Aucun d’entre eux n’avait touché à un instrument auparavant, hormis la flûte classique au collège. Ils ont grandi, se sont mariés, ont trouvé un travail, ont eu des enfants. Un beau jour, ils se sont retrouvés face à un instrument qui est entré dans leur vie, et l’a parfois changée. Face au rythme de la vie adulte, ces hommes et ces femmes ont décidé de fixer leur propre rythme.
« Ça m’a donné l’impression d’avoir une vie » : Loïc s’est mis à la guitare
A peine passé le cap de la trentaine, Loïc fait une rencontre qui va changer sa vie. C’était il y a sept ans, via « Lolo », une habituée du restaurant qu’il venait de reprendre à Nantes. «
J’avais un client musicien et un jour je suis passé chez lui. J’ai essayé sa guitare », se souvient le Parisien à l’autre bout du fil. Ce fut le coup de foudre : le lendemain, le jeune homme acheta une guitare électrique et commença à apprendre les accords. «J’ai toujours rêvé de le faire. En grattant trois cordes, j’ai trouvé ça vraiment génial”
s’enthousiasme-t-il.
A l’époque, le restaurateur espacait ses séances de grattage entre deux services, une parenthèse dans ses journées au rythme infernal. « J’ai pris l’habitude de faire cela pendant la pause entre le service du déjeuner et celui du soir. On n’a pas vraiment de vie au restaurant : on se lève le matin, on va travailler le midi, on fait une petite sieste d’une heure et on retourne travailler, raconte le guitariste amateur. C’était un peu comme le yoga : je m’éteignais, j’oubliais tout et je retournais au travail plus détendu. Cela m’a donné l’impression d’avoir une vie. »
Six ans plus tard, cette impression est devenue réalité. Vente du restaurant, PACS, deux enfants, formation d’électricien en ligne : le nouveau quotidien de Loïc fourmille de vie et la guitare en fait toujours partie. « Obsédé »
par sa Gibson, ce fan de pop rock élit régulièrement domicile dans un garage transformé en studio pour jouer en groupe, rencontrer du monde, « amusez-vous »
. « Merci Lolo », glisse-t-il avant de raccrocher. Il se reconnaîtra. »
« J’aime quand c’est compliqué » : Sophie a commencé le violon à 45 ans
Comme Loïc, Sophie, 47 ans, voit ces pauses musicales comme un grand moment de détente. Il y a deux ans, elle a choisi le violon pour surmonter une dépression nerveuse. « C’était pour trouver un passe-temps »
, admet-elle simplement. L’instrument, « ingrat »
demande « grande concentration »
. « J’aime quand c’est compliqué »
, glisse-t-elle. Et si apprendre à l’apprivoiser n’est pas chose aisée, le résultat est à la hauteur des attentes : « Cela m’a donné beaucoup de confiance en moi. »
Employée dans un foyer pour adultes handicapés mentaux et mère de deux enfants, cette habitante de Vienne profite de ses horaires courts et décalés pour se rendre à son cours de violon tous les mercredis. « Je me suis dit que ça allait être très dur d’apprendre un instrument, raconte l’amateur de musique classique, qu’avec la vie de famille et la vie professionnelle, on a rarement le temps. »
Finalement, Sophie a réussi à prendre un peu de temps libre dans la journée. « J’essaie de jouer ne serait-ce que cinq minutes par jour »
, annonce-t-elle comme une promesse. Ne vous laissez surtout pas » manger «
par la vie quotidienne. Le plus dur, « il s’agit de s’accorder ce temps, sans avoir peur de déranger son partenaire ou ses enfants »
confie-t-elle.
La mère suit des cours de solfège avec sa fille de seize ans, qui s’initie à la guitare en même temps qu’elle découvre le violon, et intègre l’orchestre des juniors. Elle se sent soutenue et prend pour preuve un événement désastreux qu’elle évoque désormais avec humour : sa famille…