« Aie pitié de nous et partons d’ici ! »
Il ne dort plus à la belle étoile dans les champs d’oliviers, mais sous une tente de fortune, faite de branchages et de tuyaux, recouverte d’une bâche en plastique. Originaire de Freetown, capitale de la Sierra Leone, Musa* s’est retrouvé à Henchir Ben Farhat, un domaine agricole privé situé à El-Amra, il y a plus de huit mois, en septembre 2023. Comme des centaines de migrants et demandeurs d’asile venus de divers pays du Afrique subsaharienne, il ne s’attendait pas à rester aussi longtemps dans cette petite ville du centre-est de la Tunisie devenue l’un des principaux points de départ pour l’île italienne de Lampedusa.
Faute de mieux, le Sierra Léonais de 36 ans s’est improvisé épicier. Devant sa tente, il a installé un petit stand proposant des fruits et légumes, quelques pâtes et des produits d’hygiène. Pour s’approvisionner, il doit marcher plusieurs kilomètres jusqu’au marché d’El-Amra avant de retourner au camp pour les stocker. Une opération risquée. « En ville, on peut se faire arrêter par la police, c’est plus dangereux qu’ici »il explique.
Depuis les déclarations du président Kaïs Saïed en février 2023, qui affirmait que l’arrivée des Subsahariens s’inscrivait dans le cadre d’un « plan criminel visant à modifier la composition démographique » pays, les autorités ont considérablement durci leur approche à l’égard des migrants. A El-Amra, les patrouilles de la Garde nationale, renforcées par des unités venues de Tunis, sont constamment en alerte. Les migrants sont régulièrement expulsés des oliveraies où ils s’étaient installés, arrêtés ou conduits à la frontière.
Des marques de brûlure
Fin avril, des agents de la Garde nationale ont détruit le camp Henchir Ben Farhat lors d’une opération de sécurité. Musa, qui a perdu tout son stock de marchandises, tente une seconde fois la traversée vers l’Europe, sans succès. Son bateau en métal a repris l’eau. Depuis, il a développé son activité, en attendant une nouvelle opportunité de quitter le pays.
Dans le camp, la violence de la police a laissé des cicatrices visibles sur les corps des hommes. Amos, 34 ans, né au Libéria, présente des traces de brûlures au bras et à l’épaule causées, selon lui, par les bombes lacrymogènes lancées par la police lors de la destruction du camp. Lui non plus ne peut pas quitter le pays. « Ils ne veulent pas de nous, mais ils nous empêchent de partir, pourquoi ? Ils préfèrent nous voir souffrir et mourir ici ? »se demande-t-il.
En mai, les garde-côtes tunisiens ont annoncé avoir intercepté ou secouru 28 147 personnes depuis le début de l’année, et environ 79 635 en 2023. Car la Tunisie reste essentiellement un pays de transit : selon le ministre de l’intérieur, lors d’une audition au Parlement, 23 000 sous -Des migrants sahariens en situation irrégulière ont été découverts sur le territoire tunisien.
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