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Ali Zaybaq, l’intrigant Robin des Bois des « Mille et une nuits »



« Vous découvrirez comment déjouer les pièges en lisant les visages. Vous serez diverti et ravi. »promet l’auteur anonyme dans l’ouverture de Mille et une nuits. Les récits consacrés à Ali Zaybaq maintiennent cet engagement. Hors-la-loi, escroc astucieux, connu pour sa ruse et ses déguisements, il est le maître voleur de NuitsLE‘ayyâr (escroc professionnel) le plus célèbre de la littérature arabe. Tueur de corruption, on l’appelle encore aujourd’hui le Robin des Bois arabe.

Dynastie des brigands

Traditionnellement, le‘ayyâr est un personnage secondaire des récits arabes, compagnon et bras droit du héros auquel il est subordonné. Le Sancho Panza de Don Quichotte en quelque sorte. Pourtant, Ali Zaybaq, un hors-la-loi, fils de hors-la-loi, renverse l’ordre des choses et s’émancipe. Son père, le bandit Hassan Ras Al Ghoul, a fui Bagdad pour échapper aux machinations meurtrières de Dalila la Rusée, et s’est installé au Caire, où il a épousé Fatima, surnommée la Lionne. Mais, la nuit de la naissance de leur fils Ali, Hassan Ras Al Ghoul est tué par Salah, le chef de la police.

Ali, qui fait partie d’une dynastie de voleurs, va, par son penchant pour la ruse et sa fourberie, se révéler le digne héritier de son père et devenir le héros principal de contes basés sur la dérision.

Ali Zaybaq apparaît dès le Xe siècle, sous la plume de l’historien Ibn Al Athîr, et devient rapidement l’un des romans arabes les plus populaires, dont il existe plusieurs versions longues de plusieurs centaines de pages. Ce conte de truands est l’un des derniers contes inclus dans Les mille et une nuits, auquel elle ne fut ajoutée que sous le sultanat mamelouk en Égypte, au XIIIe siècle.

Rapide comme le mercure

« Au temps de Salah l’Egyptien, chef de la police avec 40 hommes sous ses ordres, vivait un voyou nommé Ali, qui, lorsque la police chercha à le piéger, s’enfuit, rapide comme l’argent, comme le mercure (zaybaq, en arabe) et qui fut baptisé Ali Zaybaq »Shéhérazade commence à la fin de la 698e nuit. Dès son plus jeune âge, Ali Zaybaq se fait remarquer par son habileté à tromper et son attrait pour les déguisements. N’ayant d’autre idéal que la tromperie, il entame une véritable ascension sociale parmi les escrocs.

Ayant appris l’identité du meurtrier de son père, il le venge, tue Salah l’Egyptien et entreprend de se venger de Dalila la Rusée, connue pour sa perfidie et ses manœuvres machiavéliques. À Bagdad, il la détrône et s’empare du commandement de la police, ultime récompense pour un maître de la supercherie. Les deux adversaires trament de multiples intrigues rocambolesques pour couvrir l’autre de ridicule et s’arracher les bonnes grâces du sultan. Ali Zaybaq, souvent sauvé in extremis par sa mère Fatima la Lionne, finit par l’emporter et épouse Zaynab la Trompeuse, fille de Dalila la Rusée.

Robin des Bois panarabe

« Ali Zaybaq est l’incarnation du voleur honnête. Il vole les riches pour donner aux pauvres, lutte contre la corruption, s’élève contre l’injusticeanalyse Ibrahim Akel, maître de conférences à Paris 3-Sorbonne et spécialiste de littérature arabe classique. On l’appelle ainsi le Robin des Bois arabe.

Il a connu un regain de popularité en Égypte après l’arrivée au pouvoir de Gamal Abdel Nasser. « Ali Zaybaq est un Égyptien qui a lutté contre une dynastie étrangère, les Mamelouks (d’origine turque), tout comme le mouvement des Officiers Libres a renversé le roi Farouk, impopulaire et considéré comme sous la coupe de puissances étrangères.explique Ibrahim Akel. De plus, comme Ali Zaybaq, parfois surnommé Ali contre la corruption, Nasser dit défendre les pauvres. Le célèbre bandit de Nuitsqui vécut entre Le Caire et Bagdad, devint alors l’incarnation du panarabisme et du socialisme prônés par le jeune Nasser.

Longtemps racontées dans les cafés du Moyen-Orient lors des soirées, les facéties d’Ali Zaybaq ont connu une seconde vie dans les séries télévisées, très populaires au moment du ramadan. En Egypte et en Syrie, plusieurs feuilletons lui ont été consacrés depuis la fin des années 1970. Ce transfert des conteurs traditionnels vers le petit écran explique la renommée persistante d’Ali Zaybaq dans l’imaginaire collectif du monde arabe jusqu’à aujourd’hui.

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Les feuilletons du Ramadan, une tradition bien ancrée

Pendant le mois de Ramadan, Les soirées sont rythmées par des séries télévisées diffusées en masse dans le monde arabe. Elles ont remplacé les histoires récitées dans les cafés de quartier par des conteurs après la rupture du jeûne.

Motifs historiques revisités, rivalités familiales, drames sociaux ou comédies romantiques, Ces mini-séries s’appuient sur des acteurs à succès et des budgets de production conséquents pour satisfaire leurs spectateurs. Alors que les productions égyptiennes dominaient le marché du cinéma de fiction jusque dans les années 2000, les pays du Golfe ont progressivement grignoté ce monopole.

Pour de plus amples… Les mille et une nuitstraduit par Jamel Eddine Bencheikh et André Miquel, collection « La Pléiade », Gallimard, trois volumes.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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