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à la clinique de Nouville, « les militaires sont enfin là »

Après deux semaines où il s’est retrouvé coupé du monde, l’établissement de santé a été sécurisé par la police. Mais l’accès aux soins de santé sur l’archipel reste très faible.

A l’entrée du parking, quatre camionnettes de la police montent la garde. « Tu penses que c’est pour nous? » demande Aoupi, sortie de sa chambre, le 345, pour se promener. « Oui. Enfin pour la guerre. Enfin je crois« , rétorque un autre patient en déambulateur. Personne n’en est trop sûr, parce que personne ne l’a encore vu « en vérité » les dégâts causés par les émeutes qui ont secoué la Nouvelle-Calédonie. Depuis ce fameux lundi 13 mai où tout a commencé, Aoupi n’a plus bougé de la clinique de Nouville. Comment le pourrait-elle ? « L’infirmière m’a dit qu’il y avait des barrages à proximité et que c’était dangereux pour moirépète la vieille dame dialysée. Mais au moins, les soldats sont enfin là.»

Cela fait presque deux semaines que l’hôpital, l’un des plus grands de l’archipel du Pacifique, fonctionne à huis clos. Situé sur une presqu’île à l’ouest de Nouméa, c’est comme pris dans un étaucoincé entre la mer et les émeutiers. Vendredi, une vaste opération de dégagement menée par la police et la gendarmerie a permis de dégager la route, et donc l’accès à la clinique. Mais le retour à la normale n’est pas imminent.

Face au danger, les visites restent donc interdites aux proches des 133 patients. Activités de plein air suspendues. Les urgences sont fermées. La réception est tellement déserte qu’elle résonne comme une cathédrale. « On peut dire que‘établissement’est mis dans la même configuration qu’à l’arrivée d’un cyclonerésume la direction. Cela signifie que les déplacements sont plus que limités.

Marie Guévenoux, ministre chargée de l'Outre-mer, visite le personnel médical de la clinique privée de Nouville, à Nouméa, (Nouvelle-Calédonie), le 25 mai 2024. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

Un tiers du personnel de la clinique de Nouville ne peut toujours pas s’y rendre. Le directeur le général est coincé à la maison. Il habite dans un quartier « où on tourne tous les jours ». Tout passe alors par son téléphone : il organise les rendez-vous, s’occupe du ravitaillement et donne des nouvelles quotidiennes au Haut-Commissaire de la République, représentant de l’Etat en Nouvelle-Calédonie. Marc Fermaut, chef du bloc opératoire, devenu tour opérateur. Sa mission actuelle : contacter les compagnies maritimes locales pour organiser des navettes pour transporter les patients, le personnel et le matériel. Le jour d’avant, Ce sont des bouteilles d’oxygène qui ont pu être livrées. « Moi qui n’ai jamais vraiment été sur un bateau, je connais par cœur les horaires des marées. Je souris car la situation n’est pas pne semble pas réel. En fait, c’est fou. Tout est bouleversé. »

Car pour éviter les barrages installés ici et là à Nouméa, mieux vaut prendre la mer. LLes patients de la clinique ont une nouvelle distraction : par la fenêtre, ils regardent les équipes médicales débarquer du Zodiaque, mettre les pieds dans l’eau puis marchez jusqu’à l’entrée arrière de l’établissement. A marée basse, les choses se compliquent, car il faut traverser le plat rocheux pour rejoindre le bateau qui tangue au large. « En gros, tu as de l’eau jusqu’à la taille », décrit Gianmaria Drovetti, le chef du service d’oncologie, qui en a fait l’expérience. Le président de la clinique, Jean-Jacques Magnin, tient à le répéter : « En ce moment, c’estChaque jour est une aventure. » « Et dans ces conditions grotesques, tout le monde est courageux »il salue, quelques tremblements dans la voix.

C’est aussi le message qui est venu délivrer le ministre des Outre-mer, samedi. Marie Guévenoux souhaite rendre hommage au personnel soignant. « L’engagement de la police s’inscrit dans la durée, tant que la situation ne se rétablit pas » assure-t-elle, assise face à un staff médical épuisé. Soudainement, une dame l’appelle. « Madame, ma grande sœur est hospitalisée ici. Mais son fils, mon neveu, est coincé en France métropolitaine car il n’y a pas de vols. Madame, il faut qu’il puisse venir, qu’il puisse passer du temps avec nous, s’il vous plaît. Un conseiller finit par prendre un numéro de téléphone.

