A Cannes, « Mégalopolis », le catamaran Coppola
La grande œuvre tant attendue de Francis Ford Coppola est pschitt. Sa fable politique rétrofuturiste ne tient pas debout et se noie dans un mélange prétentieux et abstrus.
Publié le 17 mai 2024 à 6h45
Mis à jour le 17 mai 2024 à 7h05
Uaucune idée certaine du panache : quand Francis Ford Coppola fait tapis, c’est sur le tapis rouge Et en compétition. A 85 ans, l’aventurier hollywoodien, Palme d’Or à Cannes pour Conversation secrète (1974) et Apocalypse maintenant (1979), a présenté ce jeudi le bien nommé Mégalopole, un projet monumental chéri depuis les années 1980 et autoproduit pour 130 millions de dollars. Une fable politique rétrofuturiste doublée d’un autoportrait de l’artiste citoyen, qui figurait parmi les œuvres les plus attendues – et les plus passionnantes – de ce 77e édition. A mon arrivée, que dois-je dire ? Patatras. On tombe de haut, à l’image de l’Empire romain qui sert de modèle à la Nouvelle Rome, la ville au cœur du drame.
Deux hommes s’affrontent, le maire Franklin Cicero (Giancarlo Esposito) et le génie Nobel Cesar Catalina (Adam Driver, qu’on aime à tout prix), et à travers eux, deux visions du monde. Le premier mise sur une ville casino, tandis que le second, inventeur d’un matériau révolutionnaire et indestructible, veut construire « une ville qui fait rêver ». Neveu d’un banquier milliardaire (Jon Voight), César subit la haine amère de sa cousine Clodio (Shia LaBeouf, toujours membre de Guignol) et le ressentiment de son ex-maîtresse (Aubrey Plaza, très sitcomic). Veuf inconsolable, le héros torturé se console néanmoins auprès de la fille de l’édile, Julia (Nathalie Emmanuel, fade transfuge de Game of Thrones), qui, vive les femmes !, lui donne son inspiration.
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Une garce, une muse, bienvenue dans les années 80 – il est cependant permis de regretter le voyage dans le temps Peggy Sue s’est mariée (1986). Cependant, l’immortel auteur de Parrain brûle clairement de faire la chronique de l’Amérique contemporaine, de sa décadence, de ses divisions, de son désespoir. Il faudra plusieurs visionnages (et beaucoup de courage) pour démêler les fils de ce vacarme bancal. La fiction s’éparpille entre un satellite qui menace de tomber et d’anéantir la Terre, la superpuissance de son héros – il arrête le temps d’un claquement de doigts sans qu’on sache à quoi il sert –, les intrigues de Clodio, un tueur d’enfants, un fausses vierges, pauvres et émeutiers sans visage, et nous vous épargnerons les citations de Marc Aurèle.
Que Coppola ait du mal à captiver avec le film somme qu’il désirait tant est navrant. Que « le baiser » entre César et la muse lui manque est incompréhensible. Laisse-le penser qu’il est Verhoeven, point final Showgirl, lors d’une scène de sexe entre LaBeouf et la garce, hallucinante. Dans cette esthétique artificielle et dorée, étouffante, déjà datée, flottent encore une poignée d’émotions (Talia Shire, la sœur du cinéaste, en mère qui dit « Aïe » quand son fils l’embrasse). Des visions aussi, comme celle d’Adam Driver, ensanglanté, descendant un escalier dans un flou de stupéfiants. Les chanceux cannois ont même eu droit à un événement : au bout d’1h24, un type est monté sur scène avec un micro pour poser une question au personnage… qui lui a répondu, depuis le film, comme une conférence de presse. Dans la petite salle Bazin du Palais des Festivals, certains critiques avaient pourtant déjà rendu les armes. Ils sont venus, ils ont vu, ils sont partis.
o Mégalopole, de Francis Ford Coppola (2h18). Avec Adam Driver, Nathalie Emmanuel, Giancarlo Esposito, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jon Voight. Aucune date de sortie.
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