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A quoi peut servir le Secrétariat d’Etat à l’Intelligence Artificielle ?

Le Premier ministre Michel Barnier a choisi de nommer Clara Chappaz à un poste avec un nouveau titre.

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Clara Chappaz, nommée secrétaire d'Etat chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique, à l'Elysée, le 20 février 2023. (MICHEL EULER / AFP)

Révolution ou coup de pub ? Pour la première fois en France, le gouvernement compte un poste qui mentionne spécifiquement l’IA dans son intitulé : le secrétariat d’État à l’intelligence artificielle et au numérique. Une manière de montrer que ces technologies, et notamment l’IA génératrice de textes ou d’images, sont devenues un sujet majeur pour l’exécutif.

Pour l’incarner au sein du gouvernement, le Premier ministre Michel Barnier a choisi un visage bien connu des start-up françaises : Clara Chappaz, directrice de la mission French Tech de 2021 à 2024. Mais concrètement, ce changement de titre peut-il se traduire dans les faits, par rapport aux anciens portefeuilles qui ne On ne parle « que » de numérique au sens large ? L’IA sera-t-elle vraiment au cœur de l’action gouvernementale ? Et que pense le secteur de cette (dé)nomination ?

Lors de la passation de pouvoir de sa prédécesseure Marina Ferrari, Clara Chappaz a détaillé certaines de ses priorités. Comme prévu, l’IA est au cœur de celles-ci : « La France est dans la course mondiale à l’IA, et c’est désormais reconnu. Mais cette course est rapide, et il ne faut pas baisser les bras. »a lancé le nouveau secrétaire d’État.

En tête de sa liste de projets : la formation. La France est déjà reconnue pour la qualité de ses formations académiques dans le domaine de l’IA et ses talents se sont ensuite répandus à travers le monde, notamment parmi les géants américains de la tech. Clara Chappaz espère amplifier ce rayonnement, « en continuant à former les meilleurs ingénieurs, nos meilleurs chercheurs, et bien sûr en les aidant à fonder leur entreprise, mais aussi en formant nos étudiants à ces problématiques et à leur bon usage ».

Cet effort de formation autour de l’intelligence artificielle devrait également concerner le grand public. « Permettre à tous les Français de comprendre l’IA et ses enjeux pour savoir l’utiliser, c’est garantir l’avenir technologique de la France »a déclaré Clara Chappaz, qui voit également une possibilité « outil d’inclusion et d’égalité »conformément au rapport du comité d’IA générative soumis en mars.

« Pour ne pas faire de l’IA une nouvelle fracture, ce combat sera mon obsession. »

Clara Chappaz, Secrétaire d’Etat chargée de l’IA et du numérique

dans un discours

Enfin, la nouvelle ministre a parlé de son désir de « créer des ponts entre l’économie d’une part et la recherche d’autre part, et plus généralement entre le secteur public et le secteur privé »Elle souhaite également poursuivre la féminisation du secteur des nouvelles technologies, rapprocher start-ups et administrations publiques et soutenir les entreprises « deep tech » (technologies très innovantes, proches du monde de la recherche et encore très inaccessibles).

Pour les joueurs d’IA français, ce coup de projecteur peut être une arme à double tranchant. Gaël Varoquaux, chercheur à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), « « Je n’aime pas du tout le mot « IA » » mais apprécie qu’il soit utilisé : « C« C’est un mot fort dans l’imaginaire collectif, et c’est une manière de montrer que nous faisons de l’informatique de pointe, que nous nous approprions la révolution numérique. » D’autres sont plus sceptiques. « Quel est le message ? C’est le buzz ! » « C’est agaçant », explique Luc Julia, ancien directeur du design de l’assistant vocal Siri chez Apple. « Depuis deux ans, tout le monde en parle et beaucoup de gens disent n’importe quoi. Le signal que donne ce titre de poste est bon, mais il ne faut pas que ce soit juste un effet de mode, et c’est ce que je crains. »il explique à franceinfo.

Si l’intitulé du poste de Clara Chappaz prête à controverse, le profil de la secrétaire d’État met le monde des affaires d’accord. « C’est une personnalité intéressante, qui connaît très bien l’environnement de la French Tech. »déclare Laurent Daudet, co-fondateur de la société française LightOn, qui vend des services d’IA aux entreprises. Clara Chappaz a effectué l’essentiel de sa carrière dans des start-up en France et à l’étranger, notamment dans le e-commerce, avant de prendre la tête de la mission French Tech, dont la mission est « soutenir le développement (…) de start-ups technologiques innovantes »selon le ministère de l’Economie.

« C’est utile d’avoir quelqu’un que vous connaissez déjà. »

Laurent Daudet, entrepreneur

à franceinfo

Un changement pour Marina Ferrari, qui était complètement inconnue dans le secteur à son arrivée au Secrétariat d’État au numérique – ce qu’elle a elle-même reconnu avec humour dans son discours de passation de pouvoir. Clara Chappaz a expliqué qu’elle « maintient une bonne compréhension des besoins (start-up)«  et qu’elle travaillera « en maintenant cette proximité avec ces entrepreneurs ».

En revanche, un changement divise les acteurs du secteur : le Secrétariat d’État n’est plus rattaché au ministère de l’Économie, mais à celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Cela pourrait s’accompagner d’une perte d’influence ou de ressources : « J’ai compris depuis longtemps que le pouvoir était plus à Bercy que rue Descartes ! » déclare Gaël Varoquaux. Cet éloignement du ministère de l’Economie ne doit pas se transformer en un affaiblissement.

« C’est bien beau de prendre des gens de la société civile avec de vraies compétences, mais est-ce que cela aura le poids politique pour exister ? »

Laurent Daudet, entrepreneur

à franceinfo

De plus, il ne faut pas oublier que « Dans « IA et numérique », il y a aussi le numérique, et cela inclut beaucoup de choses »rappelle Luc Julia. Comme l’avait évoqué sa prédécesseure Marina Ferrari lors de la passation de pouvoir, Clara Chappaz devra continuer à suivre de nombreux autres chantiers, dont la mise en œuvre de la loi SREN avec le « filtre anti-arnaque », la lutte renforcée contre le cyberharcèlement et l’application des réglementations européennes DMA, DSA et AI Act… Saura-t-elle mener tous ces dossiers en même temps, avec les moyens d’un secrétariat d’Etat arrivé en dernier dans l’ordre protocolaire du gouvernement Barnier, sous la menace permanente d’une motion de censure ? Aucune intelligence artificielle ne pourra lui donner la réponse.

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