à quoi ça sert d’avoir des personnalités politiques en position inéligible sur les listes ?
Marine Le Pen, Edouard Philippe, Jean-Luc Mélenchon et Noël Mamère sont tous candidats aux élections européennes du 9 juin… et n’ont aucune chance d’être élus. Leur présence n’est cependant pas anecdotique.
Les « stars » politiques se retrouvent en bas des listes pour les élections européennes (dimanche 9 juin). Marine Le Pen est ainsi candidate en 81e et dernière position pour le Rassemblement national (RN). Même chose pour les communistes avec leur chef, Fabien Roussel. De son côté, La France insoumise a inscrit le nom de son fondateur, Jean-Luc Mélenchon, à la 80e place. La majorité présidentielle a appelé deux anciens Premiers ministres (Elisabeth Borne et Edouard Philippe) en toute fin de liste, tandis que les Écologistes ont appelé un trio d’anciens candidats à la présidentielle (Noël Mamère, Eva Joly et Yannick Jadot) pour clôturer la leur.
Ces poids lourds politiques sont peut-être dans une position inéligible, mais leur présence n’est pas anecdotique. Cela a des conséquences très concrètes dans l’isoloir. « Un bulletin de vote ne peut contenir le nom, la photo ou la représentation d’une personne qui n’est pas candidate », rappelle Romain Rambaud, spécialiste du droit électoral et professeur à l’université Grenoble Alpes. Cette règle résulte d’une modification du code électoral, adoptée en décembre 2019 et entrée en vigueur en 2020, visant à éviter de tromper les électeurs et de troubler la sincérité du vote. Une telle contrainte a notamment guidé le choix du RN d’investir Marine Le Pen, comme en 2019. « Il y a d’abord un côté très pratique et technique, c’est de pouvoir mettre sa photo sur le bulletin de votee », explique Gaëtan Dussausaye, porte-parole du parti et candidat en 29e position.
« Sur la propagande électorale, le dernier nom sur la liste est plus visible, ainsi que le premier évidemment », souligne de son côté Thibault Leclerc, membre de l’équipe de campagne du camp présidentiel. C’est pourquoi il a choisi de placer Elisabeth Borne à « la place d’honneur ».
Au RN, ce choix permet aussi de servir la stratégie visant à mettre en valeur le duo Bardella-Le Pen. « Nous misons beaucoup sur ce ticket gagnant, poursuit Gaëtan Dussaussaye. En imprimant les photos des deux poids lourds du parti sur le bulletin de vote, le RN espère « installez ce refrain : Marine à l’Elysée, Jordan à Matignon, pour déjà préparer le duo à la présidentielle 2027 ».
Du côté des écologistes, ces lieux sont aussi chargés de sens. Si il « ne sait pas » Quelle que soit la position dans laquelle il se trouve (numéro 78), Noël Mamère a accepté sans hésiter la demande de la tête de liste Marie Toussaint.
« Ma présence a une valeur symbolique : j’affiche mon soutien à ma famille politique, je suis dans la transmission. »
Noël Mamère, candidat aux élections européennes en position inéligiblesur franceinfo
Il côtoie deux autres anciens candidats à la présidentielle, ainsi que la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, et la sénatrice Mélanie Vogel. « On dit souvent que les écologistes sont divisés, mauvaise idée ! sourit l’ancien maire de Bègles, qui met ainsi sa notoriété au service d’une liste écologiste en difficulté dans les sondages. « Lors d’un meeting, on m’a spontanément annoncé ma présence sur la liste, c’est la preuve que ça ne sert à rien »il observe.
Les partis souhaitent également marteler certaines idées. Les macronistes ont communiqué sur « présence symbolique » de Jean Veil, fils de Simone Veil, en 74ème position, pour présenter leur proposition de campagne visant à inscrire l’avortement dans la Charte européenne des droits fondamentaux. Jean Veil figurait déjà sur la liste présidentielle en 2019, là encore de manière symbolique. A Reconquête, si l’avant-dernière place revient au fondateur du parti, Eric Zemmour, la dernière est confiée à Evelyne Reybert, la mère d’une victime de l’attentat de Romans-sur-Isère (Drôme), le 4 avril 2020, avec en vue d’amplifier le discours sur ce que le parti qualifie de « francocides ».
La présence de personnalités politiques connues permet avant tout aux partis de redorer la réputation, parfois faible, de leur tête de liste. Deux mois après avoir été choisie pour conduire la liste de la coalition présidentielle, Valérie Hayer reste inconnue du grand public : un Français sur deux ne la connaît pas, selon un sondage OpinionWay-VAE Solis pour Les échos et radio classique. Alors que l’eurodéputé peine à rattraper le favori du scrutin, Jordan Bardella, la majorité révélée le 6 mai un casting « VIP »une nouveauté par rapport à 2019 : outre Elisabeth Borne et Edouard Philippe, François Bayrou et Stéphane Séjourné, patrons du MoDem et de Renaissance, sont présents.
« Si Valérie Hayer sort la liste, Elisabeth Borne la poussera par son poids politique et son engagement sur le terrain », veut croire Thibault Leclerc. L’objectif est également d’apparaître comme un « famille réunie », après de longues négociations entre alliés concernant les places éligibles. En étant nommés sur la liste, ces poids lourds ont aussi une vocation « s’impliquer dans cette campagne »on continue à la fête, faisant écho aux appels à la mobilisation lancés par Emmanuel Macron ou Gabriel Attal.
Le camp de Jean-Luc Mélenchon, qui figurait déjà à l’avant-dernière place de la liste et illustré sur le bulletin en 2019, va dans la même direction. Sa présence doit « pousser et donner de la force à cette liste car l’enjeu posé par ce scrutin du 9 juin, en réalité, c’est l’ère post-Macron qui doit se dessiner. »» déclarait la tête de liste Manon Aubry sur TF1 mi-mars. « Heureusement, il y a cette idée qu’ils ne sont pas eux-mêmes en tête de liste. C’est archaïque »nous abordons dans l’équipe de campagne socialiste.
« Parfois, cela ressemble à une mise sous tutelle : qu’il s’agisse de Manon Aubry ou de Valérie Hayer, nos adversaires agissent comme s’ils avaient besoin d’une figure tutélaire masculine. »
L’équipe de campagne PS-Place publiquesur franceinfo
La liste PS-Place publique conduite par Raphaël Glucksmann fait exception, comme celle des Républicains. Leur liste se termine par une ribambelle d’élus locaux, peu connus du grand public. « Nous avons choisi la complémentaritédéfend le directeur de campagne socialiste Eric Andrieu. Udes têtes de liste avec une incarnation forte et des colistiers maîtrisant les affaires européennes et tous ancrés dans les territoires. Reste à savoir si cela suffira à maintenir sa dynamique et tenter de devancer la liste de la majorité présidentielle le 9 juin.