Cette convocation fait suite à une plainte déposée par l’OJE (Organisation juive européenne) après que le politologue a partagé et commenté une publication du Hamas en janvier dernier. Il a été libéré « en début d’après-midi », selon le parquet d’Aix-en-Provence.
François Burgat avait pour habitude d’expliquer ses thèses lors de conférences. Ce mardi 9 juillet, il a dû s’expliquer devant la brigade de gendarmerie d’Aix-en-Provence. Visé par une plainte pour « apologie du terrorisme » Déposé par l’Organisation juive européenne (EJO), le chercheur retraité du CNRS, spécialiste des questions d’islam radical, a été convoqué à 9 heures par la police avant d’être relâché. « en début d’après midi » confirme le procureur de la République d’Aix-en-Provence, Jean-Luc Blanchon.
L’universitaire est accusé d’avoir reposté, le 2 janvier 2024, sur X (ex-Twitter) un communiqué du Hamas répondant à un article du New York Times sur le « Allégations de viols et de violences commises par des combattants » du mouvement islamiste. Considérant ces affirmations comme « une partie de la tentative sioniste de diaboliser la résistance » de « Peuple palestinien »la déclaration exigeait que le journal américain « s’excuse pour ce péché professionnel ». Alors que ce retweet avait créé un tollé, l’islamologue, ancien membre de l’Institut de recherche et d’études sur le monde arabe, a tenu à apporter quelques éclaircissements. « détails » : « J’ai infiniment, je dis bien infiniment plus de respect et de considération pour les dirigeants du Hamas que pour ceux de l’État d’Israël », il a prétendu à propos de X.
Interrogé en janvier par Libération sur ses propos, le chercheur a maintenu ses positions : « Je comprends qu’il y ait une divergence d’opinion et que cela puisse être choquant, mais je ne bougerai pas d’un pouce sur cette question. » Et d’ajouter : « Ce n’est pas parce que je dois reconnaître qu’il y a eu un mouvement terroriste le 7 octobre que je dois criminaliser le mouvement de libération palestinien. » Des commentaires qui vont dans le sens de la thèse souvent avancée par l’islamologue qui soutient depuis longtemps que « Violence islamique » L’enquête ne serait pas issue de l’islam mais serait la conséquence d’une histoire coloniale dans laquelle interviendrait la création de l’Etat d’Israël. Mais cette republication n’a pas été bien accueillie par l’OJE, organisation connue pour avoir porté plainte contre Rima Hassan, Mathilde Panot et Guillaume Meurice, et qui a décidé de poursuivre le chercheur.
« Atteinte à la liberté de recherche »
Contacté par LibérerL’avocat de François Burgat, Rafik Chekkat, décrit une audience au cours de laquelle les enquêteurs ont interrogé le chercheur sur son opinion sur le mouvement islamiste, ses différentes rencontres avec les dirigeants du mouvement et leurs circonstances. Pouvant exprimer sa pensée en détail, « François Burgat n’a pas cherché à s’en sortir »défend son avocat. « Il a répondu de manière détaillée aux questions des policiers et s’est limité à les renvoyer à ses travaux de recherche, à ses différents ouvrages et à ses différentes conférences. Il a également rappelé avoir été interrogé par l’Assemblée nationale, le Sénat et la Cour d’assises antiterroriste. »explique Rafik Chekkat.
Pour l’instant, le dossier a été transmis « au parquet afin qu’une analyse juridique des faits ayant justifié cette audition soit effectuée », précise Jean-Luc Blanchon. « C’est la première fois qu’un professeur d’université est traduit en justice pour avoir donné son opinion politique sur un conflit étranger », a-t-il ajouté. déplore Rafik Chekkat qui dénonce « une atteinte à la liberté de recherche ». Le délit d’apologie du terrorisme, inscrit au Code pénal depuis 2014, est puni d’une peine maximale de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende lorsque les actes sont commis en ligne.
Après les attentats du 7 octobre, les poursuites pour « apologie du terrorisme » se sont multipliées. L’ancien ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, avait signé une circulaire précisant que « faire des déclarations publiques faisant l’éloge des attaques » du mouvement islamiste, « en les présentant comme une résistance légitime à Israël », devraient être poursuivis. Suivant les traces de l’ancienne garde des Sceaux, l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, avait adressé le 9 octobre dernier une lettre aux présidents d’établissements les appelant à sanctionner les « actions et paroles » dans « l’apologie du terrorisme, l’incitation à la haine ou à la violence ».