A 200 mètres de la clinique Kuindo-Magnin, le Centre de Formation et d’Apprentissage (CFA) a brûlé. Heureusement, l’établissement de santé n’a pas été touché. Du moins pas directement. Maisle pillage de Centre de dialyse de Dumbéa, quelques kilomètres plus au nord, a mis en péril l’accès aux soins, et donc la vie des patients. Dans les images consultées par franceinfo, le lieu est méconnaissable. Jean-Michel Tivollier, néphrologue, stéthoscope autour du cou, n’en revient toujours pas : « Les gens rentraient chez eux pour casser des machines qui sauvent des vies… Cela a tout perturbé. Nos patients ont accumulé des retards, avec un risque important de créer un œdème pulmonaire, une hypercalcémie, etc.« 

Il y a quelques jours, le médecin Tivollier a a donc convaincu Rodrigue, ambulancier, de l’accompagner dans une opération « dcomme un film ». Traverser une dizaine de barrages, slalomer entre les épaves de voitures carbonisées, jusqu’au site en question. « Une fois sur place, nous sommes montés à bord tout ce que nous pouvions récupérer. Membranes rénales artificielles, bains de dialyse, fer injectable, kits de connexion, gants… ». Rien n’est encore complètement réglé mais « LE le rééquilibrage des patients est en cours », il explique.

A l’étage supérieur, Gianmaria Drovetti, chef du service d’oncologie, a également fait les comptes : « Nous avions jusqu’à 250 séances de chimio à rattraper. » Cloué au lit dans la chambre 322, Nicolas, 49 ans, avoue : « La maladie, plus la situation extérieure, affecte mon moral. Mon entreprise fait partie de celles qui ont brûlé. Mais nous tenons aussi parce que le personnel ici est remarquable.» Aassis dans son fauteuil roulant, tuune patiente se vante d’avoir elle-même rassuré une infirmière « hier ». « Je lui ai dit que les choses iraient bientôt mieux pour elle et pour nous« , explique le patient.

Le 25 mai 2024, comme depuis le début des émeutes, le personnel soignant de la clinique privée Nouville à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) y dormait.  (RAPHAËL GODET / FRANCEINFO)

De plus, leLe staff de Nouville dort sur place. Question de sécurité, mais aussi de continuité des soins. A la direction de l’établissement, Aurélie Magnin squatte une salle du service d’orthopédie. Avec deux collègues infirmières, Léa a ramené des matelas du cabinet ambulatoire et les a installés dans la salle qui sert normalement d’hôpital de jour de chimiothérapie. « Il est clair que nous n’avions pas prévu celadit le jeune soignant. Nous avons pris des blouses jetables pour faire office de pyjama.

Pour passer le temps, Malia, du service restauration, fait un vidéo tous les jours à 14h avec sa fille, qui vit en France, et son mari qui est chez lui à Nouméa. En deux semaines, elle ne s’est aventurée hors de la clinique qu’une seule fois. Direction le supermarché My Shop, à cinq minutes à pied, pour acheter des cigarettes et des gâteaux. Pour franchir le barrage tenu par les émeutiers, il lui a été conseillé de porter la blouse d’hôpital. Elle a fait passer le mot, les femmes de Le ménage a fait de même : « blouse bleue. Ça craint moins.

Les salariés de la clinique privée Nouville à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) prennent l'air, le 25 mai 2024. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

Devant l’entrée « Dialyse », une ambulance attend de repartir. Elle confie qu’elle on entendait encore des coups de feu sur son quairtier au milieu de la nuit. « Je ne sais pas comment ça va finir. », soupire-t-elle. L’autre jour, des émeutiers ont même forcé une poignée de porte de sa voiture. « Il y avait un patient avec moi… ». Marie-Laure, au restaurant, reçoit régulièrement des photos de son quartier, Kamere. « Il fait chaud… Il ne reste plus rien. La Poste, les écoles… C’est une catastrophe. »

A la clinique de Nouville, deux moiLes gnants ont déjà démissionné ces derniers jours. Ils ne tenaient plus. Marc Fermaut réajuste ses élégantes lunettes rondes : « J’ai a donné le numéro du psychologue à certains de nos agents qui sont en difficulté, terrifiés par ce qui se passe. Il faut se serrer les coudes pour tenir le coup. » Vendredi soir, dans les couloirs silencieux, une petite June est venue au monde. Au même moment, deux infirmières ne le savaient pas encore : leurs maisons brûlaient, à quelques kilomètres de là.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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