Franceinfo a recueilli les paroles de six habitants de Paris et de sa banlieue, qui ont choisi de quitter la capitale pendant les Jeux. La plupart craignent avant tout les potentielles perturbations liées à l’événement.
Pour eux, le 26 juillet ne rimera pas avec le début des festivités. La capitale s’énervera pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris sans Laurent, Guillaume, Christelle, Jean-Michel, Cédric et Françoise. Ces six Parisiens sont loin d’être les seuls à avoir esquivé cet événement planétaire.
Embouteillages, foule, considérations éthiques, insécurité, peur du Covid, restrictions de circulation… Autant de raisons qui ont conduit la centaine de personnes ayant répondu à l’appel à témoignages de franceinfo à la même conclusion : fuir la capitale pendant les JO leur semblait la seule solution viable pendant au moins deux semaines. Ils témoignent.
Laurent, 44 ans, Paris (20e) : « Je ne vois pas dans quel monde les transports pourraient être à la hauteur »
La ligne 9 du métro parisien ? « Déjà impraticable.« Ligne 6 ? « Un cauchemar. » Les Jeux n’ont pas encore commencé, mais Laurent assure souffrir « déjà les incohérences de la RATP du lundi au vendredi »L’enseignant de 44 ans, ancien athlète de haut niveau et « Fan ultime des Jeux Olympiques »cependant, j’ai décidé de les suivre de loin, depuis Bordeaux.
« Le décalage entre les annonces (positives) et la réalité quotidienne me fait craindre une bombe organisationnelle ! »
Laurent, professeurà franceinfo
Il estime que le réseau de transport public ne sera pas en mesure d’absorber l’afflux attendu de touristes. « Les Parisiens ne sont déjà pas les gens les plus bienveillants, mais ils savent où ils vont. Imaginez le même nombre de personnes sur le même horaire, mais qui ne connaissent pas le réseau : l’horreur ! Il assure néanmoins comprendre certaines difficultés, comme le recrutement de chauffeurs de métro ou de bus, un métier « difficile » Et « sous-évalué ». Mais avec une organisation « pas à la hauteur », il ne voit pas « dans quel monde pourrait exister le transport ».
Guillaume, 34 ans, Paris (10e) : « Quand j’ai su queAirbnb était partenaire des Jeux Olympiques, je l’ai vécu comme une trahison »
« On déroule le tapis rouge aux sponsors et nous, les résidents, on nous oublie. » Guillaume aurait aimé assister aux Jeux. Mais l’urbaniste de 34 ans dénonce la « monter en flèche » locations touristiques temporaires. « Sur les 20 appartements de l’immeuble, quatre ou cinq sont déjà loués sur Airbnb, et on voit que beaucoup d’autres vont faire de même. »
Maintenant, qui dit nouveaux arrivants dit « plus de nuisances », selon lui. « Poubelles en vrac, commerces de proximité (pris d’assaut)… » Mais surtout, Guillaume regrette que la lutte contre l’hébergement touristique ait été « mettre sous verre » par la municipalité. Si la ville a pris de nombreuses mesures anti-Airbnb ces dernières années, l’urbaniste lui reproche d’être moins vindicative sur le sujet à l’approche des Jeux.
« Nous ne voulons pas nous retrouver dans des quartiers qui ne se ressemblent plus. »
Guillaume, urbanisteà franceinfo
« Quand nous avons vu que l’entreprise était partenaire des Jeux Olympiques, nous nous sommes sentis trahis »il confie. La stratégie s’est avérée payante pour la plateforme, puisque les annonces de logements meublés touristiques sur Airbnb en région parisienne ont doublé en l’espace d’un an. Un succès qui n’est pas du goût de Guillaume et de sa compagne, bien décidés à partir pendant les Jeux… Et à mettre leur appartement en location ? Certainement pas. « Nous n’allons pas faire souffrir à nos voisins ce que nous ne voulons pas subir nous-mêmes ! »
Christelle, 53 ans, Paris (10e) : « J’ai peur que les attentats se multiplient »
Gérald Darhomme L‘promis : Près d’un million de personnes seront soumises à un contrôle de sécurité avant la cérémonie d’ouverture le vendredi 26 juillet. chiffre peut être beau impressionnant, il ne rassure pas Christelle, 53 ans. « Il y aura forcément un ou deux fous qui passeront à travers les mailles du filet. », crucheet cet agent de la récupérationqui cite l’exemple de l’attaque au couteau survenue plus tôt cette semaine à la Gare de l’Est. « Depuis lors, je crains le pire« haleine celui qui est convaincu que les attaques risquent « multiplier » pendant les Jeux.
