À quoi ressemble la dépression chez la femme ? Des études montrent que les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes… Nous verrons si les cycles hormonaux, la contraception, la grossesse, la préménopause, la ménopause influencent la survenue d’un épisode dépressif. Et au-delà des raisons biologiques, nous verrons l’impact des raisons socioculturelles, le poids des discriminations, des inégalités et des violences subies par les femmes…
Définition de la dépression
Selon l’Inserm, la dépression touche 350 millions de personnes dans le monde : une personne sur cinq a souffert, souffre ou souffrira de dépression au cours de sa vie. Le psychiatre de l’hôpital Bicêtre, Hugo Bottemane ajoute : « Chez la femme, la dépression est plus fréquente et peut se manifester par des symptômes différents, atypiques ou cachés derrière des signes trompeurs de fatigue par exemple, une étrange sensation d’espace avec le monde, ou de dissociation… La femme ne se rend parfois pas compte qu’elle est en dépression. » La psychiatre de l’hôpital Saint-Antoine, Lucie Joly, explique : « C’est un trouble très complexe, bien plus profond qu’une simple dépression. C’est l’une des principales causes de handicap. Il perturbe les relations amoureuses, familiales et sociales et il augmente considérablement le risque de suicide. Cette maladie représente sans doute l’une des expériences humaines les plus éprouvantes. Et il n’existe aucun test biologique, aucune imagerie, aucune ponction lombaire pour la diagnostiquer… Nous nous appuyons sur le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) pour poser le diagnostic : plus de quinze jours d’un état de tristesse ou de perte d’intérêt accompagné d’au moins quatre symptômes parmi le ralentissement psychomoteur, le trouble de la concentration, les troubles du sommeil ou de l’appétit et les idées suicidaires. »
La dépression, une spécificité féminine ?
On pense souvent à tort que l’on est triste quand on traverse une dépression. Pourtant, explique Hugo Bottemane : « Il existe des dépressions au-delà de la tristesse. Toute émotion disparaît. » Il existe aussi des dépressions cachées. C’est le cas de la dépression anténatale ou post-partum : « Les femmes ne s’autorisent pas à verbaliser leurs difficultés, car elles sont censées être heureuses. Or, la dépression post-partum touche une femme sur cinq. Et le suicide est la première cause de mortalité dans l’année qui suit l’accouchement. »
Avant l’adolescence, la dépression touche autant les garçons que les filles. Mais après la puberté, les jeunes femmes sont plus sujettes à la dépression. Hugo Bottemane : « À partir de treize ans, la dépression devient beaucoup plus importante chez les femmes. On pense que les variations hormonales, que les hommes ne connaissent pas, pourraient jouer un rôle en ayant des effets sur la plasticité cérébrale, la façon dont le cerveau recompose les connexions. Elles affecteraient notre santé mentale, mais aussi nos émotions, la façon dont nous gérons nos croyances, la façon dont nous percevons l’environnement… »
Très peu de femmes consultent un psychiatre. Elles attribuent souvent leur souffrance émotionnelle à la ménopause ou à des troubles dysphoriques prémenstruels (une pathologie qui provoque des douleurs et une dépression et qui touche 5 % des femmes). « Mais la population féminine n’est pas la seule à souffrir de dépression »prévient le Dr Bottemane, qui reconnaît que s’intéresser à ce symptôme chez la femme permet de développer une médecine plus adaptée.
Raisons sociales ?
Les violences physiques, psychologiques, morales et symboliques subies par les femmes expliqueraient également la prévalence de la dépression. « Le piège de la biologie est son pouvoir explicatif et sa capacité à détourner le regard. Les femmes sont les principales victimes des violences physiques et sexuelles. En Europe, par exemple, 20 % des femmes ont subi des violences. En France, 122 femmes ont été tuées par leur partenaire en 2022. Dans les cas de viol, 47 % des agresseurs étaient le partenaire ou l’ex-partenaire. Cette culture du viol et la banalisation des violences sexuelles ont un impact profond et dévastateur sur la santé mentale des femmes. » explique Dre Lucie Joly.
Et la ménopause ?
Hugo Bottemane explique que la plupart des études ont montré que la période à risque de dépression se situe « Entre cinq et dix ans avant la ménopause. Elle touche une femme sur trois… Le lien principal entre la ménopause et la dépression réside dans les troubles du sommeil, qui peuvent être gérés. »
Conseil :
- Quand consulter ? Pour Lucie Joly : « À partir du moment où la tristesse affecte son fonctionnement, où l’on ne peut plus aller travailler, on consulte pour recevoir de l’aide. »
- En pensant à la thyroïde, Hugo Bottemane : « Parfois, vous traitez la dépression pendant des années et vous découvrez qu’il s’agit d’une hypothyroïdie.
- Pratiquer une activité physique
- Mangez sainement et… Mangez du soja ? Les Japonaises ont beaucoup moins de bouffées de chaleur. Parmi les pistes avancées : le soja, qui remplacerait les œstrogènes naturels.
- Limiter le stress
Le reste est à écouter…
Invités :
- Dre Lucie Joly : Elle est psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine. Elle est spécialisée dans la santé mentale des femmes, notamment pendant la grossesse et le post-partum. Elle est également professeure à Sorbonne Université.
- Docteur Hugo Bottemane : Il est psychiatre à l’hôpital Bicêtre, ancien chef de clinique à la Pitié-Salpêtrière, et a été chercheur associé à l’Institut du Cerveau de Paris et dans l’équipe MOODS de l’Université Paris-Saclay. La dépression chez les femmes. Démystifier, comprendre, guérir, Ed. du Rocher, à paraître le 18 septembre 2024. Par Lucie Joly et Hugo Bottemane.
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