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A Paris, les jeunes catholiques de « la génération François » se mobilisent contre l’extrême droite – Libération

Élections législatives 2024cas

Opposés à la « politique raciste » du parti frontiste, proches du catholicisme social du pape mais déçus du « manque de courage » de l’Église, qui ne s’est pas impliquée avant les élections législatives, les jeunes croyants organisent la riposte du le café Dorothy, leur QG dans le 20e arrondissement de la capitale.

L’entrée, donnant sur la rue de Ménilmontant dans le 20e arrondissement de Paris, est discrète. Le panneau rouge indique simplement « le Dorothy », et un panneau précise les horaires d’ouverture et les activités, écrits à la craie. Il s’agit, selon la terminologie du moment, d’un tiers-lieu, hybride entre un café-rencontre, un accueil social et un lieu d’expérimentation de séances d’ateliers manuels. Elle propose un soutien scolaire, une aide administrative ou encore une formation en jardinage. Les fauteuils sont confortables et la bière pression coûte deux euros. Ce jeudi soir 27 juin, un théologien et un philosophe débattent de leurs livres respectifs : Jérôme Alexandre vient de publier, en mai, Le christianisme est l’anarchisme (Textuel), qui intéresse beaucoup la génération des jeunes catholiques (plutôt de gauche), la médiatique Géraldine Muhlmann est l’auteure de l’imposture théologico-politique, paru en 2022 (éd. des Belles Lettres).

Le public, une quarantaine de personnes d’âges variés, a consciencieusement pris des notes. Alexis Lemais, 27 ans et coprésident du Café Dorothy, introduit le débat. Ce « passionné de politique » dit essayer « être fidèle à l’Évangile » dans sa vie. Nourri de sa foi religieuse, il appartient, comme il le dit, à la « Génération François », ce pape dans lequel ces jeunes croyants se reconnaissent. Celui qui fréquente principalement la Dorothée, nourrie de l’encyclique sur l’écologie Loué soit et les principes du christianisme social.

Pétition, création d’un rassemblement collectif et œcuménique

Créée en 2017 à l’initiative d’un groupe d’étudiants de Sciences-Po, la Dorothy est devenue un point de ralliement pour les jeunes catholiques assez isolés dans une société très sécularisée. « C’est aussi le projet de réunir des sensibilités diverses » renchérit Pierre-Louis Choquet, sociologue spécialiste de la déforestation au Brésil. Plutôt réticente jusqu’à présent à prendre un engagement public marqué, une majorité de bénévoles de Dorothy a franchi le pas après le choc du 9 juin et la dissolution de l’Assemblée nationale.

Après s’être réunis au lendemain de cette soirée désastreuse des élections européennes, un petit noyau a été le moteur de la principale mobilisation chrétienne contre l’extrême droite de ces dernières semaines : une pétition demandant « nos sœurs et frères à voter massivement contre le Rassemblement national », signé par plus de 10 000 personnes, un rassemblement œcuménique (unissant catholiques et protestants) dimanche 23 juin à Paris, qui a réuni environ 500 participants, et un collectif baptisé « Justice et Espérance ». Un début de jonction aussi avec les organisations emblématiques de la gauche catholique comme l’Action ouvrière catholique, les Jeunesses ouvrières chrétiennes ou le Mouvement rural de la jeunesse chrétienne.

« L’amour du prochain, ça va être un travail colossal »

« Le vrai danger aujourd’hui, c’est le Rassemblement national » soutient Alexis Lemais, à quelques jours des élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Pour lui, comme pour les bénévoles de Dorothy, il existe une profonde incompatibilité entre être chrétien et voter à l’extrême droite. Selon Pierre-Louis Choquet, il favorise une « politique racialiste », contraire à l’Evangile. Tous deux regrettent le non-engagement de la hiérarchie catholique. « C’est un manque de courage » ils commentent la déclaration du conseil permanent de la Conférence des évêques de France. Celui-ci contourne simplement le sujet et propose de… prier pour la France.

Au Dorothy, on croise de vieilles connaissances, comme le pasteur protestant Stéphane Lavignotte, ancien journaliste devenu théologien, écologiste et figure de la gauche chrétienne française. Ce soir-là, c’est lui qui arbitre le débat entre Jérôme Alexandre et Géraldine Muhlmann. Le militant spirituel se réjouit de l’engagement de ces jeunes et voit un tournant dans leur mobilisation actuelle contre l’extrême droite. « C’est une forme de politisation progressiste », il explique. Jusqu’à présent, cette génération était essentiellement mobilisée sur les questions environnementales.

Pour beaucoup, l’étiquette « catholique de gauche » demeure inadmissible. Même s’ils s’éloignent radicalement du catholicisme identitaire qui monte depuis une dizaine d’années en France, ils sont néanmoins en désaccord avec certains débats de société, comme ceux concernant la fin de vie. Le pasteur Lavignotte, lui, a visiblement trouvé les mots spirituels pour leur parler. « Face à la haine, il y a la force de l’amour, il a dit. « Etant donné ce qui s’en vient, l’amour du prochain, ça va être un travail colossal. »

Cammile Bussière

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