A Madagascar, l’opposition dénonce des élections législatives contrôlées par le gouvernement
Andry Rajoelina fêtera ses 50 ans au lendemain des élections législatives, organisées mercredi 29 mai à Madagascar. Pour son cadeau d’anniversaire, le chef de l’Etat a demandé au peuple malgache de lui offrir une majorité confortable à l’Assemblée nationale dont les mandats de 163 députés sont en jeu.
Six mois après sa réélection contestée en novembre 2023 pour un second mandat avec 59% des voix, l’homme pressé de Madagascar, dont le nom du parti est aussi devenu le surnom « TGV » pour « Tanory malagasy vorona » (« jeunes malgaches déterminés »), n’a épargné ni son temps ni les moyens pour parcourir le pays et convaincre les électeurs de lui laisser carte blanche pour les cinq prochaines années.
Distribuant au fil du chemin de nouvelles promesses, des kits solaires et des sacs de riz, il a également remis à chacune de ses étapes les clés d’une infrastructure – centre de santé, résidence universitaire ou centrale solaire –, consolidant ainsi son image de bâtisseur sur laquelle il veut établir son bilan. Ingérence dans la campagne électorale dénoncée par l’opposition.
Ces derniers, après avoir boycotté l’élection présidentielle pour ne pas soutenir une consultation considérée comme perdue d’avance en raison du manque de transparence et de la partialité des institutions censées garantir son intégrité – Haute Cour Constitutionnelle (HCC) et Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). ) –, a décidé cette fois d’affronter la coalition formée autour d’Andry Rajoelina.
Une opposition craquelée
En misant sur l’ancrage local de ses candidats, une situation économique et sociale délétère et la frustration de milliers de familles vulnérables qui attendent toujours le versement des prestations sociales promises en échange de leur vote du 16 novembre 2023. « La situation est catastrophique. La pauvreté n’a jamais été aussi extrême, c’est presque la mort qu’on ressent dans certains quartiers », décrit Hanitra Razafimanantsoa, députée du 1ereuh quartier de la capitale Antananarivo.
Mais l’unité de l’opposition, unie en 2023 contre le chef de l’Etat sortant pour réclamer le respect de la loi électorale ou contester la légalité de sa candidature à la fonction suprême en raison de sa nationalité française, s’est fissurée sur les divergences personnelles entre ses dirigeants. La plateforme Firaisankina (« solidarité » en malgache), bâtie autour des partis des deux anciens présidents Marc Ravalomanana et Hery Rajaonarimampianina et du député de Tuléar, l’ancien judoka Siteny Randrianasoloniaiko, constitue la liste d’opposition la plus importante même si elle n’arrive qu’à présenter des candidats dans un peu plus de la moitié des circonscriptions.
Le doublement de la caution requise pour se présenter a été un coup dur pour de nombreux candidats. Annick Ratsiraka, fille de l’ancien président Didier Ratsiraka et secrétaire générale du parti socialiste Arema, fait partie des victimes. Sa candidature a été rejetée pour ne pas avoir réuni à temps le montant nécessaire.
« La Constitution stipule que tout citoyen doit pouvoir se présenter aux élections sans distinction de sexe ou de richesse. Réclamez 20 millions d’ariary (un peu plus de 4 000 euros) quand le salaire minimum est de 260 000 ariary (environ 50 euros) est discriminatoire en même temps qu’un appel à la corruption », dénonce-t-elle, condamnant par la même occasion le climat d’intimidation et de menaces qui plane sur les voix contestataires. « La liberté d’expression n’est plus de mise à Madagascar »fulmine la fille de « L’Amiral Rouge ».
Des candidats contraints de se retirer
Le ministère de la Communication a ordonné la fermeture de plusieurs radios indépendantes. « Nous avons reçu le 16 mai un courrier exigeant l’arrêt immédiat de nos émissions sous peine de poursuites judiciaires », témoigne Antoine Randriamampianina, directeur populaire de la station Fivoarana qui donne des conseils aux agriculteurs. L’ingénieur agronome de 39 ans concourt sous l’étiquette de son association de développement rural Fivoy. « Le gouvernement ne fait rien pour les paysans dont nous voulons faire entendre la voix au Parlement. Nous avons déposé une requête auprès de la Cour suprême et nous continuerons à diffuser »il assure.
A Nosy Be, François Arosy dit François La Banane et figure de la vitrine touristique du pays a également résisté : « Trois jours avant la date limite de dépôt des candidatures, les hommes du régime m’ont demandé de ne pas me présenter, menaçant de m’envoyer en prison à Antananarivo. Grâce au soutien de la population, j’ai pu me maintenir. »
Les autres candidats n’avaient pas le choix. Pour des raisons de sécurité, plusieurs candidats rencontrés par Le monde Afrique demandant à ne pas être cités, admettent avoir été contraints de se retirer de la campagne pour protéger leur vie et celle de leurs proches. La menace d’un contrôle fiscal a également été utilisée.
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A Fianarantsoa, Haritiana Rasolonirainy dite Ralava, membre du parti présidentiel mis sur la touche au profit de la ministre de l’Éducation nationale Marie Michelle Sahondrarimalala, a déposé sa candidature en tant qu’indépendante. Jeudi 23 mai, il a tenu une conférence de presse pour alerter depuis plusieurs jours sur la disparition de son épouse et appelé au respect des chances de chacun dans la compétition électorale.
«Trouver un espace de dialogue»
Christine Razanamahasoa, présidente de l’Assemblée nationale brutalement limogée pour ses propos jugés trop critiques à l’égard du président, continue de tenir bon : « Avec l’armée, la justice et le HCC, Andry Rajoelina tient entre ses mains toutes les forces d’oppression. Mais l’oppression n’est pas une solution. Les élections législatives ne sont qu’une étape et nous poursuivrons notre combat pour le changement. »
Dans son fief d’Ambatofinandrahana, dans les Highlands de la Grande Île, l’ancienne loyaliste du président cherche à se renouveler, cette fois aussi en tant qu’indépendante : « Il faudra trouver un espace de dialogue si l’on veut éviter que des violences latentes finissent par exploser. » Fin 2023, avec le FFKM, rassemblement des Églises chrétiennes de Madagascar, elle prend l’initiative de lancer une plateforme de dialogue et de médiation pour tenter de trouver une sortie de crise. En vain. Andry Rajoelina a refusé d’y participer.
A la veille des élections, ce n’est plus une priorité. « Nous avons étudié de manière approfondie notre casting et nous avons les bonnes personnes au bon endroit pour nous aider à remporter cette élection. Nous visons entre 90 et 103 députés, prédit le secrétaire national du parti présidentiel, Hery Rasaomaromaka. Andry Rajoelina doit être capable de gouverner et de tenir ses promesses. Il n’y a plus de temps à perdre. »