A Sainte-Soline, les secours bel et bien empêchés d’intervenir

L’enregistrement audio était très attendu. D’autant que, depuis samedi, et les affrontements entre les gendarmes et la frange violente d’opposants aux méga-bassins dans les Deux-Sèvres, la polémique ne se dégonfle pas : Gérald Darmanin reste sous le feu des critiques concernant le dispositif policier à Sainte-Solin.
Ce fameux enregistrement dure quatre minutes et une seconde, et confirme ce qu’affirment de nombreux témoignages, notamment des observateurs de la Ligue des droits de l’homme (LDH) : les secours ont bien été empêchés d’intervenir par le commandement. Le monde et Mediapart ont dévoilé son contenu, ce qui pousse encore plus loin la communication du ministre de l’Intérieur.
Dépôt de plainte pour « tentative de meurtre » et « entrave volontaire à l’arrivée des secours »
Jusqu’à présent, les autorités ont démenti. Le chef du service des urgences de Niort, Farnam Faranpour, a déclaré sur France 3 que « il n’y avait pas de barrage de gendarmerie pour empêcher l’accès des secours ». Le Samu-Smur 79 aussi : « Nous n’avons pas été gênés dans l’exercice de notre fonction. » Plus prudent, lundi 27 mars, Gérald Darmanin s’est contenté de déclarer que « Chaque fois que nous avons été appelés par les services d’urgence, nous avons envoyé des médecins pour soigner (les blessés) en premiers secours ».
Mais la discussion téléphonique entre un opérateur du Samu et deux membres de la LDH apporte une tout autre lecture des faits. Il s’agit de Serge, un manifestant lié aux mouvements violents présents à Sainte-Soline, qui est toujours dans le coma avec un pronostic vital. Sa famille a également porté plainte, notamment pour « tentative de meurtre » et « entrave volontaire à l’arrivée des secours ». »
Le 25 mars, il était 14h50 lorsqu’un médecin de la LDH, basé à quelques kilomètres de la zone d’affrontement, a appelé un pompier, qui l’a mis en relation avec le Samu. Serge est au sol depuis de longues minutes, touché à la tête dans un état grave. Les observateurs de la LDH ont alors décidé d’enregistrer la conversation. « Compte tenu de la gravité de la situation », explique aujourd’hui Patrick Baudouin, président de l’association.
La zone est « calme depuis trente minutes » mais toujours pas le SAMU
Voici ce que dit le médecin du Samu dans l’enregistrement : « Nous avions un médecin sur place et nous lui avons expliqué la situation, c’est que nous n’enverrons pas d’hélicoptère ou de Smur sur place car nous avons l’ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre. » Celle de la LDH répond que la zone est « au calme pendant trente minutes et qu’il est possible d’intervenir ». La réponse de Samu : « Je suis d’accord avec vous, vous n’êtes pas le premier à nous le dire. Le problème est que c’est à la discrétion des forces de sécurité dès que nous sommes sous un commandement qui n’est pas nous. » Plus tard, il répète qu’il « n’a pas l’autorisation de toutes les institutions sur place, pour le moment, nous sommes sous leurs ordres », avant de dire que « ce n’est pas la préfecture qui interdit l’accès, je vous dis que c’est la commande sur place ». Mais pour rejoindre le commandement, « il faut passer par la préfecture ». Entre la première alerte (13h49) et l’arrivée des secours (14h57), Serge a dû attendre 1h12. Dix minutes avant, un médecin de la gendarmerie est également arrivé pour lui prodiguer les premiers soins.
Usage excessif d’armes de guerre
« Il nous apparaît qu’il y a de sérieux éléments de retard dans l’assistance aux personnes en extrême danger. On ne peut pas dire que tout était parfait. » critique Patrick Baudouin, qui « se réserve le droit d’ester en justice », à l’appui d’autres initiatives ou de manière indépendante. Sur place, samedi 25 mars, les 22 observateurs de la LDH ont également constaté « usage excessif d’armes de guerre ».
Malgré ce document audio, les autorités se justifient. « C’est donc uniquement pour éviter que le Samu ou les pompiers ne soient agressés ou victimes collatérales d’affrontements violents que cette consigne pourrait être passée, dans un contexte où des groupes violents se déplaçaient très rapidement », écrit la préfecture des Deux-Sèvres.
Et la préfète Emmanuelle Dubée, ancienne directrice adjointe du cabinet de Gérald Darmanin, de considérer comme « une insulte de dire qu’il y a eu un blocage fait sciemment par la police pour empêcher les secours ». Le ministre a également réagi sur RTL : « Les secours sont arrivés dès qu’ils ont pu. D’ailleurs, le Samu des Deux-Sèvres a eu la gentillesse de publier un communiqué pour dire qu’il n’a jamais été empêché d’intervenir sur ce site. »
Une attitude qui ne convient pas au président de la LDH. « Le comportement du ministre est irresponsable. Il ferait mieux de ne pas être dans le déni constant et d’admettre des dérives policières constatées et documentées ! tance Patrick Baudouin.Cela remet en cause le maintien de son poste. »
Grb2