Devant les portes de l’amphi Bellon, à HEC Paris, une foule d’étudiants se presse, comme s’ils venaient « au spectacle ». Le protocole insolite donne le ton de l’événement programmé ce matin-là à l’école de commerce : tout un service de sécurité a été dépêché pour fouiller les sacs et vérifier les noms à l’entrée. Deux autres amphithéâtres ont été ouverts pour retransmettre les débats en direct et accueillir les quelque 900 inscrits : une affluence record pour une conférence organisée par l’association étudiante HEC Débats. Ce 28 novembre 2023, son invité, Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), vient prononcer un discours de séduction rôdé, face à ces futures élites économiques.
Membre d’un parti qui s’est longtemps présenté comme anti-élite, la personnalité politique d’extrême droite, pas encore candidate aux élections européennes, évolue en territoire bienveillant, applaudie à plusieurs reprises par une bonne partie de la salle. Jordan Bardella n’est pas diplômé d’une grande école, mais semble néanmoins « Comme à la maison » : « Il avait droit à deux ou trois ovations, lorsqu’il faisait des commentaires sur l’immigration ou lançait des diatribes contre la gauche.. Il était très à l’aise sur scène, se souvient Elliot Ellis, membre de l’association environnementale du campus, une poche d’opposition à cette venue. En même temps, il n’a guère été interpellé par les questions des modérateurs. »
Parmi eux : Hippolyte Septier, membre étudiant de l’association de débat et ancien collaborateur parlementaire de Guillaume Peltier, en 2021, lorsqu’il était député Les Républicains, avant de devenir l’année suivante vice-président du parti d’Éric Zemmour, Reconquête !. Signe des auspices favorables sous lesquels cette invitation a été placée, deux semaines avant la conférence, HEC Débats a annoncé l’arrivée de Jordan Bardella à travers une vidéo à l’accent épique, un patchwork d’extraits d’interventions médiatiques mettant en avant le président du RN, porté par la bande sonore de Guerres des étoiles.
Stratégie de normalisation
En faisant circuler une lettre ouverte en interne, certains étudiants ont dénoncé le cadre de la rencontre, propice à « normaliser l’extrême droite ». En vain. A l’issue de la conférence, le leader d’extrême droite a marqué des points. « A l’époque, beaucoup de ses arguments m’ont convaincu et j’étais loin d’être le seul », rapporte Anne, une étudiante de 21 ans (qui a demandé à changer son prénom), marquée par le chiffre cité de « 80 % des viols dans l’espace public commis par des inconnus »répétant la rhétorique fallacieuse et xénophobe du parti.
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