A quelques jours du scrutin, les partisans d’Emmanuel Macron se mobilisent sur le terrain pour tenter de réduire l’écart face au Rassemblement national, largement en tête dans les sondages. Mais ils font face à un électorat macroniste plus qu’indécis.
La pluie ruisselle sur les visages des militants de la Renaissance rassemblés devant l’imposante demeure Bellerive, au cœur de Puteaux (Hauts-de-Seine). Plus d’un millier de logements et neuf copropriétés : c’est aujourd’hui le terrain de jeu de leur démarchage en porte-à-porte. « Une population qui nous est plutôt favorable, mais on peut avoir des gens hésitants », explique Pierre Collardey, coordinateur du comité local du parti présidentiel. Il comptait sur une dizaine de militants, et surtout sur la présence de Prisca Thévenot, la porte-parole du gouvernement, élue du département. Il y en aura finalement sept au maximum, ce mercredi 29 mai, sans le ministre, retenu d’ailleurs.
Pas de quoi décourager Romain Atlante, en 58e position sur la liste de Valérie Hayer pour les élections européennes. « Nous sommes sur le terrain tous les jours. Depuis que nous avons le programme, nous avons eu un très bon accueil”assure ce directeur juridique de l’immobilier, qui ne croit pas aux mauvaises enquêtes. « Pour la présidentielle, personne n’a atteint le score annoncé par les sondages »» emporte-t-il, alors que les intentions de vote pour la tête de liste RN, Jordan Bardella, culminent à plus de 30 % quand Valérie Hayer stagne autour de 15 %.
La ville de Puteaux, dirigée depuis vingt ans par le maire LR Joëlle Ceccaldi-Raynaud, a voté à plus de 37% pour Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Lors des élections européennes de 2019, le camp présidentiel a surperformé ses concurrents de plus de 30 %. Mais après sept années au pouvoir, l’usure se fait sentir. « La mobilisation de la base macroniste est faiblenotait il y a quelques semaines Mathieu Gallard, directeur des études de l’institut Ipsos. Les électeurs d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 sont parmi ceux qui ont le moins l’intention de voyager. »
Ainsi, à une dizaine de jours du scrutin, les militants de la Renaissance savent qu’ils doivent réveiller leur électorat pour espérer une envolée des urnes le 9 juin. Armé de son caddie rouge bourré de tracts et de programmes de Valérie Hayer, Pierre Collardey ouvre l’entrée de la résidence avec son pass. Des binômes se forment et chacun part à l’assaut d’une tour. Il est 18h30. Pour Pierre et Romain, ce sera « le 10bis », comptant pas moins de seize étages composés de six logements. Les militants attaquent d’en haut. Mauvais choix. « Le démarchage est interdit, je vous demande de quitter le bâtiment », tonne un homme âgé qui menace de prévenir le gardien de l’immeuble. Entre les multiples portes qui ne s’ouvrent pas, le « Je ne suis pas intéressé » et les habitants qui n’ont pas le droit de vote, les militants du parti présidentiel ont l’air sombres.
La chance ne leur sourit guère un étage plus bas. Alia entrouvre sa porte et dit qu’elle fait du télétravail. Romain distribue son tract, en fait l’éloge « bon dossier » Macronistes au Parlement européen et reprend le slogan de la majorité : « Un tour, une voix. » Les yeux rivés sur le portrait de Valérie Hayer, Alia, qui travaille dans l’informatique, glisse : « Je pourrais voter pour elle, mais je dois y réfléchir. » Son entourage est divisé « entre le chef de l’Etat et Marine Le Pen », mais « Je suis plutôt Macron. Ce n’est pas mal ce qu’il fait, j’aime aussi les écologistes. » Romain en profite pour faire l’éloge « l’aménagement écologique de Béchu. » « Christophe Béchu, le ministre de l’Ecologie »précise Pierre, face au regard dubitatif d’Alia. « Nous avons également voté pour le pacte vert au Parlement européen. Il faut voter Hayer pour l’écologie, tout ce que je vous dis provient d’internet”, poursuit Romain. La porte se ferme.
