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à travers l’affaire du viol de Mazan, la délicate question des images diffusées lors d’un procès

L’affaire du viol de Mazan illustre la problématique de la diffusion d’images lors d’un procès. Au-delà de ce dossier, la consultation peut comporter des risques pour les parties civiles, les magistrats et les avocats qui ne partagent pas toujours le même avis sur la question.

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La cour d'assises de l'Isère, à Grenoble, le 13 mai 2024. Image d'illustration. (BENOIT LAGNEUX / MAXPPP)

Faut-il diffuser les images les plus sensibles auprès du public ? Cette question refait surface lors du procès pour viol de Mazan, actuellement devant le tribunal correctionnel du Vaucluse. Des photos et vidéos montrant le viol de Gisèle Pelicot ont été diffusées jeudi 19 septembre, provoquant un certain malaise dans la salle. Le lendemain, le président du tribunal a décidé que le visionnage des images ne serait plus possible. « systématique », mais ce serait fait « à la demande d’une ou plusieurs parties », sans la presse et le public. Franceinfo a interrogé des professionnels de la justice pour mieux comprendre les enjeux autour de cette question.

« Nous ne sommes pas obligés de tout montrer au public, le public n’est pas partie au procès », tranche Dominique Coujard, magistrat honoraire et ancien président de la cour d’assises de Paris, interrogé par franceinfo. Nous pouvons commenter ce que nous avons vu, nous pouvons le décrire. Les avocats ont toute liberté pour le faire. Mais on voit que des images choquantes, ou des images qui pourraient être diffusées sans aucune retenue, peuvent aussi être extrêmement traumatisantes pour les parties civiles. »

Chaque partie au procès peut demander à diffuser des images, des vidéos ou des enregistrements audio dans la salle. Et c’est au président de la cour d’assises, ou de la cour criminelle comme dans le cas des viols de Mazan, d’accepter ou non cette demande. Car c’est au président de veiller au bon déroulement des débats, ce qu’on appelle la police des audiences. « J’ai déjà vu des gens se lever pour se précipiter vers l’accusé ou vers le tribunal », se souvient le magistrat.

« L’objectif est toujours de se poser la question de savoir si cela apporte quelque chose au public, estime Aurélien Martini, vice-procureur du tribunal judiciaire de Melun. Est-ce dans le sens de manifester la vérité ? Si tel est le cas, il faudrait sans doute le faire en le mesurant par rapport aux éventuels dommages subis par le public, par la partie civile, etc. Si le procès-verbal, par exemple, se suffit à lui-même, il n’y a aucune raison de démontrer du voyeurisme ou un excès de vouloir absolument tout montrer. » analyse celui qui est également secrétaire général adjoint de l’Union de la magistrature (USM).

Avant un procès, tout document photo, vidéo ou sonore contenu dans un dossier fait l’objet de rapports de police qui décrivent leur contenu de manière plus ou moins détaillée. « Est-il possible de communiquer la vidéo uniquement au jury ? Il doit y avoir un moyen de mettre un écran devant les jurés, et pas nécessairement devant le public. »argumente Dominique Coujard.

« La vidéo elle-même véhicule nécessairement quelque chose qu’une description ne peut pas communiquer. »

Dominique Coujard, magistrat honoraire

sur franceinfo

« JE je suis plutôt favorable à ceux qui prennent la décision (pour juger) avoir tous les éléments en sa possession », défend de son côté l’avocate pénaliste Caty Richard, pour qui la question cruciale se résume ainsi : « Où s’arrête la transparence et où commence le voyeurisme ? » Elle souhaite que « Le public, qui est présent dans la salle d’audience tant que l’affaire n’est pas à huis clos, est conscient de ce qui a également motivé la décision du tribunal. La transparence permet de comprendre. »

Mais la transparence ne peut pas être la seule boussole, en particulier dans les affaires de pédopornographie ou de pédocriminalité. « On se demande dans quelles conditions on peut autoriser ou non la diffusion de certaines images pour comprendre ce qui s’est passé », se souvient l’avocat. Mais il ne faut pas non plus aller dans le sens d’une démonstration de pédopornographie. Dans d’autres cas, la question ne se pose pas forcément moralement. C’est une question de choix, au cas par cas. »

La décision de visionner des images se pose également en matière de terrorisme, comme tout récemment dans le contexte des attentats de janvier 2015. « Lors du procès du djihadiste Peter Cherif, une demande expresse a été faite pour diffuser des images des tueries dans les locaux de Charlie Hebdo, où l’on voit les frères Kouachi », dit l’avocate Caty Richard.

« A-t-on besoin d’images pour dire que la tuerie de Charlie Hebdo est un événement extrêmement grave ? Je n’en suis pas absolument convaincu. »

Aurélien Martini, vice-procureur au tribunal de Melun

sur franceinfo

« C’est délicat parce qu’on peut avoir un jugement différent selon que, pour les mêmes faits, on regarde une vidéo ou qu’on n’en voit pas », observe Aurélien Martini. Un dossier n’est pas plus grave parce qu’il y a des images, c’est là toute la difficulté. Il faut essayer de s’en détacher.

Dans l’affaire du viol de Mazan, les avocats de Gisèle Pelicot exigent que soient visionnées toutes les photos et vidéos mettant en cause l’accusé, malgré la décision contraire du président du tribunal. « Pour que cette société change, il faut avoir le courage de se confronter à ce qu’est réellement le viol, dans un cas où il est exceptionnel d’avoir une représentation précise et réelle de ce qu’est le viol. Et pas seulement une description sur un rapport. »a déclaré vendredi dernier Stéphane Babonneau, l’un des avocats de Gisèle Pelicot.

Cammile Bussière

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