Nouvelles locales

À Mexico, de véritables « utopies » au cœur de la ville

La gondole glisse lentement dans le ciel bleu d’Iztapalapa, survolant des maisons basses aux toits inachevés, typiques de ces quartiers populaires et périphériques de Mexico. Le long des rues étroites, il n’y a pas de bâtiments élégants, comme au centre de la capitale, mais des marchés informels vendant des tacos et des vêtements bon marché. Hier rurale, Iztapalapa a vu affluer des familles des années 1970. Au point de devenir le quartier le plus peuplé de Mexico, avec près de deux millions d’habitants aux prises le plus souvent entre pauvreté et précarité.

Un Boeing a atterri dans la jungle urbaine

Depuis les hauteurs, la densité urbaine frappe les esprits. Mais soudain, la queue d’un avion apparaît, dans une petite place que l’on aperçoit entre deux bâtiments. Une scène surréaliste. C’est un Boeing atterri au milieu d’une jungle de béton, atterri d’on ne sait où. C’est l’utopie de Quetzalcoatl – « utopie » de l’unité de transformation et d’organisation pour l’inclusion et l’harmonie sociale (utopiesen espagnol), un centre culturel et éducatif.

Au pied du 737, des jeunes répètent des chansons rock avec un professeur. A bord de l’avion, où les sièges passagers ont cédé la place à des chaises, des tables et des ordinateurs, où les coffres à bagages sont remplis de livres, on lit sur papier ou on navigue d’étagère en étagère dans une bibliothèque numérique. Au bas de la passerelle qui monte à la cabane, un jeune du quartier tient le planning des activités. Il y en a pour tous les goûts : musique les samedis et jeudis, danses de salon les mardis et jeudis, danses folkloriques les mardis et samedis, échecs le mercredi…

Adrian est venu avec sa fille, âgée d’une dizaine d’années. Il lui fait la lecture, au fond de l’appareil équipé de quelques banquettes. « Ce genre d’endroit est merveilleux, dans ce quartier où il n’y avait rien, se réjouit cet ancien habitant d’Iztapalapa. Nous renouons des liens dans ces quartiers difficiles. » De passage à Iztapalapa pour voir sa fille et ses petits-enfants, Felipe applaudit : « Il n’y avait pas ça quand je vivais ici, confie ce paysan patiné d’Oaxaca, assez fier de ses origines mixtèques (un des peuples indigènes du Mexique). Il est important d’avoir accès à votre histoire à travers les livres. »

Une porte d’entrée vers le transport intérieur

L’ancien appareil a été démonté, transporté, puis remonté sur place. Ils lui ont donné une couche de peinture, ont dessiné son nom sur ses côtés – Quetzacoatl, le dieu serpent à plumes des Aztèques – et ont élagué les arbres pour le laisser respirer. « Dans le cockpit il y a un simulateur de volprécise Lilly, qui gère les lieux. Mais il faut avoir atteint un objectif de lecture pour avoir le droit de goûter au simulateur. Il faut encourager les enfants à lire !»

Quetzacoatl est l’une des douze utopies de Clara Brugada, maire d’Iztapalapa de 2018 à 2023, élue le 2 juin à la tête de la ville de Mexico et de ses 9 millions d’habitants. Certains ont le sport pour vocation principale, comme Meyehualco, avec sa piscine et ses terrains de football. Ou encore Olini, avec sa piscine également, mais aussi sa patinoire et ses cours de hockey sur glace. Il y a l’utopie Liberté, à côté d’une prison, avec ses centres pour femmes, son planétarium… Mais aucun lieu n’est à sens unique : c’est toujours aussi une question de santé, d’éducation, de culture. La lutte contre les addictions, dans ces quartiers difficiles, a aussi sa place.

Économiste de formation, née dans une famille du Chiapas, Clara Brugada représente la gauche du terrain au sein de Morena, le parti au pouvoir au Mexique depuis 2018. Pour elle, ces utopies, dénoncées comme gadgets par la droite, sont une manière de reconquérir territoires tout en proposant des activités à des populations longtemps délaissées. Au centre de Mexico, l’évocation d’Iztapalapa, célèbre pour sa délinquance, fait toujours sourciller. Le surnom méprisant d’Iztapalacra (lacra signifiant « fléau » en espagnol) n’a pas encore disparu…

Paquebot à 4 étages posé sur terre-plein central

Le dernier de ces lieux colorés à voir le jour, en avril 2023, est l’utopie Barco – un vaste bâtiment en forme de paquebot de 4 étages posé sur un terre-plein central, ancienne friche abandonnée, entre deux quartiers au mauvaise réputation. Ce lieu, géré par une vingtaine de personnes, aidées par autant de bénévoles universitaires, est principalement consacré au changement climatique. Un petit musée enseigne la perturbation de la nature. Un aquarium numérique permet aux enfants de faire connaissance avec l’océan et de découvrir les dégâts liés à la pollution marine. Quant au pont du paquebot stationnaire, également équipé d’un écran géant de 42 m2il surplombe les volcans dominant Iztapalapa à l’est.

Ici aussi, des cours sont proposés, toujours gratuits, comme toutes les activités des utopies d’Iztapalapa. Informatique, vidéo… « Avec ces utopies, nous changeons le quartierse félicite Mitzi, la coordinatrice. Quand j’étais plus jeune et que je voulais aller au musée ou suivre des cours, comme le théâtre, je devais me rendre au centre de Mexico, et cela me prenait deux heures de transport.» Au premier étage, une exposition aborde également, avec l’aide de l’Unicef, la question des violences sexuelles et des discriminations, à destination aussi bien des enfants que de leurs parents.

Aujourd’hui, Iztapalapa est fière de ces utopies. Et aussi de son désormais ex-maire. Début octobre, Clara Brugada prendra la direction de la capitale mexicaine – un territoire quinze fois grand comme Paris. Elle a promis de construire, durant son mandat de six ans, une utopie par an dans les 16 quartiers de la capitale – soit une centaine d’ici 2030. Sans attendre, au lendemain de sa victoire, elle a appelé ses partisans à faire le ménage et à collecter les déchets. ses affiches de campagne dans la rue. Des matériaux qui, transformés en « briques vertes », serviront à construire les utopies de demain.

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Le cablebus, un téléphérique urbain pour désenclaver la périphérie de Mexico

Depuis 2021, le téléphérique circule dans le ciel d’Iztapalapa, l’un des seize quartiers de Mexico.

Ce téléphérique urbain, inspiré de ceux de Medellin, en Colombieet La Paz, en Bolivie, ouvre deux millions d’habitants.

Le cableblus fonctionne en continu, chaque cabine permettant d’embarquer jusqu’à dix passagers.

A Iztapalapa, deux lignes de téléphérique permettent à la population d’accéder au terminus de deux lignes de métro. Le second, qui s’étend sur plus de dix kilomètres, est le plus long au monde de ce type de transport.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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