A Lyon, les commerçants indépendants de la Presqu’île s’unissent face à la future piétonnisation
Réticentes à travailler en équipe, plusieurs entreprises historiques de la Presqu’île lyonnaise ont néanmoins annoncé leur mobilisation commune face au projet de zone à circulation limitée prévu pour ce quartier en 2025.
Le Figaro Lyon
Le projet de zone à circulation limitée (ZTL), qui doit être déployé sur la Presqu’île lyonnaise d’ici 2025, ne fait pas que des heureux. Alors que la disparition du commerce indépendant dans ce quartier de l’hypercentre de la capitale des Gaules inquiète depuis plusieurs années, certains commerçants ont décidé de s’unir pour peser sur le débat public sur les choix des majorités écologistes de la ville et de la métropole. de Lyon. Une nouveauté pour ces hommes et ces femmes plus habitués à la solitude de leurs boutiques qu’aux prises de parole en public. « On a l’impression que personne ne s’intéresse à nous »déplore auprès du Figaro Franck Jabouley, patron de la maison Malleval. Une première rencontre avec quelques grandes enseignes de la Presqu’île a eu lieu récemment autour de Jean-Paul Pignol, propriétaire du célèbre traiteur Pignol, comme le rapporte Progrès . Le premier jalon d’un appel plus large à la mobilisation, confie Mathieu Bruel, patron de la boutique Haute : « Quand on est commerçant, c’est compliqué de se mobiliser. Nous sommes tous dans nos magasins et nous travaillons de 8h à 20h. Aujourd’hui nous décidons de parler d’une seule voix pour rassembler le plus grand nombre face à un projet que nous considérons unilatéral et face au manque d’écoute de la part de la majorité actuelle ».
«Consultations de mauvaise qualité»
Ce projet ZTL vise à exclure le trafic de transit entre la place Bellecour et l’Hôtel-de-Ville de Lyon pour réserver ce secteur aux seuls transports en commun, habitants et piétons. UN « apaisement » circulation à travers cette zone à circulation limitée, comme c’est le cas dans de nombreuses villes européennes, contre laquelle « ne vous opposez pas en principe » ces commerçants. Ces derniers déplorent cependant « un manque d’écoute » issus des majorités écologistes locales. « Nous n’avons rien contre l’écologie, je suis même à 200% pour, mais ce modernisme ne peut pas être autoritaire comme ça», critique Jean-Paul Pignol. « J’ai participé à des réunions de concertation. J’ai pensé que la revue d’une maison située rue Emile-Zola depuis 155 ans pourrait être intéressante. J’y suis allé dans un très bon état d’esprit. Mais j’ai vite réalisé que nous ne pouvions pas discuter. Que c’était une consultation de mauvaise qualité”, affirme pour sa part Franck Jabouley. Ce dernier ne se considère pas « du tout » en tant qu’opposant politique : « Nous ne sommes pas opposés au changement. Mais nous disons : discutons, parlons, étudions les conséquences. Là, tout est imposé de manière violente. Je ne sais pas si c’est pour avancer vite avant les élections, mais cela donne l’impression qu’ils ne travaillent pas pour la ville mais pour être les premiers de la classe verte”.
« Tout le monde sera là »
Ces enseignes haut de gamme craignent une perte de clientèle liée à la difficulté de venir sur la Presqu’île en voiture. « Mes clients viennent presque tous en voiture et beaucoup me disent qu’ils ne veulent plus venir à Lyon car c’est trop compliqué pour se déplacer. Je me bats presque quotidiennement pour leur expliquer que c’est possible », indique Mathieu Bruel. Même discours chez l’épicerie fine Malleval, dont une partie de la clientèle vient de Suisse ou d’Italie en quête de produits d’exception. « Pour nous, c’est presque une question de vie ou de mort que ces personnes puissent s’approcher du magasin »assure Franck Jabouley.
Du côté de la métropole de Lyon, on se veut toutefois rassurant quant aux conséquences de cette ZTL. « Toutes les études d’impact réalisées en Europe sur ces zones à trafic limité montrent que les taux de vacance des commerces diminuent et que cela favorise l’activité locale et augmente le chiffre d’affaires », assure Émeline Baume vice-présidente chargée de l’Économie à la métropole de Lyon. Ce dernier admet qu’il le fera « il faut travailler sur l’approvisionnement et l’accès logistique » Et « accès garanti » aux différents parkings qui bordent le quartier. « La force de la Presqu’île, c’est qu’il y a en réalité plusieurs Presqu’îles. Nous avons des indépendants, des créateurs, des coins vie nocturne, des coins grand public, des coins visite du patrimoine, etc. Notre responsabilité est de garantir cette mixité d’activités. Et oui, il y a des travaux qui sont désagréables, mais dans quelques mois, ce secteur sera rafraîchi, sécurisé et diversifié, et puis tout le monde sera là. Aussi petits que grands »poursuit l’élu écologiste.
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Quelles actions ?
Il n’en reste pas moins que des inquiétudes demeurent parmi ces entreprises lyonnaises. « Ça m’attriste de devoir en arriver là, on aurait préféré discuter autour d’une table, mais force est de constater que parler à la presse peut faire bouger les choses », conclut Franck Jabouley. Depuis l’annonce de leur mobilisation, plusieurs de leurs confrères ont contacté les premiers mobilisés pour rejoindre leur mouvement. Une coordination encore balbutiante, qui ne sait pas trop quels moyens utiliser (banderoles aux fenêtres, manifestations ?) pour faire entendre sa voix mais qui entame un travail collectif venant d’acteurs peu habitués à travailler en équipe.