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A Paris, un tiers-lieu pour refaire le monde ou simplement créer du lien


Ils sont cinq ou six à participer à l’atelier animé par Lucie Chaptal. Ils arrivent peu à peu à la Maison de la conversation, s’installent confortablement sur les canapés. La plupart viennent ici pour la première fois. L’initiative s’appelle Broderie en conversation. On imagine donc ces dames débattre de la meilleure façon d’attaquer le point de croix. Le cas est tout à fait différent.

Ce soir, les femmes présentes ont été victimes de violences sexuelles et sexistes, et entendent se réapproprier leur corps tout en introduisant le sujet de la reconstruction. « L’acte de broder se présente comme un acte fort, il relie le corps et le vêtement. Il permettra de redéfinir les limites corporelles et de parler des notions de consentement », explique la styliste Lucie Chaptal.

Une feuille et un stylo pour « verbaliser sa colère, ses émotions »

La jeune femme, avec une infinie bienveillance, détaille le cours des choses. Elle donne une feuille et un stylo à chacun, « pour écrire ce que l’on ressent. Ce qu’il nous faut lâcher prise. Verbaliser sa colère, ses émotions. Une fiche qui, une fois complétée, ne sera pas distribuée. Chacun est libre de le garder ou de « le rouler et le jeter à la poubelle ».

Sur une table, des motifs – des seins, un sexe féminin, une fleur, un majeur, une main… – que chaque participant choisira, seront ensuite brodés. Suivra ce que l’animatrice appelle « une longue période d’expression créative par la broderie sur un vêtement ». Un moment méditatif et apaisant. L’atelier, prévu une fois par mois, est ouvert depuis un an. « C’est un sujet sensible, tabou », explique son animateur. Il faut du temps pour gagner la confiance des femmes. »

Depuis juin 2021, la Maison de la conversation a élu domicile porte de Montmartre, quartier prioritaire excentré du 18e arrondissement de Paris, où le chômage bat de tristes records. D’un côté de la rue, les chiffonniers vendent un tas de bibelots sur le trottoir. En revanche, les vendeurs de crack ne prennent même plus la peine de se faire discrets.

Un lieu pensé par des citoyens pour tisser du lien social dans leur quartier et s’ouvrir aux autres

L’immeuble d’activités comprend, entre autres, Nova, « les Inrockuptibles » et Rock en Seine. Au rez-de-chaussée, l’équipe de la Maison de la conversation loue plus de 500 mètres carrés à Nova. Dans le couloir, les murs en béton brut sont restés sans fioritures. Xavier Cazard, le fondateur, l’a voulu ainsi. « La conversation appartient à chacun de la construire. Je ne voulais pas trop décorer. « Après tout, les canapés, achetés sur Leboncoin il y a quinze ans, suffisent à eux seuls à transpercer l’état d’esprit des lieux, assure l’ancien journaliste et communicant.

A quoi sert la conversation ? Informer et influencer ? Ou ne peut-il pas également créer un lien ?

L’idée lui trottait dans la tête depuis longtemps. Il y a une dizaine d’années, il se demandait. A quoi sert la conversation ? Informer et influencer ? Ou ne peut-il pas également créer un lien ? Il explore la seconde piste, jusqu’à imaginer ce troisième lieu. Un lieu pensé par des citoyens pour tisser du lien social dans leur quartier et s’ouvrir aux autres.

Ici, tout est gratuit, et chacun est libre de venir quand il le souhaite. Pour refaire le monde, ou tout simplement discuter avec qui le souhaite, écouter un concert, aller au ciné-débat, améliorer son français, et bien d’autres choses. La parole comme fil conducteur, toujours. « C’est un sujet qui nous concerne tous, assure Xavier Cazard. Surtout à l’heure où l’on réfléchit à une transition environnementale, qui passe aussi par une transition sociale. La conversation consiste à se connecter avec les autres. »

Plus de 7 millions de personnes en France n’auraient qu’une seule conversation dans l’année

Cela tombe bien, car le lien social est désormais sacrément fragmenté, fracturé. Les longs mois de confinement n’auront fait qu’accentuer le phénomène. Les chiffres mettent à nu une réalité effrayante. Selon une étude de la Fondation de France, plus de 7 millions de personnes dans notre pays n’ont qu’une seule conversation dans l’année et 11 millions sont touchées par la solitude, soit 20% de la population.

