Grâce à l’intelligence artificielle, des comptes anonymes utilisent les visages de la famille Le Pen dans des photos volées de jeunes femmes. Le RN et Reconquête réfutent tout lien avec ces comptes.
Elles s’appellent Amandine Le Pen, Chloé Le Pen et Léna Maréchal. Ils sont sur Tiktok ou Instagram et cumulent des millions de vues. Ces comptes anonymes, déjà repérés par le média suisse RTS, comportent non seulement les noms de la famille Le Pen mais aussi leurs visages.
Grâce aux deepfakes, cette méthode utilisant l’intelligence artificielle pour transformer numériquement les visages, les comptes en question proposent des images ou des vidéos présentant aux jeunes femmes le visage de Marine Le Pen ou celui de sa nièce Marion Maréchal. Souvent, les visuels utilisés sont des photos sexy attirant encore plus de vues et d’abonnés.
« Amandine Le Pen » ou « amandineeette » compte plus de 32 000 abonnés sur Tiktok et près d’une centaine de vidéos depuis la création du compte courant en février. Les messages qui accompagnent ces vidéos évoquent cette ressemblance avec Marine Le Pen mais comportent également de nombreux messages politiques : « Prêt à défendre la France » ; « Quand le RN passera, on pourra faire la fête » ; « La robe que je vais porter pour la victoire de Jordan (Bardella, NDLR) ».
De son côté, le compte « Léna Maréchal », paru fin mars, reprend cette fois le visage de Marion Maréchal, sur le même principe. L’une des vidéos a même été vue plus de 2 millions de fois. Politiquement, le compte fait tantôt la promotion du Rassemblement national, tantôt de la Reconquête ! faire la fête. par Éric Zemmour et Marion Maréchal.
Les vidéos reprennent ainsi tous les codes de Tiktok, plateforme préférée des jeunes et parfois leur unique source d’information. C’est aussi sur ce réseau social que beaucoup de fausses informations abondent alors que les prochaines élections européennes de juin serviront de test à la modération des faux contenus en ligne. Pour l’instant, c’est le Rassemblement national qui domine largement les sondages.
Les partis dénoncent les comptes
Dans les commentaires de ces fausses vidéos, on retrouve également de nombreux messages de soutien aux partis de Marine Le Pen ou d’Éric Zemmour mais aussi des mises en garde sur la tromperie des vidéos. Si les deepfakes sont parfaitement réalisés, certaines vidéos montrent néanmoins des contours mal ajustés.
De même, une recherche inversée de photos permet de retrouver facilement les photos originales, généralement des photos volées sur les comptes Instagram d’autres femmes.
Les comptes « Amandine Le Pen » et « Léna Maréchal » affichent désormais la mention « généré par l’IA » dans leur bio Tiktok, comme l’exigent les règles de la plateforme chinoise – sans que Tech&Co puisse vérifier si c’était le cas à leur création. . En revanche, le compte de Chloé Le Pen, qui utilise également le visage de Marion Maréchal, n’en fait pas mention mais assume au moins le but de sa démarche : son récit fait référence au récit érotique d’une jeune femme, sans aucun lien avec la famille Le Pen.
Contacté, le Rassemblement national, bien que favorable au recours à l’intelligence artificielle dans certains cas, réfute tout lien avec ces comptes anonymes.
« Nous ne faisons pas de faux, je suis contre tout ce qui est faux », insiste l’eurodéputé Philippe Olivier en charge de ces questions au sein du parti de Jordan Bardella.
Soulignant que la famille Le Pen n’était « pas très contente » de ces avatars fictifs, il a indiqué que le parti envisageait de saisir la justice avant de se rétracter. « Nous sommes en pleine campagne européenne », soupire-t-il, ne voulant pas courir après tous les mensonges sur Internet.
De son côté, la Reconquête ! de Marion Maréchal ne s’en offusque pas non plus. « Nous avons tous signalé ce récit », assure Sarah Knafo, conseillère du président Éric Zemmour. Les deepfakes utilisant des images de jeunes femmes en maillot de bain ont particulièrement irrité.
Un intérêt monétaire
Enfin, Tiktok ne semble pas enclin à clôturer ces comptes, rappelant que sa politique autorise les « parodies » de personnalités publiques, y compris les deepfakes, à condition qu’elles ne nuisent pas aux personnalités en question. Le réseau social promet néanmoins d’examiner les litiges. Le mois dernier, Bruxelles a encore exigé des comptes des plateformes, dont Tiktok, sur la multiplication de ces détournements.
Ce n’est pas la première fois que des deepfakes apparaissent sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron est ainsi l’un des hommes politiques les plus malmenés sur Tiktok ou Instagram avec la même méthode. L’explosion de l’intelligence artificielle générative, depuis l’apparition de ChatGPT et Dalle-E en 2022, a rendu les outils de détournement très accessibles et efficaces, faisant craindre de nombreux faux pour les prochaines élections européennes.
Au-delà des intentions politiques, les enjeux de ces faux comptes peuvent aussi être financiers. Tiktok permet de gagner de l’argent en cumulant les vues de 10 000 abonnés (avec d’autres critères). Contactés, les comptes anonymes n’ont pas répondu.