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Ainsi Churchill : le vieux lion ressuscité sur scène



L’exercice était périlleux, mais le pari s’est avéré largement réussi. Alors que l’on célèbre le 150e anniversaire de la naissance de Winston Churchill (1874-1965) le 23 novembre prochain, l’auteur, metteur en scène et comédien Sylvain Beltran Lamy livre un magnifique one-man-show au Théâtre des Deux Ânes à Paris (tous les dimanches à 17h30 du 6 octobre au 22 décembre 2024) dans lequel il se met dans la peau du « Vieux Lion » au crépuscule de sa carrière politique, en 1953.

Un an après la mort subite de George VI, Churchill était Premier ministre et mentor de la jeune Élisabeth II. Il venait de recevoir le prix Nobel de littérature pour « sa maîtrise de la description historique et biographique et pour ses brillants discours » (et non, comme on le pense souvent, pour ses six volumes sur la Seconde Guerre mondiale), même s’il aurait préféré, de son propre aveu, le prix Nobel de la paix…

Cet événement nous invite à revenir sur sa longue carrière mais aussi à évoquer la mémoire d’une femme dont l’influence fut déterminante sur sa carrière comme sur sa personnalité. Qui a permis à « Winston de devenir Churchill » ? C’est un pur plaisir d’assister à ce tour de force qui allie émotion et rire (l’homme d’Etat était un maître du trait d’esprit…), psychologie et grande histoire. A ne pas manquer.

Entretien avec Sylvain Beltran Lamy

Comment est né ce projet de ressusciter Churchill pour un one-man-show ?

J’ai toujours pensé qu’il pouvait être le sujet idéal d’une pièce de théâtre : son parcours est hors du commun, mais aussi sa personnalité et son humour. Pour moi, Churchill, c’est Guitry en politique, un maître des bons mots acerbes qui font toujours mouche. Je voulais aussi comprendre qui était l’homme qui se cachait derrière sa carapace, et je suis parti d’un angle peu exploré dans la fiction, celui d’une femme, qui a réellement existé, et qui a joué un rôle clé dans son rapport à la vie. C’est à travers l’évocation de cette figure du passé que j’ai voulu expliquer les nombreux défauts et zones d’ombre de Churchill, et notamment son rapport à l’alcool. Je me suis basé sur de nombreux témoignages et biographies, notamment celle magistrale de François Kersaudy (aux éditions Tallandier) et j’ai ensuite imaginé comment Churchill avait pu évoquer le souvenir de cette femme alors qu’il venait de recevoir le prix Nobel de littérature.

Cette pièce est aussi l’occasion de revenir sur l’extraordinaire carrière de Churchill, ses succès mais aussi ses échecs…

Oui, y compris un événement qui l’a hanté toute sa vie : alors qu’il était à la tête de la marine britannique, il organisa l’attaque contre l’Empire ottoman dans les Dardanelles en janvier 1915 (sur la base d’un plan basé sur des rapports erronés sur les défenses turques) qui s’avéra être l’un des pires désastres de la Première Guerre mondiale. Churchill fut disculpé par une commission d’enquête parlementaire, mais les 53 000 victimes britanniques et alliées le hantèrent. Cela explique de nombreux aspects de sa personnalité.

La pièce alterne entre moments d’émotion et grands éclats de rire, car Churchill manie l’humour comme personne. Quel est votre trait d’esprit préféré ?
Il est difficile de n’en citer qu’un seul, mais j’aime particulièrement la petite pique qu’il a adressée à George Bernard Shaw. Le dramaturge anglais lui avait adressé cette petite note : « Je réserverai deux billets pour ma première. Amenez un ami, si vous en avez un. » Et Churchill répondit :

Je ne pourrai pas assister à la première. Je viendrai à la deuxième représentation. S’il y en a une.

Vous présentez aujourd’hui la pièce à Paris plus de dix ans après sa création. Les choses ont-elles changé depuis ?

En effet, j’ai créé la pièce en 2013 au Petit Théâtre Impérial de Vichy (Allier), théâtre que je dirige aux côtés de Marc Tiger, et c’est avec un immense plaisir que je la présente aujourd’hui au public parisien. Il me faut toujours plus d’une heure et demie de maquillage pour entrer dans la peau du Vieux Lion ! La fin a un peu changé, notamment parce que la pièce se conclut désormais par un court métrage évoquant la vie de Churchill. Mais le texte n’a pas changé, car il n’en avait pas besoin : la personnalité de ce monstre sacré de la politique, son courage, son sens du devoir, sont autant d’enseignements pour le présent. Il suffit d’écouter comment Churchill parlait de la Russie il y a quatre-vingts ans pour se dire que son héritage est toujours fertile…

Alors Churchill, une pièce de et avec Sylvain Beltran Lamy, 90 minutes, tous les dimanches du 6 octobre au 22 décembre à 17h30 au Théâtre des Deux Ânes, 100 bd de Clichy, 75017 Paris.

GrP1

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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