A Kehl, les frontaliers divisés sur le retour des contrôles aux frontières allemandes

Les contrôles ont débuté lundi et dureront six mois. Berlin espère ainsi lutter contre l’immigration clandestine. Les habitants, les voyageurs et les autres travailleurs frontaliers sont divisés sur la réintroduction des contrôles à toutes les frontières allemandes.

Depuis lundi 16 septembre, l’Allemagne a rétabli des contrôles à toutes ses frontières. Ce dispositif, qui doit durer au moins six mois, est destiné à lutter contre l’immigration clandestine. Comme annoncé, les contrôles ont débuté dès 7 heures du matin, notamment à Kehl, en Allemagne, sur le pont de l’Europe qui enjambe le Rhin et marque la frontière avec la France.

En début de journée, un bus Flixbus qui relie Strasbourg à Budapest a été arrêté. Comme la quinzaine de personnes à bord, Yolande a présenté son passeport aux policiers. « Je trouve cela très important, elle croit. Actuellement, on n’entend parler que d’insécurité, on a besoin de quelque chose comme ça parce que les bandits sont partout. C’est aussi pour notre sécurité. »

Vêtus de gilets jaune fluo avec « Polizei » inscrit dans le dos, les agents patrouillent également sur les quais de la gare de Kehl et à l’arrêt du tram arrivant de Strasbourg. 50 000 Français, Alsaciens et Mosellans travaillent chaque jour en Allemagne, et tous n’apprécient pas le retour des contrôles.

« Nous sommes habitués à circuler librement depuis assez longtemps et c’est plutôt positif. Dans l’esprit européen, ce n’est pas une bonne nouvelle. »

Eugénie, habitante de Kehl

à franceinfo

« Mettre une frontière entre deux pays qui font tout pour se rapprocher, avec un tramway, avec des lignes de bus, c’est choquant »croit ce résident. « Cela fait suite aux derniers résultats des élections en Allemagne, on sent clairement qu’il y a une pression de l’extrême droite qui exige des mesures. Et on a l’impression qu’ils cèdent parce que l’opinion publique est là et attend », a-t-il ajouté. raconte à un autre.

La circulation à la frontière est fluide depuis lundi matin. Le porte-parole de la police de Kehl, Dieter Hutt, promet des contrôles « intelligent et ciblé ». « Nous savons d’où vient l’immigration clandestine. Le plus souvent, il s’agit de voyages au long cours, dans les bus, les trains et les trams. C’est là que nous concentrons nos contrôles. Le trafic transfrontalier doit se poursuivre normalement, tout comme le transport international de marchandises. »

En octobre dernier, Berlin avait déjà rétabli les contrôles avec la Pologne, la République tchèque, l’Autriche et la Suisse. Depuis lundi matin, les 3 700 km de frontière que l’Allemagne partage avec neuf pays sont sous surveillance. L’objectif affiché des autorités allemandes est de mettre un terme à l’immigration clandestine. Un renversement de la culture d’accueil de l’Allemagne d’Angela Merkel lors de la crise des réfugiés de 2015-2016.

La situation n’est plus maîtrisable, selon le ministre de l’Intérieur, l’Allemagne n’a plus les moyens d’accueillir les réfugiés. Les hébergements, les écoles et les structures de soins sont saturés. Sur les sept premiers mois de l’année, l’Allemagne a enregistré 50 000 entrées illégales. Et puis, il y a eu plusieurs attentats, parfois meurtriers, ces dernières semaines, à Solingen, à Munich, commis par des personnes radicalisées. L’extrême droite profite de ce contexte délicat, avec un débat relancé sur l’immigration, pour obtenir des résultats records, comme lors des deux élections régionales, en Saxe et en Thuringe.

Pour la coalition d’Olaf Scholz, il s’agit donc de tenter de reprendre la main face à l’extrême droite et à une opinion publique parfois très inquiète.