A Paris, les chrétiens se mobilisent contre l’extrême droite

« Nous sommes ici parce que nous voulons montrer que nos valeurs chrétiennes sont incompatibles avec celles prônées par l’extrême droite. » C’est le slogan utilisé par les participants et les organisateurs du rassemblement chrétien. « contre l’extrême droite »dimanche 23 juin. Plus de 200 d’entre eux se sont rassemblés devant les Invalides à Paris.

Sous un soleil radieux, la manifestation œcuménique « Justice et Espérance », réunissant plusieurs organisations et collectifs chrétiens, comme le CCFD-Terre solidaire, Anastasis, la Cimade ou encore Lutte et Contemplation, a pour objectif de « joyeux, festif et positif ».

Un temps de prière, animé par une chorale et des instruments, a été lancé pour la première fois dans l’après-midi. Elle est suivie d’une succession d’interventions de représentants d’associations engagées dans l’action sociale et solidaire, comme Marie Levier de Fondacio, mouvement de laïcs chrétiens, Clémence Cuttaz du Comité Jupe, Jean Merkaert, directeur du plaidoyer du Secours catholique-Caritas. France ou encore Emmanuelle Seyboldt, pasteur et présidente de l’Église protestante unie de France.

Événement œcuménique

« Les intervenants sont très divers », se réjouit Danièle, une Parisienne de 82 ans. A l’image des participants, de tous âges : jeunes parents, étudiants, « jeunes professionnels » mais aussi retraités comme Danièle. Aux côtés de Paul, qu’elle a rencontré à la fin du meeting, elle souhaite affirmer son opposition à l’éventuelle arrivée de l’extrême droite au pouvoir : « Nous sommes tous les deux nés pendant la Seconde Guerre mondiale et nous ne voulons pas qu’ils aient la majorité à l’Assemblée nationale ».

Si Danièle a « J’ai toujours voté à gauche »Paul, c’est plutôt « un électeur fidèle de droite »mais « la droite modérée », précise-t-il. Pour le premier tour des élections législatives, dimanche 30 juin, il n’a pas encore fait son choix : « Mais ce qui est sûr, c’est que ce ne sera pas pour le Rassemblement national. »

A quelques pas de là, Marc, 31 ans, consultant environnemental, a fait son choix : le Nouveau Front Populaire. Un foulard autour du cou, il est venu au rassemblement accompagné d’amis Scouts et Guides de France. « Il est important pour nous de montrer que le scoutisme est une école de fraternité et de témoigner que les chrétiens portent des valeurs d’accueil et de justice »il explique.

S’il se dit « plus chrétien que catholique »il affirme que « son amour pour Jésus » le guide dans ses choix politiques : « Jésus parle de partage des richesses, de justice reconstructrice, d’accueil des pauvres et des isolés. »

« Ces élections m’inquiètent terriblement »

Après la publication d’une tribune, parue dans La Croix, réunissant plus de 6 000 signataires chrétiens affirmant leur opposition à l’extrême droite, les organisateurs du rassemblement souhaitent proposer une vision du monde « plus juste et plus intrépide ». Un thème qui fait écho à l’Évangile du jour, celui de la tempête apaisée, dans lequel Jésus demande à ses disciples de ne pas avoir peur.

Pourtant, parmi les participants au rassemblement parisien, l’inquiétude est importante. Maryllis, 75 ans, a découvert l’événement par hasard, captivée lors de sa promenade avec son mari par les chants et les discours. «C’est une période très grave. Ces élections m’inquiètent terriblementconfie-t-elle. Et quand je vois comment chaque camp s’est enfermé dans ses certitudes sans s’ouvrir aux autres, cela m’inquiète encore plus. »

Plutôt du centre gauche, le couple, catholiques pratiquants, se dit perdu avant les législatives, mais refuse le RN. Ils veulent témoigner qu’une autre vision de l’homme est possible, « même si aujourd’hui plus personne ne fait référence à Dieu ». S’ils rejettent le Rassemblement national, ils rejettent aussi l’alliance des partis de gauche.

« Je refuse la haine, le repli sur soi, le rejet de l’autre, le mépris de certains Français… »insiste Maryllis, qui se demande quand elle constate que même dans son groupe d’amis « intellectuels » le RN attire. « Et on ne peut même plus se parler ! », regrette-t-elle. Parmi les manifestants, plusieurs sont encore indécis, hésitant notamment entre leur conscience sociale et écologique et les questions de bioéthique, notamment de fin de vie.

Quoi qu’il en soit, tous les participants font le même constat du manque de lieux de débat et de dialogue. D’autant que, selon une enquête Ifop pour La Croix, réalisé dimanche 9 juin, le vote des pratiquants réguliers est particulièrement dispersé de l’extrême gauche vers, dans des proportions plus importantes, l’extrême droite. « J’espère même qu’on pourra garder le contact et s’organiser ensemble si le RN passe le 7 juillet »anticipe Caroline, fonctionnaire et membre de la CFDT.