« Il n’y a plus de mondes à conquérir. » Attribuées à Alexandre le Grand, ces paroles auraient été prononcées par le roi de Macédoine sur son lit de mort en 323 avant JC à Babylone, capitale mythique de l’ancienne Mésopotamie. Atteint dans sa jeunesse par une maladie dont les circonstances sont encore floues, le fils de Philippe II de Macédoine est encore aujourd’hui l’un des conquérants les plus romantiques.
Né en 356 avant JC à Pella, la capitale macédonienne, Alexandre le Grand succède à son père, assassiné par son propre garde du corps, alors qu’il n’a que 20 ans. Il rassembla une gigantesque armée en alliant la Macédoine aux villes grecques et commença sa conquête de la Perse en 334 avant JC, alors dirigée par le roi Darius III. Par ses victoires successives en Anatolie, en Mésopotamie puis dans la vallée de l’Indus (actuel Pakistan), Alexandre marche sur de nombreuses villes et parvient, en battant Darius III, à prendre la tête de son empire et à mettre fin à la dynastie achéménide qui gouvernait la Perse depuis le 7ème siècle avant notre ère. Pierre Briant nous rappelle que « L’immense entreprise d’Alexandre reposait sur une gigantesque armée qu’il fallait armer, financer et entretenir. Le financement s’est fait d’une part grâce à l’héritage de Philippe II, qui avait grandement développé les mines d’or de Macédoine et produisait ainsi beaucoup de monnaie. Par ailleurs, il faut souligner que la conquête alimente la conquête : ce sont aussi les trésors perses qui financent l’avancée des troupes macédoniennes sur toute la superficie de l’ancien empire achéménide. Toutes les grandes villes perses sur lesquelles Alexandre marcha peu à peu (Sardie, Suse, Persépolis, Babylone) lui rapportèrent à chaque fois un butin considérable.« .
Il semble difficile d’analyser l’impact économique de la conquête d’Alexandre, tant il est compliqué, dans une histoire aussi ancienne, de distinguer les visées économiques et commerciales des visées militaires. Mais on attribue depuis longtemps à Alexandre l’introduction d’un système monétaire en Perse et le renforcement des échanges commerciaux entre l’Occident et l’Orient, étendant notamment l’influence de l’hellénisme. Connu comme un roi bâtisseur, Alexandre fonda également une vingtaine de villes – la plus importante étant Alexandrie en Egypte, et établit des colonies grecques jusqu’aux confins de l’Asie. François Joannes ajoute « en plus d’avoir servi à financer les conquêtes, les trésors perses jouèrent un rôle important dans la monétisation de l’empire. Dès son arrivée dans les grandes capitales, Alexandre met la main sur d’importantes quantités de devises, jusqu’alors destinées uniquement à être thésaurisées. En effet, durant la période perse, les ressources de l’empire étaient évidemment utilisées mais elles étaient aussi et surtout stockées sans finalité. Les conquêtes d’Alexandre, basées sur un état de guerre continu, nécessitèrent de puiser beaucoup dans ces grandes réserves d’argent perse.« .
Élevées comme un modèle d’ambition et de réussite militaire, notamment depuis le siècle des Lumières, les conquêtes d’Alexandre le Grand font aussi souvent l’objet de mythes et de légendes, qui tendent à faire oublier qu’elles n’ont pu avoir lieu que grâce au structures de l’Empire perse qui précédèrent l’arrivée des troupes macédoniennes. Ainsi, si les campagnes d’Alexandre ont effectivement ouvert la voie au développement économique de la région, elles reposaient en grande partie sur le pillage des trésors perses et sur les structures fiscales et administratives de la dynastie achéménide, loin d’être sous-développées ou rudimentaires.
Pour de plus amples
- Pierre Briant : Histoire de l’empire perse (Fayard, 1996)
- Pierre Briant : Alexandre des Lumières : fragments de l’histoire européenne (Gallimard, 2012)
- Pierre Briant : Alexandre, exégèse des lieux communs (Folio, 2016)
- Francis Joannès : Mésopotamie de Gilgamesh à Artaban (coll. Mondes Anciens, Belin, 2017)
Carbone 14, la revue d’archéologie
29 minutes
Références sonores
- En lisant Invités de passage André Malraux, 1975
- Extrait du film « Alexandre le Grand» de Robert Rossen, 1956
- En lisant Alexandre le Grand de Racine (1665) par les acteurs de la Comédie Française, Fiction de France Culture, 26 mai 2023
- Extrait du film « Alexander », réalisé par Oliver Stone, 2004
- Archives RTF, « causerie » du professeur Alfred Foucher sur la conquête de l’Inde par l’empereur Alexandre, 27/06/1949