Installation de proue de la « zone franche d’art et de culture » mise en place à Rezé entre 2018 et 2022, la Remorqueur devait initialement être réutilisé sur le territoire de la commune. Abandonné, il risque désormais d’être démantelé.
Le Figaro Nantes
LE Remorqueur était, il y a une quinzaine d’années, un bateau club mythique du centre-ville de Nantes. Le joli bateau, un R7 de 26 mètres de long à la cheminée rouge, avait connu une seconde jeunesse il y a six ans, gruté sur le site des anciens abattoirs de Rezé, aux portes de la cité des ducs. Installée au sec, l’ancienne discothèque est devenue le totem de Transfert, un « zone franche d’art et de culture » de 15 hectares, soutenu par la métropole. Et puis ce projet éphémère s’est terminé. Les installations ont plié bagages et sont parties ; le navire est resté. Cela fait deux ans que le Remorqueur Le port de Nantes dépérit, ridé de graffitis et froissé de crasse au fil des intempéries et des fêtes clandestines. Le navire d’eau douce meurt à petit feu. Un incendie s’est déclaré sur ce bâtiment centenaire, suite à une intrusion dans la nuit du samedi 24 au dimanche 25 août. Maîtrisé dans la matinée, le sinistre a rappelé aux Nantais l’existence de cette ancienne perle des soirées nantaises. Une gloire désormais en plein naufrage.
Pilote du projet Transfert pour le compte de Nantes Métropole, l’association culturelle Pick-up Production avait acquis le Remorqueur en 2018, pour 130 000 euros. Elle cherche désormais à s’en débarrasser. Vite. « Nous avons jusqu’au 31 décembre 2024 pour libérer le terrain », indique son directeur, Nicolas Reverdito. Le secteur, aujourd’hui fermé, doit très prochainement être investi par une partie du chantier de la future zone d’aménagement concerté (ZAC) de Pirmil – Les Isles, censée faire pousser 3300 logements sur un ensemble de 58 hectares, d’ici 2029. Petit problème : l’association propriétaire du bateau peine à trouver un acquéreur. Mis en vente sur Leboncoin, le bâtiment se négocie pour 50 000 euros. Une somme susceptible de doubler, au moins, en raison des frais de grue et de transport que devront avancer les potentiels nouveaux capitaines, pour déplacer le RemorqueurSans parler des frais de nettoyage et d’entretien.
Un chagrin d’amour
Autant de conditions qui ont refroidi la poignée d’acheteurs sérieux qui s’étaient montrés intéressés par le navire en l’espace de deux ans. « Nous sommes prêts à le vendre pour un euro symbolique à un porteur de projet passionné »« C’est un vrai casse-tête », confie Nicolas Reverdito. Faute de repreneur, son association va devoir se résoudre à démanteler cette ancienne institution nantaise de 150 tonnes. Un véritable crève-cœur. « Il serait dommage de le détruire, alors que sa structure et sa coque restent en bon état, et qu’il est encore capable de flotter.poursuit le directeur de Pick-up Production. Nous préférerions de loin que quelqu’un prenne le bateau pour une nouvelle aventure.
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Quoi qu’il en soit, l’association ne peut guère compter sur les liquidités sonnantes et trébuchantes de Nantes Métropole. La collectivité à majorité socialiste – emmenée par Johanna Rolland – n’a pas tardé à financer le projet Transfert, l’arrosant d’argent public. 12 millions d’euros pour être précis. La somme a permis de soutenir 790 structures culturelles, dont 93 résidences artistiques, et d’accueillir 550 000 visiteurs en cinq ans. Mais les vannes se sont refermées. Selon Pick-up Production, la métropole resterait « attentif » vers l’avenir de Remorqueur. Mais ça ne va plus. En signe de malaise, la ville de Rezé, qui disait jusqu’à récemment vouloir trouver une solution rapide à ce dossier fastidieux, préfère désormais le renvoyer à sa tutelle sans autre commentaire. « Cette histoire a été un fiasco du début à la fin, c’est une honte pour le Remorqueur, qui semble être sur le point de finir à la casse aujourd’hui »regrette Julien Bainvel, député d’opposition au conseil métropolitain.
Un devenir brumeux
A l’issue de Transfert, en septembre 2022, la ville de Nantes avait annoncé que des discussions allaient avoir lieu sur la réutilisation de ce morceau d’histoire festive locale. Celles-ci n’ont visiblement pas abouti, à l’image de l’ambition de« éco-construction » du projet Transfert, initialement conçu comme « un laboratoire culturel et artistique pour le territoire ». La réutilisation d’autres structures de Transfer au sein d’un bloc d’art urbain a également fait long feu. Le dialogue sur « l’usine de la ville » qui devait avoir lieu entre les acteurs culturels et les aménageurs de la ZAC n’a jamais abouti – même si le député nantais à la culture, Aymeric Seassau, s’est contenté à l’époque d’un « Expérience réussie ».
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Interrogée à ce sujet, Nantes Métropole a répété que le bateau était la propriété de Pick-up Production et que« aucune aide spécifique n’a été prévue pour la Remorqueur, même si la Métropole a soutenu le financement du démantèlement de Transfert». À quatre mois de la date butoir pour la libération des anciens abattoirs de Rezé, la commune veille toujours « porter une attention particulière et mener, au vu de l’importance de ce patrimoine pour la Ville et la Métropole, une réflexion sur son avenir. »
En attendant l’avenir de la Remorqueur La situation ne s’améliore pas, la zone de l’ancien projet Transfert s’est figée en un terrain vague squatté par divers types de rôdeurs. Selon une source policière, cet espace isolé est prisé par des fêtards en quête de calme, quelques personnages louches et des Roms, établis dans un campement voisin. Ces ombres seules entretiennent, à la nuit tombée, les dernières étincelles de l’esprit festif du vieux remorqueur. Pourvu qu’il flotte encore.