Dans un monde où les écrans nous éloignent de plus en plus les uns des autres, il était grand temps de se reparler, dans la vraie vie. Particulièrement pour les jeunes. « Ils sont restés chez eux pendant le confinement, avec TikTok. Nous voulions leur redonner le goût du collectif », souligne Xavier Cazard.

Lorsque le maire du 18e arrondissement a alerté sur les difficultés pour certains d’étudier dans de bonnes conditions, la Maison de la conversation leur a ouvert grand ses portes. De fil en aiguille, ils échangent, se soutiennent. Et TAS2T (Your work room) est né, un espace de travail confortable et gratuit ouvert tous les dimanches.

Aujourd’hui, cinq groupes de jeunes fréquentent les lieux, comme Perce-bulle, qui fait vivre le dialogue dans l’espace public de manière artistique. « Pour élaborer notre agenda, nous avons une grille de critères, précise Pauline Gouzenne, en charge de la programmation. Le thème doit respecter les valeurs de la conversation et la charte de la maison. Nous nous appuyons beaucoup sur l’écosystème local en accueillant un maximum de propositions de personnes du quartier. »

La charte peut se résumer en ces cinq mots clés : convivialité, inclusion, utilité, sérendipité et égalité. La devise et son logo coloré ornent le mur d’une des chambres. Un vaste espace modulable pouvant accueillir aussi bien des séminaires d’entreprise que des concerts.

A côté, une salle en construction servira bientôt à l’expression de soi, avec des activités culturelles. Une autre sera réservée aux ONG, entreprises, collectifs, qui se réuniront pour travailler ensemble sur un thème. Et puis il y a la salle d’écoute, la salle de jeux. L’un s’ouvre vers l’autre et les gradins en bois clair permettent de créer une agora.

Une trentaine d’événements chaque mois

L’équipe de la Maison de la conversation, des associations, des collectifs et des citoyens bénévoles proposent chaque mois une trentaine d’événements gratuits ouverts à tous. Rencontres thématiques, rencontres avec des médiateurs ou des écrivains… Là, on propose qu’un adulte invite un enfant à venir danser et bouger ensemble. Ici, une association locale organise une initiative sur l’identité et la culture.

Avec « La poésie te va si bien », le monde entier se retrouve autour d’une scène ouverte. Un atelier vous invite à échanger sur la notion de plaisir. Fin avril, le festival éco-engagé Frequency a fait résonner la francophonie auprès d’artistes français, belges et suisses. Au total, pas moins de 1 000 personnes, du quartier et d’ailleurs, visitent les lieux chaque mois.

L’aventure, déjà bien fournie, ne s’arrête pas là. Consciente des préoccupations des habitants concernant l’accès à l’emploi, l’équipe tente d’y apporter des réponses. « Une entreprise souhaitant recruter nous a contactés, raconte Xavier Cazard. Nous avons vu avec Pôle emploi comment mettre en place un job dating. Nous sommes en contact avec des associations, des jeunes, afin de trouver un modèle de recrutement qui corresponde aux valeurs de la maison. »

Et très prochainement, le Conversation Café promet un concept unique. Ouvert sur la rue, il permettra à chacun de vivre une expérience d’échange. Une table d’hôte invitera les gens à ne pas rester seuls. Histoire de rencontrer des gens qui ne se rencontreraient pas autrement, et d’engager la discussion. Parce qu’ici, le bla-bla, on l’aime et on le revendique. Xavier Cazard en a marre. « La conversation est l’art de ne pas conclure, n’est-ce pas ? »


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Cammile Bussière

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