La tentative de la gauche et du Rassemblement national (RN) d’abroger la très décriée réforme des retraites de 2023 s’est heurtée, jeudi 28 novembre, à l’obstruction du camp présidentiel à l’Assemblée nationale, alors que la perspective d’une censure du gouvernement à partir de la semaine prochaine est dans tous les esprits.
Une parenthèse dans la tempête budgétaire actuelle : La France insoumise (LFI) avait jeudi la journée parlementaire annuelle réservée à ses textes. Avec une proposition phare, visant à abroger la réforme des retraites de 2023, en abaissant l’âge légal de la retraite de 64 à 62 ans. Le texte, soutenu par la gauche et le RN – donc théoriquement par une majorité de députés – avait cependant peu de chances d’être soumis au vote avant l’heure limite de minuit, marquant la fin de la « niche » LFI. Et cela est dû aux centaines d’amendements déposés par la droite et le centre afin de ralentir le travail parlementaire.
Entre cent et deux cents personnes se sont rassemblées à 19 heures aux Invalides à l’appel de LFI pour protester contre cette stratégie, en présence de Jean-Luc Mélenchon. « Nous sommes dans un moment de crise politique historique (…) Pour la première fois dans notre histoire, nous sommes confrontés à un phénomène entièrement nouveau : l’obstruction gouvernementale. (…) Ils font tout pour nous empêcher de voter une loi d’abrogation.»a dénoncé le leader de LFI, appelant au Premier ministre Michel Barnier et au président de la République Emmanuel Macron à quitter leurs fonctions.
«Amendements clownesques»
En fin d’après-midi, les partisans de l’abrogation remportent une première victoire symbolique : ils rejettent par 241 voix contre 100 les amendements par lesquels leurs collègues de la « base » gouvernementale voulaient vider le texte de sa substance. Ce « Défaite cinglante pour le camp présidentiel » prouve que« il y a une majorité à l’Assemblée et dans le pays pour l’abrogation »a félicité la députée (LFI) Clémence Guetté sur X.
La bataille est cependant loin d’être gagnée pour la gauche et le RN. Vers 22 heures, il restait plus de 600 amendements à examiner, laissant peu d’espoir à la gauche d’obtenir un vote. « Si vous nous empêchez de voter aujourd’hui, ce sera une raison de plus pour vous censurer »a prévenu la chef des députés « insoumis », Mathilde Panot, pour ceux de la « base » gouvernementale.
Dans un hémicycle surchauffé, les débats ont été entrecoupés de multiples rappels au règlement et de suspensions de séances pour ramener le calme. « Nous ne participerons pas à cette mascarade et à vos amendements clownesques ! »a fulminé Hadrien Clouet (LFI), face à de multiples propositions d’élus de droite et du centre visant uniquement à modifier le titre de la loi. « Le cirque au Parlement, c’est vous qui le faites ! » »a répondu Richard Ramos (MoDem).
Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a observé pour sa part que ces « quelques centaines d’amendements » n’étaient rien comparé aux 19 000 que la gauche avait déposés au moment de l’examen de la réforme, en 2023. « C’est vous qui à l’époque vouliez bloquer les débats, empêcher les votes ! » Essentiellement, « la responsabilité n’est pas de revenir démêler ce qui avait permis d’équilibrer les comptes »il a insisté. La gauche veut ouvrir « les vannes et la machine aux promesses illusoires »a fustigé la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet.
« Profonde inquiétude »
Pour la députée (Renaissance) Annie Vidal, les auteurs des nombreux amendements veulent surtout exprimer « une vive inquiétude, car ce projet de loi génère des dépenses considérables qui ne sont pas financées et qui conduiront évidemment notre système de retraite à la faillite ».
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La proposition d’abrogation, approuvée sans incident la semaine dernière en commission, revient non seulement à la réforme de 2023, mais aussi à celle menée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine – qui avait augmenté la durée de cotisation. Le groupe socialiste tentera de sauver la réforme Touraine par un amendement de son adjoint Arthur Delaporte, mais approuvera quoi qu’il arrive la proposition d’abroger la réduction de l’âge, a prévenu son chef, Boris Vallaud.
Présente dans l’hémicycle alors que son procès se terminait hier, la chef de file du RN, Marine Le Pen, n’a pas pris la parole. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit être soumis au vote des députés lundi, à moins que le Premier ministre, Michel Barnier, ne décide de déclencher l’adoption du 49.3 sans vote, ce qui l’exposerait à une motion de censure promise par la gauche et que le Le Rassemblement national menace de voter.
Pour tenter de convaincre l’extrême droite de s’abstenir, le chef du gouvernement a annoncé le gel des taxes sur l’électricité ainsi que la réduction des soins pris en charge par l’aide médicale de l’État (AME).