale ou dans des petites villes », on se rend vite compte que la liste comprend un Monoprix à Dijon ou un Carrefour à Orléans situés en centre-ville… à deux pas d’une librairie indépendante. Bref, c’est ce qu’on appelle un joli canular.

La carte de l’opinion publique

Cette annonce s’inscrit également dans une croisade plus large d’Amazon contre la loi Darcos, qui « contraire aux droits et intérêts des consommateurs ». Amazon a également porté l’affaire devant le Conseil d’État – en mai, il a décidé de demander à son tour l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne. En attendant, l’entreprise joue aussi la carte de l’opinion publique, en commandant régulièrement des enquêtes sur le sujet à l’Ifop. La dernière enquête, publiée opportunément au moment du premier anniversaire de la loi, montrait que 62% des personnes interrogées estimaient que la mise en place de ces frais de port d’au moins 3 euros affectait leur pouvoir d’achat (sans blague ?).

Ce mardi, au Sénat, après que Laure Darcos ait accusé Amazon de « contourner la loi de manière flagrante », la ministre de la Culture, Rachida Dati, a annoncé la saisine du Médiateur du livre (autorité chargée de « conciliation des litiges relatifs à l’application de la législation relative aux prix du livre »), « car il y a une question d’interprétation ». Il dispose d’un délai de quatre mois après réception de la saisine « tenter de réconcilier les parties ». En cas d’échec, elle pourra s’adresser à la juridiction compétente ou à l’Autorité de la concurrence – précise également le Syndicat français de la librairie (SLF). « nous nous réservons le droit de porter l’affaire devant les tribunaux ». De quoi laisser le temps à Amazon d’envoyer un bon colis de livres dans ses casiers sans frais de port.

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