Comme Carine, son camion fatigue. Elle a 58 ans, et depuis une dizaine d’années elle investit les maigres économies accumulées au cours d’une vie de petits boulots dans ce snack-bar roulant, le bien nommé « Au p’tit creux ». Au bord du lac de Serre-Ponçon, dans la région de Gap, Carine distribue paninis, frites, burgers et bonbons aux touristes et locaux, après une matinée passée à nettoyer pour les particuliers. Mais le « p’tit creux » a échoué au contrôle technique, accablant de stress cette femme, déjà épuisée par une vie d’efforts.
Que faire alors ? Carine et son mari n’ont pas les moyens de le réparer, et encore moins d’en acheter un neuf. Et pour Carine, l’approche de la retraite n’est pas un soulagement. En partant à 62 ans, elle ne touchera que 403 € par mois… Le chiffre grimpe péniblement à 800 €, si elle attend d’avoir 67 ans. Il faut donc qu’elle se remette à écrire des lettres de motivation. Tourner la page, se réinventer encore, rebondir puisqu’il faut payer les factures.
Un tournant dans l’intimité d’une relation mère-fils
C’est ce tournant que son fils Yann Ducreux a choisi de filmer. À travers le portrait de sa mère, il dépeint toutes ces « mères courageuses », usées par la précarité. Le film est ponctué de messages vocaux que Carine lui laisse, dans lesquels on entend sa douleur et son sourire, sa détermination à ne pas baisser les bras. De petites capsules sonores qui nous emmènent dans l’intimité d’une relation mère-fils touchante, accentuant encore l’universalité du sujet et son humanité.
Il n’y a pas de musique, si ce n’est celle que Carine écoute dans ses écouteurs pendant qu’elle fait le ménage. Tout en faisant la poussière, elle danse, offrant au spectateur un spectacle joyeux, révélant aussi une nature profondément joyeuse et résiliente. Il ne faut que cinquante-cinq minutes pour s’attacher à elle. C’est la magie de ces documentaires réalisés en famille, dans lesquels la confiance joue un rôle central et révèle une réalité précieuse.
