Alors que Marie Toussaint se rapproche dangereusement du seuil des 5 % dans les sondages, militants écologistes et élus multiplient les actions sur le terrain.
« J’hésite entre les rebelles et les écologistes. » En sortant de son appartement du centre de Montreuil (Seine-Saint-Denis), jeudi 30 mai, Théo a été surpris par des militants écologistes faisant du porte-à-porte. Sait-il que les élections européennes auront lieu le 9 juin ? « Je n’ai pas approfondi la question, mais j’ai l’intention de voter », répond le jeune de vingt ans. Face à lui, Mélissa Camara, élue écologiste de Lille, en troisième position sur la liste de Marie Toussaint, déroule ses arguments.
« Si vous voulez l’écologie au niveau européen et la défense du Green Deal, alors vous devez voter vert. »
Mélissa Camara, candidate écologiste aux élections européenneslors d’une opération de porte à porte
Théo résume parfaitement à lui seul le combat que doivent mener les écologistes à quelques jours du scrutin du 9 juin. Alors qu’elles avaient terminé à la troisième place en 2019 en récoltant près de 14 % des suffrages, Marie Toussaint culmine à 6 % dans les sondages. A gauche, l’eurodéputé sortant arrive loin derrière Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique, crédité d’environ 14% d’intentions de vote. Elle est également en concurrence avec Manon Aubry, tête de liste La France insoumise, que les enquêtes d’opinion donnent à 7 %.
Le risque de tomber sous la barre des 5 %, seuil minimum pour obtenir des élus, traverse la tête des huit militants écologistes et élus réunis pour cette action. L’enjeu : se souvenir des habitants de cette ville de gauche de la petite couronne parisienne où les écologistes ont obtenu 14,31 % des voix en 2019. « Nous rappelons que les députés verts ont fait beaucoup de choses au Parlement européen en cinq ans », détaille Mélissa Camara. Théo hoche la tête à l’évocation du Green Deal, un ensemble de mesures adoptées par l’UE qui vise la neutralité carbone en 2050. Les écologistes ont peut-être gagné un électeur.
Un étage en dessous, une porte claque au nez d’Annah Bikouloulou, secrétaire générale des Jeunes Écologistes. « Ça ne m’intéresse pas », dit une voix. Pas de quoi décourager la jeune femme, qui glisse un tract dans l’encadrement d’une autre porte, tandis que son collègue Félix Mésonnier fait de même à l’autre bout du couloir. « Nous sommes globalement bien accueillis, mais beaucoup de gens sont désillusionnés par la politique »elle analyse.
Dans cet immeuble récent du centre-ville, les autres portes resteront fermées. A 17h30, « il est sûrement un peu trop tôt pour que les Franciliens soient rentrés chez eux », suppose Mélissa Camara. De retour dans la rue, les trois écologistes retrouvent une autre équipe, revenant d’un autre immeuble. Ils n’ont pas non plus réussi à parler à beaucoup de monde.
« Nous essayons de faire de notre mieux pour rappeler aux citoyens les enjeux de l’élection et la raison d’être du Parlement européen. »
Annah Bikouloulou, secrétaire générale des Jeunes Écologistessur franceinfo
Alors que les marches pour le climat et l’attention portée aux questions climatiques les ont menées jusqu’en 2019, les écologistes sont confrontés à des vents contraires cinq ans plus tard. De mauvais sondages ? «De toute façon, les gens se décident ces derniers jours.», souffle Félix Mésonnier. Le manque de notoriété de Marie Toussaint ? « Ce qui compte c’est que nous menions une campagne de terrain partout en France, avec des actions au quotidien en allant à la rencontre des gens »explique Annah Bikouloulou.
En route vers une autre brique, Clara Crenn, membre de l’équipe de campagne de Marie Toussaint, tend un tract à deux femmes en pleine discussion. A l’évocation des européennes, le militant reçoit deux grands sourires et un « c’est parfait ». « C’est bon signe », réagit-elle. A quelques mètres de là, les militants tentent de pénétrer dans un grand immeuble à la façade légèrement défraîchie. Un petit groupe de jeunes hommes observe la scène. L’un d’eux se demande ce qui se passe. Bien expérimentée, Clara Crenn lui livre son argument. Le jeune homme avait entendu parler des élections « voir les affiches électorales »mais je n’ai pas appris grand-chose sur les candidats. « Ah oui, je connais les écologistes »réagit-il, un peu dubitatif.
Une fois entrées dans le bâtiment grâce à l’un des jeunes qui possédait le code, les deux équipes se partagèrent les étages. Un homme ouvre sa porte à Annah Bikouloulou et écoute poliment la jeune femme lui parler de l’élection. Un étage plus bas, Mélissa Camara remet un tract à un adolescent qui le transmettra à ses parents, « Je promets ». A quelques pas de là, un couple avec un chien intimidant refuse la discussion. « Ces gens ne votent pas »conclut l’élu lillois.
Entre les portes closes et ceux qui ne veulent pas parler, le porte-à-porte n’est pas toujours simple. « A Lille, il y a plus de maisons, c’est plus convivial », soutient Mélissa Camara. Il faut savoir viser correctement. « Les gens à vélo travaillent beaucoup mieux, on leur donne un dépliant et ils le prennent tout de suite »dit Annah Bikouloulou. « C’est sûr que c’est un peu plus notre électorat »rit Clara Crenn.
Les militants espèrent que les actions locales porteront leurs fruits. La fatigue commence à se manifester en fin de campagne. « Je me suis levé à cinq heures ce matin, j’étais devant le Sénat pour une action avec les écologistes sur les PFAS », souffle Mélissa Camara. La journée est loin d’être terminée, l’équipe part pour une rencontre des Jeunes Écologistes.
Devant la mairie de Montreuil, seules les affiches des candidats de gauche n’ont pas été arrachées. Pas de quoi rassurer totalement Clara Crenn, qui dit tout de même « un peu stressé » par des sondages négatifs. « Revenir sur le terrain, c’est bien, car on voit qu’il n’y a pas de rejet massif de l’écologie, comme on peut le lire ici et là », se rassure-t-elle. Et d’espérer que, comme en 2019 avec Yannick Jadot, les sondages sous-estiment leur candidat.