Actifed, Dolirhume, Humex… Quatre questions sur l’interdiction de la vente libre de médicaments contre le rhume à partir de mercredi
L’Agence nationale de sécurité du médicament rend obligatoire la présentation d’une ordonnance pour acquérir ces traitements, car ils présentent trop d’effets secondaires pour soigner une maladie bénigne.
Publié
Temps de lecture : 6min
Sortir ses mouchoirs plutôt que d’avaler un comprimé ? A partir du mercredi 11 décembre, les autorités sanitaires françaises rendent obligatoire la présentation d’une ordonnance en pharmacie pour recevoir huit traitements anti-rhume, a annoncé lundi l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Elle estime que les effets secondaires encourus, comme les accidents vasculaires cérébraux et les crises cardiaques, bien que rares, sont trop graves pour un simple nez bouché. Franceinfo revient sur cette décision en quatre questions.
1 Quels médicaments sont concernés ?
La décision de l’ANSM concerne les médicaments vasoconstricteurs dont l’objectif est de vaisseaux sanguins étroitsqui partagent une molécule appelée pseudoéphédrine. Disponibles sans ordonnance sous forme de comprimés, ils sont également vendus sous forme de spray nasal sur ordonnance et visent à décongestionner et déboucher le nez. Ce sont donc les principaux médicaments utilisés contre le rhume.
Bien connus du grand public, ils sont commercialisés sous les dénominations suivantes : Actifed Rhume, Actifed Rhume jour et nuit, Dolirhume paracétamol et pseudoéphédrine, Dolirhumepro paracétamol pseudoéphédrine et doxylamine, Humex Rhume, Nurofen Rhume, RhinAdvil Rhume ibuprofène/pseudoéphédrine et RhinAdvilCaps Rhume ibuprofène. / pseudoéphédrine.
2 Comment l’ANSM justifie-t-elle cette décision ?
L’Agence nationale de sécurité du médicament explique que« compte tenu, d’une part, des nombreuses contre-indications, précautions d’emploi et des effets indésirables connus de la pseudoéphédrine et, d’autre part, du caractère bénin du rhume (maladie qui guérit spontanément en 7 à 10 jours)« le fait de pouvoir se procurer ces molécules sans ordonnance, et donc sans avis médical, « fait courir un trop grand risque aux patients ».
« Nous demandons aux médecins prescripteurs d’évaluer soigneusement la balance bénéfice/risque pour chaque patient avant de prescrire l’un de ces médicaments. »
ANSMdans sa décision publiée lundi
Par ailleurs, l’agence déplore que les mesures de réduction des risques qu’elle a mises en place, telles que l’interdiction de publicité auprès du grand public, l’information régulière sur les dangers liés aux vasoconstricteurs oraux, ainsi que la mise à disposition de documents pratiques à destination des patients et des pharmaciens, « n’ont pas suffisamment réduit la population exposée au risque d’effets indésirables rares mais graves ».
3 Pourquoi prendre cette décision maintenant ?
En octobre 2023, le gendarme de la médecine a renouvelé son alerte concernant la prise de ces comprimés. Et si cela conduisait à un « baisse temporaire des ventes sans impact majeur sur l’exposition des patients »les ventes ont encore recommencé à augmenter « depuis septembre 2024 »explique l’ANSM. Elle cite en outre « de nouveaux risques neurologiques » confirmé par l’Agence européenne des médicaments (EMA), « en plus des nombreux risques déjà connus, notamment accidents vasculaires cérébraux et infarctus du myocarde ». Malgré cela, l’EMA a considéré que les traitements anti-rhume concernés ne présentaient pas suffisamment de risques pour les interdire.
En réalité, l’ANSM s’interroge depuis plus de dix ans sur la nécessité d’interdire la vente libre de ces produits froids, selon les informations de franceinfo. D’autres acteurs alertent également sur les effets secondaires de ces médicaments. À partir de 2006(Nouvelle fenêtre)la revue médicale Prescrire croyait que la prise de médicaments à base de pseudoéphédrine présentait des risques « risques disproportionnés » aux patients. De son côté, la Haute Autorité de Santé considérait en 2012 que l’intérêt de cette molécule était « faible », « prenant en compte l’efficacité insuffisamment établie et le risque cardiovasculaire ».
4 Comment réagissent les professionnels de santé ?
Cette décision de l’ANSM rejoint l’avis des principales sociétés scientifiques françaises, globalement opposées à l’usage de ces médicaments.
« C’est dommage de courir le risque d’avoir un accident vasculaire cérébral ou une crise cardiaque à cause d’un simple rhume. »
Jean-Paul Hamon, président d’honneur de la Fédération des médecins de Francesur franceinfo
« Le premier principe de la médecine est que le remède ne doit pas être pire que le mal.estime également un médecin généraliste interrogé, précisant qu’en cas de rhume, du sérum physiologique pour déboucher les narines et du paracétamol en cas de maux de tête suffisent.
En revanche, cela risque de froisser les pharmaciens, qui estiment qu’une telle restriction réduit injustement la gamme de médicaments à proposer à leurs clients enrhumés, qui ont de plus en plus de mal à obtenir des rendez-vous médicaux. « Cela va devenir compliqué pour nous de répondre aux problèmes des patients »a estimé Béatrice Clairaz-Mahiou, co-présidente de la Société francophone des sciences pharmaceutiques de pharmacie (SFSPO), en Le Quotidien du Pharmacien.
« Les gens n’auront plus de médecin et nous ne pourrons plus rien conseiller. »
Béatrice Clairaz, pharmaciennedans « Le Quotidien du Pharmacien »
Cette décision ne plaît pas non plus aux laboratoires pharmaceutiques, dont les ventes vont diminuer. Dans LE parisienleur représentant, NèreS, qui regroupe 26 groupements produisant des médicaments disponibles sans ordonnance, a déclaré « surpris » que les autorités françaises sont « en contradiction avec l’Agence européenne des médicaments ».
Pour d’autres observateurs, les autorités sanitaires ont au contraire déjà mis trop de temps à réagir. « Les soignants ont mieux à faire que de passer du temps à déconseiller aux patients un médicament qui devrait être retiré du marché »a estimé l’examen indépendant Prescrire début 2024.