Alors, le quinquagénaire planifié le déménagement. Elle a posé ses vacances pendant les Jeux olympiques pour échapper à l’insécurité, mais Aussi Pour de ne pas assister à une éventuelle « débâcle ». Pour ChristelleLes projecteurs sur la capitale pasIl n’y a rien de quoi être heureux et Les touristes vont être choqués. Selon elle, « Paris est sale, mal famé. On se dit qu’on va subir une honte internationale !«
Jean-Michel, 75 ans, Paris (13e) : « Les Jeux sont une aberration écologique et démocratique »
Réunir toutes les nations du monde, tout en participant à sa destruction ? Pour Jean-Michel, les grandes promesses de Jeux plus verts sont, au mieux, des vœux pieux, au pire, des mensonges éhontés. « Les Jeux Olympiques tels qu’ils sont conçus à notre époque provoquent des déplacements massifs de population inimaginables. Pour beaucoup, par avion »s’emporte le retraité de 75 ans.
UN « aberration écologique » qui sert également de « déficit démocratique »à ses yeux. « Ce qui m’a vraiment énervé, c’est que les Jeux olympiques ont eu lieu sans que nous ayons été sollicités. » À ces préoccupations éthiques, Jean-Michel ajoute celui du budget. « A chaque fois, on promet une rigueur énorme dans les dépenses, mais elle est toujours largement dépassée, et cette fois-ci n’échappera pas à la règle »anticipe le retraité.
Les dernières études sont moins alarmistes que Jean-Michel sur le sujet, même si les estimations du cabinet de conseil Asterès lui donnent raison : le budget alloué à l’événement a bel et bien été revu à la hausse depuis 2017, passant de 6,8 milliards d’euros à 11,8 milliards. « Les Jeux de Paris devraient être les troisièmes moins chers depuis 1988, après Atlanta et Sydney »l’entreprise a souligné en mars.
Cédric, 46 ans, Suresnes (Hauts-de-Seine) : « La perspective d’une vague épidémique m’inquiète »
Confinement, masques, vaccin… Autant de mots qui ne font plus partie du quotidien de chacun, mais que Cédric, 46 ans, craint de voir refaire surface avec les Jeux. « La perspective d’une vague épidémique de Covid me rend anxieux, quand j’imagine autant de gens réunis au même endroit, venant de pays très éloignés »inquiète ce professeur d’art. Pour lui, la peur de la propagation d’un énième variant se mêle à « un problème beaucoup plus concret ».
Victime d’un AVC en 2016, le Parisien se déplace depuis à l’aide d’une canne et éprouve de grandes difficultés à se déplacer « encore plus complexe que d’habitude » Il dénonce les travaux autour des sites olympiques « situé au coeur de Paris intramuros »comme le pont Alexandre III. Palissades, clôtures et barrières jalonnent la ville, soumise à de nombreuses restrictions de circulation« Vraiment, c’est beaucoup. »soupire celui qui pourtant n’a pas « rien contre les JO à la base ».
Adolescent, le quadragénaire avait même été « fasciné » par les Jeux olympiques d’hiver d’Albertville en 1992. Au point de se réjouir à l’annonce de ceux de Paris ? « Non »c’est lui qui décide. Selon Cédric, le choix de la capitale est « Des bêtises à tous les niveaux. »
Françoise, 65 ans, Paris (11e) : « Le QR code, c’est de la pure surveillance policière »
Françoise aime habituellement l’été à Paris : chaque année, elle profite des mois de juillet et août pour « faire du tourisme » dans la ville où elle vit depuis l’âge de dix ans. Mais cette fois, la retraitée 65 ans a dû se résoudre à renoncer à ses traditionnelles sorties culturelles estivales. Une décision de longue date, pris l’année dernière « au moment où les premières mesures de sécurité ont été annoncées ».
« Ce système de QR code est incompatible avec mon mode de vie, je refuse de m’y soumettre. »
Françoise, retraitéeà franceinfo
« Je n’ai aucune envie d’aller au musée avec un code QR. C« Le système est une pure surveillance policière. »elle dénonce, « allergique aux mesures intrusives ». Il y a bien plusieurs monuments culturels dans les zones soumises à la possession d’un QR code, mais pour la plupart, les billets feront office de pass. Peu importe à Françoise, dont le choix est plus idéologique que logistique.« Je refuse de devoir traverser ça. « une intervention policière disproportionnée (…) »elle suppose.
La Parisienne a pourtant acheté ses billets pour les Jeux Paralympiques, où elle craint de voir des tribunes « vide »malgré « Des expériences sportives à couper le souffle ».