Allégeance – Edito de Rosa Moussaoui – 21 juin 2024
Dans un discours prononcé devant les patrons allemands le 23 novembre 1932, quelques semaines avant l’arrivée au pouvoir d’Hitler, le juriste et philosophe nazi Carl Schmitt invoquait une « état d’urgence économique » en appeler un « État fort » déterminé à asphyxier « en son sein les forces subversives » et écraser les revendications sociales pour servir un « économie saine ». L’histoire ne se répète pas ; ce sont les gens qui l’écrivent. Pourtant, elle nous enseigne que la montée de l’extrême droite est bel et bien corrélée aux crises du système capitaliste. Celle que nous traversons (durable) depuis le krach de 2008 a contribué à la montée des figures hideuses de Donald Trump aux États-Unis, de Jair Bolsonaro au Brésil, de Narendra Modi en Inde, de Javier Milei en Argentine.
En Europe, la stratégie du choc d’austérité a partout alimenté l’extrême droite. Elle a permis d’établir des politiques ordolibérales capables de satisfaire le patronat, la haute bourgeoisie, les marchés financiers bourrés de profits énormes. Tout en désagrégeant les libertés, les droits individuels et collectifs pour mieux prévenir et réprimer la contestation populaire contre ces politiques de démolition sociale. Le visage de ce capitalisme autoritaire aujourd’hui en France, c’est Jordan Bardella. Écoutons : il fait la petite musique du « déraison budgétaire » qui ferait courir la France « un risque de déclin économique ». Il parle sans balbutier le langage des agences de notation, du FMI, d’Ursula von der Leyen – celle-là même qui, en déclenchant dans cette séquence une procédure de déficit excessif contre Paris, menace implicitement la France d’un scénario à la grecque en cas de victoire de le Front populaire.
S’il entre à Matignon, demain, l’ancien président du Front national se précipitera à Bruxelles pour confirmer son allégeance à une Commission européenne prête à traiter avec toutes les factions d’extrême droite, comme elle le fait déjà avec Viktor Orban ou Giorgia Meloni. La démocratie n’a jamais été inscrite dans le code source du capitalisme. L’extrême droite et la guerre, lorsqu’elles sont menacées, constituent son ultime défense.