à Marseille, le calvaire d’un propriétaire squatté par des proxénètes
TÉMOIGNAGE – Au terme d’une longue bataille judiciaire, une sexagénaire dont le mari souffre de la maladie d’Alzheimer est sur le point de récupérer ses biens. Mais les squatteurs, un couple condamné pour leur appartenance à un réseau de proxénétisme nigérian, refusent de partir.
Le Figaro Marseille
Le souvenir de la résidence, une maison double de plus de 120 mètres carrés nichée dans les quartiers nord de Marseille, provoque chez Juliette* un terrible sentiment d’amertume. « Mon mari et moi l’avons acheté en 2010. Il y vivait pour son travail. Mais quelques années plus tard, on lui diagnostique la maladie d’Alzheimer.Alzheimer »murmure le sexagénaire au bout du fil.
Déchirée par ses obligations professionnelles et soucieuse de veiller sur son mari affaibli, la propriétaire des lieux décide de louer son bien et de le confier à un couple en situation sociale difficile. « Un patron qui travaillait pour moi m’a dit qu’un de ses employés cherchait à louer une grande maison pour sa femme et ses quatre enfants. Il a bien travaillé et a été présenté comme « une bonne personne ». J’ai accepté d’aider pendant un an”poursuit Juliette en précisant qu’elle a même baissé le loyer.
Un bail meublé a été signé entre les deux parties en décembre 2020. Les quatre premiers mois se sont déroulés sans encombre mais la situation a vite déraillé. « Au début, ils payaient leur loyer grâce à leurs allocations familiales. Les problèmes ont commencé début 2021”explique le propriétaire des lieux, en évoquant les dettes accumulées par les squatteurs. « Aujourd’hui, je suis à 28 000 euros de loyer impayé. J’ai arrêté de payer l’eau il y a un an, leur consommation frôlant la capacité d’une piscine. Les voisins m’ont aussi prévenu que d’autres personnes avaient emménagé avec eux. »énumère le sexagénaire.
Reconnu coupable de proxénétisme
Mais Juliette n’est pas au bout de ses surprises. En recherchant ses occupants illégaux, elle découvre que le couple était incarcéré plusieurs années aux Baumettes après une condamnation pour proxénétisme. En 2015, Anthony J. et Chidima C. ont été condamnés à deux et quatre ans de prison par le tribunal correctionnel de Marseille pour leur appartenance à un réseau de proxénétisme nigérian qui exploitait une vingtaine de jeunes femmes.
« J’ai appris qu’ils étaient en prison. La femme m’a même agressé avec un marteau en juillet 2023 parce que j’étais venu devant la maison avec un serrurier pour verrouiller une porte de garage qu’ils avaient défoncée en voiture.ajoute le propriétaire, qui a porté plainte et a résolu de faire expulser les squatteurs. La justice lui a donné raison en avril dernier, après une longue bataille judiciaire.
« Ma cliente a besoin de financer un foyer spécialisé pour son mari atteint de la maladie d’Alzheimer. Les locataires, qui occupent illégalement la propriété, ont soulevé un certain nombre d’arguments irrecevables lors de leur procès. Le juge leur a ordonné de quitter les lieux, de restituer les clés du logement et de rembourser la somme due.précise Me Christophe Jervolino, avocat de Juliette, auprès du Figaro.
L’État est défaillant et n’a pas les moyens d’expulser les gens
Me Christophe Jervolino, avocat de Juliette
C’était sans compter l’absence de réaction des squatteurs et la lenteur des autorités, qui n’ont toujours pas expulsé les délinquants plus de sept mois après leur condamnation. Et l’approche de la trêve hivernale qui gèle les expulsions pourrait encore prolonger le calvaire des propriétaires. « Des réquisitions ont été faites à la préfecture pour notifier l’expulsion. Nous sommes dans une situation complètement déséquilibrée : l’État est défaillant et n’a pas les moyens d’expulser les gens.»tourmente le conseil.
Contactée, la préfecture des Bouches-du-Rhône a indiqué Figaro que plus de 1 100 recours à la force publique ont été accordés à Marseille depuis le début de l’année. Depuis, 529 personnes ont été exécutées, dans la grande majorité des cas « une dette de loyer ». Sous pression après la publication du témoignage de Juliette par nos confrères de Bleu de France la préfecture s’est finalement saisie de l’affaire et a programmé une expulsion avec huissiers pour le 30 octobre. Les occupants illégaux, de leur côté, refusent toujours de partir et ont même fait savoir à un huissier qu’ils feraient appel.
« Le service des expulsions m’a dit que de nombreuses procédures avaient pris du retard. Nous devons récupérer notre maison. Depuis, je n’ai pas pu entrer, mais je m’attends à des dégâts. Nous avons encore un prêt à rembourser. J’avais même écrit à des hommes politiques, comme maire de Marseille Ou Emmanuel Macron . Mais ils ne m’ont jamais répondu. »murmure le propriétaire.
*Le prénom a été modifié.