Frédéric, un autre militant à Puteaux, arrive pour donner un coup de main au duo. Au 11e étage, Alexandra et Vincent, parents de la petite Diane âgée de 20 mois, sont prêts à discuter. Les électeurs d’Emmanuel Macron, eux aussi, sont un peu déboussolés. « J’ai regardé les signes, mais très honnêtement, les Européens sont moins inquiétants, je ne vois pas trop le défis », Livre de Vincent. « Toutes les questions que l’on se pose ont une réponse au niveau européen, on l’a encore vu lors de la crise sanitaire », argumente Romain. Vincent, hôtesse de l’air dans l’aéronautique, n’est pas convaincu par le camp présidentiel.
« J’ai des hésitations sur les résultats de Macron, son bilan. J’ai des sentiments mitigés sur sa manière de faire. C’est important de voter, mais pour lui, je ne sais pas encore. »
Vincent, résidant à Puteauxsur franceinfo
« Il y a trop d’aide et trop d’abus. Trop de social tue le social », ajoute le quadragénaire. Romain tente de mettre à mal le discours, incite à regarder les statistiques, plaide pour le soutien aux chômeurs, citant son cas personnel. Si Vincent accepte « battre les extrêmes », il ajoute immédiatement que « c’est le reflet d’un certain ras-le-bol. »
C’est précisément ce que craint Rosalia, un étage en dessous. « Si (Jordan) Bardella gagne, je devrai partir car je suis d’origine étrangère et je travaille dans la fonction publique », livre, inquiète, cette femme de 58 ans. Elle a également voté pour Emmanuel Macron en 2017 et 2022 et estime qu’il « a fait de bonnes choses pour le pays. » Mais comme d’autres électeurs macronistes, elle hésite entre « L’équipe de M. Attal et le socialiste » Raphaël Glucksmann. En revanche, le discours est répété. « Valérie Hayer est la femme la plus influente au Parlement européen, Glucksmann n’a aucune influence. Il s’associe au Nupes, la plus terrible extrême gauche de l’histoire de France. déroule Romain. « Oui je comprends »» acquiesce Rosalia, qui demande des tracts pour ses enfants et ses collègues.
Au même étage, les militants macronistes rencontrent un autre électeur partagé entre le candidat PS et la liste majoritaire. « J’hésite entre Macron et Glusckmann, j’avais toujours voté socialiste avant Macron », confie Isabelle, à l’entrée de son appartement. Recueillie en pyjama et sandales par les partisans du chef de l’Etat, cette femme célibataire, qui travaille à l’Afnor (Association française de normalisation), garde la réforme des retraites en gorge.
« Le problème, c’est que j’ai 59 ans et que je dois travailler un quart de plus à cause de la réforme des retraites. J’ai beaucoup de stress, j’en ai marre. »
Isabelle, résidente à Puteauxsur franceinfo
Sans laisser le temps aux militants de réagir, Isabelle blanchit Emmanuel Macron de l’inflation. « Eh bien, il ne peut rien y faire et il a supprimé la taxe d’habitation. » « Oui, je suis content de ne plus la payer. » sourit Romain. Isabelle promet de voter « utile » le 9 juin.
Il est 19h40 et le porte-à-porte se termine. Dans le hall, les militants se rassemblent et regardent la pluie tomber à grosses gouttes à l’extérieur du bâtiment. « Quand on parle de nos résultats et de notre programme, les gens ont tendance à être d’accord »rassure Romain, tout en reconnaissant que les propositions sur la liste de Valérie Hayer sont arrivées tardivement. « La campagne a commencé un peu tard, Frédéric a immédiatement rebondi. Et Bardella est parti très tôt, c’est un bulldozer. Mais le militant tente immédiatement de se rassurer : «Il y en a qui sont indécis avec Glucksmann, mais au final, ils voteront pour Hayer. Ils se diront que notre bilan n’est pas si mauvais.