Les habitants de la quarantaine d’appartements légalement occupés de cet immeuble de la banlieue sud de Grenoble doivent évacuer leur logement d’ici vendredi. En cause, un « danger permanent de mort » observé suite à des dégâts liés au trafic de drogue.
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Les affaires de Rocher*sont prêts, rassemblés en sachets. Des petits bouts de vie emballés à la hâte. Le surplus restera dans son appartement, en attendant son retour. mardi 24 septembre il a été informé qu’il devait avoir évacué son domicile d’ici vendredi. Deux arrêtés de sécurité émis par la mairie ordonnent à tous les habitants de Carrare, immeuble situé dans l’hyper-centre d’Echirolles (Isère), de quitter les lieux. La raison ? Résidents sont exposés à un « danger permanent de mort » par le simple fait de rester chez soi, selon le communiqué de la mairie, qui mentionne « risques incendie et électriques ».
Un rapport d’expertise, remis lundi à la maire communiste Amandine Demore, alerte « la détérioration de l’ensemble des tableaux électriques du bâtiment ». En détails, « deDeux incendies dans des appartements ont été constatés, ainsi que la présence de câbles nus dans les parties communes.précise la mairie d’Echirolles à franceinfo. « Cette situation résulte des nombreux dégâts générés par les actes de malveillance liés au trafic de drogue qui ruinent la vie des habitants et des riverains. déplore Amandine Demore dans son communiqué. L’évacuation doit notamment permettre au « retour de sécurité » de cet immeuble qui comprend 80 appartements dont certains sont loués, d’autres vides ou squattés.
L’ordre d’évacuation, pris en urgence, laisse les habitants interdits des quarante appartements légalement occupés. Il faut trouver rapidement une solution pour les prochaines nuits. « Je ne sais pas où je vais dormir », confier Rochercontacté par téléphone 24 heures avant l’évacuation. « J’attends des nouvelles de l’agence immobilière, mais ils ne me rappellent pas. » La personne âgée a repéré un hôtel à la périphérie de la ville, mais ne sait pas vraiment comment s’y rendre.
Cependant, la mairie avait prévu un système d’accueil avec les services sociaux « afin de sécuriser (les habitants) et les reloger temporairement, jusqu’à ce que les copropriétaires puissent assurer la restitution de l’immeuble en toute sécurité dans un délai de trois semaines.. Mais Pierre, visiblement déconcerté par la situation, a déclaré ne pas souhaiter contacter les autorités compétentes.
François est le propriétaire de« une dizaine d’appartements » dans cette résidence, tous équipés de portes blindées. « Les locataires de mes appartements sont des jeunes actifs ou des personnes âgées » il explique. « Les jeunes retourneront dans leurs familles. Pour d’autres, la question du relogement est plus compliquée », il admet. Dans cet immeuble dans lequel il a commencé à acquérir une propriété il y a cinq ans, le propriétaire a également remarqué « dommage » liés au trafic de drogue. « La mairie n’arrive pas ne pas faire le nécessaire », dénonce-t-il, déplorant une opération « lieux propres » lancée à l’échelle nationale début 2023, sans résultats concrets dans le bâtiment.
Pourtant, les problèmes de circulation dans cet immeuble gris construit sur cinq étages ne sont pas nouveaux. Alexandre a vécu à cette adresse entre 2016 et 2017 et y a duré un an et demi. Assez longtemps pour être témoin « descentes régulières du BAC ». Le trentenaire habitait au deuxième étage, coincé entre « un premier et un cinquième squattés par des dealers ». « Pour moi, ça allait, (les trafiquants) cela ne m’a pas trop dérangé parce que je me suis défendu. Mais déjà à cette époque, certains habitants de l’immeuble n’osaient plus sortir de chez eux. » assure-t-il.
Il y a quand même eu cette tentative d’effraction à son domicile en sa présence, se souvient-il. Depuis, le jeune homme a commencé une nouvelle vie dans la région bordelaise. Il constate avec amertume que rien n’a changé depuis son départ.
La situation a même pris récemment une tournure inquiétante. « Avant, il y avait du trafic, on le savait. Mais ces derniers mois, la situation a changé pour le pire. »rapporte un habitant du quartier inquiet. « La circulation est plus bruyante et plus dure qu’avant, on entend même le bruit des balles »assure-t-elle. Signe de l’intensification du phénomène, deux blessures par balle ont été constatées dans le bâtiment en l’espace d’une semaine au mois d’août, rapporte France Bleu Isère.
Alors que les propriétaires de la résidence invitaient le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, à s’y rendre, le procureur de Grenoble, Eric Vaillant, a assuré mercredi que l’évacuation temporaire des résidents « fait également partie de la solution pour retirer le deal point de Carrare des mains des trafiquants ». Car la question de la disparition de ce deal point déborde dans tout le quartier : le 11 septembre, Yassine Lakhnech, président de l’Université Grenoble-Alpes (UGA), dont une partie des locaux est située à quelques mètres de Carrare, prévenait : « Si nous sentons que la sécurité n’est pas là, nous serons obligés de déménager. » Alors que la ville de Grenoble est elle-même en proie au trafic de drogue, un départ serait, selon lui, synonyme « de la capitulation du service public face à la délinquance ».
* Les prénoms ont été modifiés à la demande des témoins.