Publié
Temps de lecture : 4 min
Les paradresseurs et leurs chevaux arpentent depuis mardi les voies du château de Versailles.
Versailles reprend du service. Après les épreuves de saut d’obstacles, de dressage et de concours complet des Jeux Olympiques, c’est au tour des cavaliers de para-dressage de danser avec leurs chevaux à l’Etoile Royale, tout en profitant d’une vue sur le château. Seule discipline équestre aux Jeux Paralympiques, le para-dressage, qui consiste à enchaîner des mouvements à des allures différentes, est l’occasion d’admirer des chevaux ayant intégré de nouveaux codes et adaptés au handicap de leur cavalier. Les cavaliers de para-dressage sont classés en cinq grades en fonction de leur handicap, plus le chiffre est bas, plus le handicap est sévère (du grade I au grade V). Le para-dressage regroupe différents handicaps physiques et la cécité.
En équitation classique, les chevaux sont entraînés à répondre à des demandes bien précises. Une pression des mollets et le cheval avance, l’appui des mains à droite et à gauche de la monture permet de donner la direction… Alors que faire quand un entraîneur ne peut plus utiliser le bas ou un côté de son corps ? Quand il lui manque une jambe ou un bras ?
« Il est vrai que les chevaux doivent s’habituer à avoir des exigences différentes.« , souligne Fanny Delaval, directrice technique nationale (DTN) en charge du para-dressage et responsable de l’équipe de France. Pour les aider à formuler des demandes différemment, les cavaliers de para-dressage disposent d’aides compensatoires, interdites en compétition pour les cavaliers valides, comme la voix ou le bâton, un long fouet très fin utilisé sans frapper, en exerçant une pression ou en tapotant.
Ces appareils permettent de donner des indications supplémentaires, afin de pallier à une paralysie ou à un membre manquant. Amputé de la jambe droite suite à un accident de voiture, Vladimir Vinchon, qui représentera la France sur le rectangle de dressage, remplace l’ensemble des actions de cette jambe par des actions avec l’objet : « Pégase Mayenne (son cheval) a accepté le bâton très rapidement et très naturellement. Évidemment, je fais attention à l’endroit où je l’utilise et à la pression que j’exerce pour ne pas le déranger. »
La para-handicapée Chiara Zenati, qui a concouru avec Swing Royal*IFCE aux Jeux paralympiques de Paris, est hémiplégique du côté droit depuis sa naissance et ne se sert que de sa main gauche. Pour savoir si le hongre noir lui conviendrait – et pour des raisons de sécurité – son entraîneur, Sébastien Goyheneix, l’a monté et entraîné avant qu’elle ne l’essaye.
« Il s’agit de rendre le cheval le plus coopératif et le plus réceptif possible dans le travail, car le cavalier handicapé peut être un peu plus vulnérable. C’est ce qui va permettre au cavalier d’établir ses codes. »analyse le cavalier du Cadre Noir de Saumur (Maine-et-Loire). Ce procédé est beaucoup plus rare, voire inexistant, pour les cavaliers de dressage valides. Ce sont généralement eux qui montent directement sur leur cheval et peaufinent le travail.
« Je suis toujours étonnée par la capacité d’adaptation des chevaux. Tout se passe de manière très naturelle. Ce n’est pas tant une question d’entraînement que d’adaptation. »
Fanny Delaval, DTN en charge du para-adressageà franceinfo : sport
Les codes sont spécifiques à chaque cavalier en situation de handicap et le résultat final est le fruit d’une adaptation mutuelle. « Chiara est capable d’adapter la façon dont elle utilise sa main unique pour une conduite de qualité. Le cavalier trouve toujours des solutions pour compenser son handicap« explique Fanny Delaval.
« Il faut laisser du temps au couple. Chiara, je ne lui explique pas comment faire, elle le trouve toute seule. C’est elle qui sent si elle peut faire faire un mouvement à son cheval ou non.« ajoute Sébastien Goyheneix. « Chacun met en place une codification qui lui est propre handicap« , ajoute Vladimir Vinchon.
Bien que les codes soient différents, les qualités recherchées chez un cheval de para-dressage sont généralement les mêmes que chez un cheval de dressage. « Le bon cheval de parade est le cheval qui gagne et qui permet d’être le meilleur. Nous recherchons des chevaux compétitifs. »insiste Fanny Delaval. « Ce sont des chevaux de dressage normaux avec des qualités intrinsèques »ajoute Vladimir Vinchon. Le cheval de Chiara Zenati avait initialement été acheté pour les cavaliers du Cadre Noir de Saumur.
C’est là qu’entrent en jeu l’éducation qui lui a été donnée, ainsi que le mental du cheval. Le cheval doit être suffisamment patient et malléable pour accepter que son cavalier cherche ses repères, commette des erreurs, change sa façon de poser ses questions. C’est notamment l’absence de réaction violente au bâton et son adaptation rapide qui ont « fait passer« Le choix de Vladimir Vinchon pour Pégase Mayenne. Le couple a terminé 6ème de sa catégorie aux Jeux de Tokyo et vise cette fois une médaille à domicile.