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Alstom pose les rails des futurs trains autonomes

C’est une tendance qui prend de l’ampleur dans toutes les formes de transport, celle du véhicule autonome. Déjà bien implantée dans le domaine des métros, encore balbutiante dans celui des voitures, elle se développe aussi dans le secteur ferroviaire. C’est en tout cas une piste explorée par Alstom avec son projet Arte, qu’il vient de présenter publiquement pour la première fois ce lundi, lors d’une démonstration à Salzgitter en Allemagne.

Par Arte, il faut comprendre Evolution du train régional autonome. Derrière cet acronyme, Alstom regroupe deux axes de recherche : la conduite à distance, à partir d’une simple tablette, et la conduite autonome. Comme expliqué dans La Tribune Florian Kittelmann, Directeur des trains autonomes du Groupe, « Ce projet s’appuie sur des expérimentations antérieures menées par Alstom pour développer une solution industrialisable (…) sur n’importe quel train »Pour preuve, il cite le fait que le modèle choisi pour le projet est un train diesel en service depuis plus de 20 ans, prêté par l’opérateur régional de Basse-Saxe LNGV.

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L’acceptabilité est le point clé

Certes, Arte intègre un volet technologique important avec sept caméras haute définition, un lidar (télémétrie et détection laser), un relais de connexion sécurisé contre les risques cyber – acheté dans le commerce – ainsi que tout le volet logiciel, mais le cœur du projet est ailleurs. Le travail porte sur l’intégration et la conception d’un système industrialisable et surtout sur son acceptabilité. Il s’agit de définir l’ensemble de l’environnement et des normes nécessaires pour avoir un train sans conducteur accepté par les autorités de certification, les opérateurs et les passagers.

Comme l’explique Florian Kittelmann, ce processus se fera progressivement à travers la mise en œuvre opérationnelle de différents cas d’usage : La mise en route par un opérateur distant applicable d’ici 1 ou 2 ans, puis le transport du train par ce même opérateur du dépôt à la première gare dans 3 ou 4 ans semblent être les deux premières applications. Elles pourraient même être réalisées de manière totalement autonome avant la fin de la décennie. Ces deux utilisations à elles seulesqui évitent au chauffeur de devoir se rendre au dépôt pour débuter son service, permettent de gagner jusqu’à 25% de temps et donc d’optimiser son service. Même s’il ne le dit pas, cela pourrait aussi contribuer à rationaliser la main d’œuvre. Ce qui n’empêche pas Florian Kittermann d’envisager la prochaine étape, à savoir la mise en place de trains autonomes – avec la possibilité de prendre le contrôle à distance – d’ici 2032.

Avant cela, Alstom et ses partenaires doivent encore finaliser les tests. La plupart d’entre eux sont désormais terminés et Arte entre dans sa dernière phase, à savoir les tests en circuit ouvert avec trafic, avant la remise du rapport final aux autorités allemandes. Cela clôturera ce projet d’environ trois ans et amènera le concept à un stade de pré-industrialisation, ouvrant la voie à Alstom vers un projet industriel avec opérateur et certification.

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50 000 euros pour adapter un train

Pour Alstom, la force de ce projet réside dans son adaptabilité. Si tout se déroule comme prévu, ce projet devrait ouvrir la voie à la mise en œuvre de la conduite autonome sur des trains existants, éventuellement d’autres constructeurs, grâce à du retrofit pour des montants relativement modestes – qui pourraient être de l’ordre de 50 000 euros par train. Cela multiplie les possibilités d’utilisation par rapport à un système limité à du matériel neuf.

Surtout, ces trains autonomes pourront être mis en place sur le réseau ferroviaire existant sans ajout de systèmes de signalisation spécifiques, même si Arte est conçu pour fonctionner en coordination avec le système européen de contrôle des trains (ETCS) – l’une des briques du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) qui se distingue par la lenteur et le coût de sa mise en œuvre. Florian Kittelmann assure qu’Alstom pourra mettre en œuvre des trains autonomes même si l’ETCS n’est pas opérationnel. Cela renforce également les possibilités d’application.

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L’Allemagne veut accélérer

Si cette évolution a pris de l’ampleur outre-Rhin, c’est grâce à la volonté allemande d’accélérer les projets de digitalisation. L’Etat fédéral et le Land de Basse-Saxe apportent la moitié de l’investissement, le reste provenant d’Alstom, pour un total de 10 millions d’euros. Le groupe français s’est en effet associé à des institutions locales, à savoir le Centre aérospatial allemand (DLR) et le Département des opérations et infrastructures ferroviaires de l’Université technique de Berlin.

Par ailleurs, Salzgitter, principal site allemand d’Alstom, est le centre de compétences du groupe pour les trains régionaux et les innovations « vertes », comme l’explique le directeur général du site, Dr Christian Bieniek. Or, les trains régionaux, beaucoup plus nombreux et générant davantage de phases de manœuvre que les trains à grande vitesse, constituent le principal débouché d’Alstom en matière de conduite autonome, comme le reconnaît volontiers Florian Kittelmann.

Le train autonome pourrait en tout cas devenir un nouveau champ de bataille pour les acteurs ferroviaires. Ces dernières années, outre Alstom, Siemens, Hitachi Rail et Thales ont annoncé travailler sur le sujet, souvent en partenariat avec des opérateurs comme la SNCF ou la Deutsche Bahn.