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Afghanistan : les talibans toujours en quête d’une reconnaissance internationale

Les images du retrait des derniers soldats de l’armée américaine du territoire afghan, en août 2021, rappellent sans doute l’idée d’un échec total pour les Etats-Unis et leurs vingt ans de présence militaire. Dans un chaos et une confusion totale, Joe Biden a achevé ce que Donald Trump avait entrepris avant lui : le retrait militaire américain d’Afghanistan.

Les talibans, profitant de la faiblesse de l’armée régulière afghane, ont repris en quelques semaines le contrôle de la quasi-totalité du pays. L’administration Trump puis l’administration Biden n’ont pas été dupes de ce résultat. L’accord signé entre les représentants des talibans et les États-Unis en février 2020 à Doha (Qatar) préfigurait largement une telle issue.

2 313 milliards de dollars : c’est la somme investie par les différents gouvernements américains depuis leur intervention en Afghanistan, à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Les pertes militaires et civiles de ces vingt années d’occupation sont sidérantes : un projet de recherche du cabinet Watson L’Institut des affaires internationales et publiques de l’Université Brown (Rhode Island), le Costs of War Project, évoque la mort d’au moins 940 000 personnes entre l’Afghanistan, l’Irak, le Yémen, le Pakistan et la Syrie depuis 2001.

Coût financier, coût humain, coût social… Difficile de ne pas dire que ces opérations ont été un fiasco. La reprise du pays par les talibans en quelques mois seulement, entre mai et août 2021, alors que l’ambition des États-Unis et de leurs alliés dans cette intervention était de les chasser du pouvoir en 2001, renforce le ridicule.

Cette fois, l’Occident, mené par les États-Unis, a compris qu’il ne pouvait faire face à rien d’autre qu’aux talibans en Afghanistan. Les fondamentalistes islamistes, quant à eux, ont pris soin de présenter des engagements à la communauté internationale : droits des femmes, lutte contre la présence de groupes terroristes, interdiction de l’opium.

Autant de promesses qui devraient permettre aux talibans afghans de se présenter comme des acteurs internationaux à part entière, mais aussi de bénéficier d’une aide financière internationale vitale pour le pays. Près de trois ans après la reprise du pouvoir par cette organisation, qu’en est-il de la situation politique du pays ?

L’échec des premiers engagements

Pour engager un processus de respectabilité à l’échelle internationale, les talibans ont cherché à rassurer les États-Unis sur leurs ambitions pour le pays. Premier objectif, que l’Afghanistan ne redevienne pas un « sanctuaire » pour groupes jihadistes, comme l’exige l’expression. Lors de leur premier gouvernement en Afghanistan, des groupes djihadistes comme Al-Qaïda ont trouvé refuge dans le « cimetière des empires ».

Cette fois, c’est promis : les talibans empêcheront la prolifération des groupes terroristes. C’était aussi l’une des promesses faites lors de l’accord entre les talibans et les États-Unis, en février 2020, soit un an et demi avant la prise de Kaboul par les héritiers moudjahidines.

Depuis août 2021, l’organisation État islamique au Khorasan (EI-K, branche regroupant les activités du groupe en Afghanistan), reste cependant très active. La persécution des minorités religieuses afghanes par l’IS-K a été documentée en nombre important. En septembre 2022, l’ambassade de Russie en Afghanistan, à Kaboul, a été la cible d’un attentat suicide faisant deux morts. Plus récemment, l’attentat du 3 janvier en Iran et celui du 22 mars contre l’hôtel de ville de Crocus, près de Moscou, ont remis les activités du groupe sur le devant de la scène, à une échelle encore plus grande. Le pari des talibans d’arrêter les mécanismes des groupes terroristes agissant sur leur territoire est pour l’instant un échec retentissant.

L’autre élément qui inquiète est le sort réservé aux femmes afghanes par les talibans. Si l’on peut aisément qualifier de désastreux les résultats des opérations américaines (et occidentales en général) en Afghanistan, l’un des rares aspects positifs à retenir a été l’amélioration notable des conditions de vie des femmes afghanes en vingt ans.

Comme l’expliquait très bien Pierre Ramond, chercheur en géopolitique, en août 2023 dans le magazine Le Grand Continent, les talibans ont progressivement cherché à éliminer les femmes afghanes de l’espace public. En ce sens, plusieurs décisions ont été prises : en mars 2022, l’accès à l’éducation a été interdit aux femmes afghanes dès l’âge de 12 ans ; en décembre 2022, l’université devient fermée aux femmes ; A partir du 25 juillet 2023, tous les salons de beauté encore tenus par des femmes ont été fermés par décret.

Pourtant, comme le rappelle Pierre Ramond, les salons de beauté constituaient un moyen de sociabilité important pour les femmes afghanes en dehors du foyer familial. Leur fermeture a eu des conséquences désastreuses sur leur existence en Afghanistan. Avec ces mesures, on imagine mal la communauté internationale s’entendre sur le versement d’une aide financière à Kaboul. Cependant, la crise économique, la malnutrition et les tremblements de terre à répétition dans cette région du monde continuent de mettre le pays aux abois.

Luttes internes et luttes contre l’opium

Nous devons trouver des solutions pour les talibans. Sans aide internationale, l’Afghanistan fait face à une situation critique, à tel point que plusieurs courants politiques s’affrontent au sein de la mouvance islamiste. En effet, on aurait tort de penser que les talibans répondent à une logique unidimensionnelle dans leurs approches politiques. Comme l’explique Karim Pakzad, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), l’émir Haibatullah Akhundzada, leader du mouvement et leader de facto de l’Afghanistan, incarne une vision traditionaliste du mouvement taliban.

Défenseur de l’application stricte de la charia, cet ancien conseiller du mollah Omar, décédé en 2013, est un visage de la première génération de talibans ayant été au pouvoir entre 1996 et 2001. Face à lui, son ministre de l’Intérieur, Sirajuddin Haqqani est un acteur politique influent et a une approche plus rationnelle des relations politiques internationales.

Il semble conscient de la nécessité de dialoguer avec la communauté internationale afin d’assurer la pérennité du mouvement. Avec le réseau Haqqani qui porte son nom, le ministre afghan de l’Intérieur entend imposer sa vision. Ne nous y trompons pas, Sirajuddin Haqqani reste le garant de la stricte application de la charia. De plus, ses liens avec Al-Qaïda font de lui l’un des hommes les plus recherchés en Afghanistan par les États-Unis.

Il semblerait néanmoins qu’une décision ait fait consensus au sein du mouvement : la lutte contre l’opium, extrait de la culture du pavot. L’opium, en tant que drogue, fait des ravages sur le territoire afghan. Ainsi, dès leur retour au pouvoir, les talibans ont pris une décision claire : l’interdiction totale de la culture du pavot.

Ce n’est pas une décision anodine pour le mouvement. Si, lors de leur première gouvernance, les Taliban ont cherché à lutter contre la production d’opium, ils ont accaparé l’essentiel de ses ressources financières, lors de leur période d’insurrection entre 2001 et 2021, afin de financer la lutte armée contre les gouvernements afghans soutenus par les Nations Unies. États.

Mais cette fois, sous la pression internationale et dans un souci de cohérence religieuse, ils sont déterminés à faire disparaître ce fléau, avec une baisse de la culture du pavot de 95 % entre 2022 et 2023. Difficile de dire si cela suffira à convaincre la communauté internationale. communauté pour débloquer des fonds vitaux pour les populations afghanes.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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