Divertissement

À La Roque-d’Anthéron, la pianiste Maria Joao Pires fait un retour mémorable

Le violoniste Gordan Nikolic et la pianiste Maria Joao Pires, avec l'Orchestre de Chambre de Paris, au Festival International de Piano de La Roque-d'Anthéron (Bouches-du-Rhône), le 20 juillet 2024.

Le célèbre festival de La Roque-d’Anthéron (Bouches-du-Rhône) marque chaque année le début de l’été de la musique classique. Au-delà des chiffres – quelque 92 concerts (dont treize avec orchestre) et pas moins de 513 artistes invités –, le petit village provençal et la quinzaine de salles qui lui sont associées accueillent des musiciens du monde entier, dont de jeunes prodiges du piano comme la Française Arielle Beck et le Géorgien Tsotne Zedginidze, tous deux nés en 2009.

Mais c’est à une grande dame du piano, l’emblématique Maria Joao Pires, que René Martin, directeur musical et fondateur de l’événement, a confié le lancement du festival, dont les 44et L’édition se déroulera jusqu’au mardi 20 août. La pianiste portugaise, qui fêtera ses 80 ans mardi 23 juillet, est une habituée de longue date des lieux. Elle n’y était pourtant pas retournée depuis 2018.

Le public du Parc Florans a accueilli avec amour l’arrivée du pianiste lisboète, une silhouette frêle cachée dans une longue jupe à carreaux blancs et gris et une grande chemise en lin couleur lichen. Au programme,  » « Jeune Homme », de Mozart, partition de 1777 écrite pour un certain Mle Jeune homme (probablement le nom déformé de Louise Victoire Jenamy, fille du danseur Jean-Georges Noverre, ami de Mozart), autrement dit Concerto pour piano n° 9 en milieu bémol majeur K.271, dans lequel Maria Joao Pires s’est illustrée sur toutes les scènes internationales, livrant entre autres un enregistrement gravé avec Claudio Abbado (1933-2014) pour Deutsche Grammophon.

Jeu lumineux et tendre

Seule à son Steinway, au centre de l’Orchestre de chambre de Paris, emmené par le violon sanguin de Gordan Nikolic, Maria Joao Pires a répondu fermement par deux fois aux brèves injonctions de l’orchestre, qui a ensuite joué la longue introduction de l’« Allegro ». Son jeu est à la fois articulé et libre, lumineux et tendre, d’une grâce absolue dans sa simplicité. Le maintien vigoureux du tempo n’empêche pas la musicienne de sculpter chaque note, de façonner finement un phrasé qui naît dans la basse avec des résonances d’orgue. La pianiste joue avec les autres, dialogue avec le pupitre d’alto, réagit aux appels des cors, avant de déployer soudain l’orbe d’un legato tombé du ciel. La cadence, ce moment où l’orchestre laisse parler le soliste, invite à des escapades en forme de rêves mozartiens.

Puissamment expressif, l' »Andantino » central développe une de ces mélodies à faire pleurer les pierres, dont Mozart seul a le secret. L’Orchestre de Chambre de Paris s’en régale, non sans une certaine sentimentalité. A l’opposé du pianiste, tout en retenue, dont l’expressivité emprunte les chemins stricts de la musique. Tout est dans la nuance, la couleur, le poids des doigts au fond des touches, dans une émotion qui regarde vers l’intérieur. Une nostalgie infinie s’empare de la cadence, jouée comme au-dessus du vide dans une ultime supplique qui étreint le cœur.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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