à la prison de Saydnaya, l’espoir brisé des familles des disparus
Deux femmes et un homme, désespérés, les yeux creusés de cernes, arpentent comme des somnambules la route qui mène au portail d’entrée de la prison de Saydnaya, à une vingtaine de kilomètres de Damas, lundi 9 décembre. « Mon fils, Manhal Nuail Salem, avait 15 ans lorsqu’ils l’ont arrêté en 2014 » ; « Le mien s’appelle Youcef Abdallah Jassem. Nous sommes de Mazraat Al-Nafour, il a été kidnappé en 2018” ; « mon fils s’appelle Ahmed Al-Majari, arrêté en 2018 également… Un voisin libéré en 2021 m’a assuré l’avoir vu vivant… »
Au lendemain de la chute du régime, des milliers – peut-être des dizaines de milliers – de familles de disparus se pressaient autour et à Saydnaya, poussées par un espoir fou : la présence de milliers de détenus dans les sous-sols de la prison. ‘enceinte. Dans la détresse et les larmes, un lent cortège avance sur plusieurs kilomètres, dans l’espoir que le monstre de béton libérera vivants les prisonniers, peut-être un proche englouti par l’enfer carcéral de la famille Al-Assad.
En remontant le chemin de terre tracé à travers les barbelés et les tranchées qui entourent la prison, située plus haut sur une colline, ces familles découvrent cet endroit si redouté, si gardé, où le réseau téléphonique n’arrive pas. Chacun porte en lui l’histoire d’une arrestation, d’une détention, de la disparition d’un père, d’un fils, d’un cousin ou d’un ami. Chaque téléphone contient le dernier souvenir d’une personne décédée. Arrivés devant le bâtiment, des hommes parcourent des fragments de cahiers d’archives à la recherche des noms de leurs proches avant de se diriger vers le bâtiment principal.
Sur le sol devant, ils sont des centaines à attendre inlassablement, allongés sur le sable, assis à l’ombre d’un arbuste. Debout sur des véhicules de combat d’infanterie de fabrication russe, abandonnés là par les soldats de l’armée face à l’arrivée des forces rebelles, combattants et civils se livrent à un élan de fierté en se prenant en photo avec leur téléphone.
Un réseau de surveillance tentaculaire
A l’entrée, une voiture immatriculée au Liban tente de se frayer un chemin dans la foule. La libération d’un détenu libanais de la prison de Hama après trente-cinq ans de détention a ravivé un fragile espoir parmi les familles des disparus du pays du Cèdre, enlevés aux postes de contrôle de l’armée syrienne intervenue dans le pays dans les années 1980.
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