La salle est presque pleine. A l’Hôtel des ventes de Brest, rue du Château, les acheteurs potentiels ont pris place sur les confortables fauteuils violets. Aux murs et aux grands rideaux rouges qui bordent l’espace sont accrochés des tableaux du cabinet Thierry-Lannon et associés. Ce samedi 20 juillet 2024, près de 300 œuvres sont mises aux enchères. « Aujourd’hui, nous présentons de grands noms, notamment de l’école de Pont-Aven », précise Philippe Lannon, commissaire-priseur, en maniant déjà habilement son marteau.
131 000 euros pour un tableau d’Henri Moret
Dans presque toutes les mains, le catalogue des œuvres. Certains commencent à repérer celles qui les intéressent, à plisser les pages pour s’y retrouver, à écrire des petits traits de stylo à côté de celles qui ont attiré leur regard. Les enchères commencent. Le deuxième lot est une huile sur toile de Pierre De Belay. A peine adjugée, Yves, 78 ans, se lève de son siège et file. « C’est celle-là que j’avais dans l’œil, je suis venu hier soir de Nantes pour ce tableau », explique le collectionneur, qui se rend aux ventes deux à trois fois par an avant de repartir.
Les minutes passent, la concurrence est rude. Les hochements de tête se succèdent, les enchères s’affolent. Et tout ne se joue pas dans la salle, bien au contraire. « Je n’entends plus les téléphones ! », plaisante Philippe Lannon. Au téléphone et en ligne, les acheteurs ne baissent pas les bras. Deux toiles passent sous le nez d’un couple. Un autre abandonne et quitte la salle. C’est le tour de « Sirènes Circa » d’Albert Clouard, l’une des huiles sur toile stars de la vente de cet après-midi. Vendue 31 000 €, l’acheteur n’était pas présent. Même chose pour les deux Henry Moret, « L’Averse, côte de Bretagne » et « Deux Bretonnes sur les falaises à Moëlan », adjugées 145 000 € et 131 000 € au terme d’une rude bataille livrée à l’autre bout du fil. Une fois la première vendue, des regards presque jaloux se lancent, tandis que retentissent quelques applaudissements.
Des personnes anonymes
Quelques acheteurs se cachent néanmoins dans la salle. « Je vois vos yeux qui disent oui ! Attention, ça va tomber ! » lance Philippe Lannon au public. Discrètement, une Parisienne se lève. Elle vient de s’acheter quelques œuvres de Maxime Maufra. « J’étais déjà en Bretagne, mais je suis quand même venue spécialement pour elles, j’en avais très envie », raconte-t-elle. Au fond de la salle, un homme tient fermement un grand sac en carton. Il en sort fièrement un petit tableau de Lucien Victor Delpy. « Je ne savais pas que je repartirais avec, j’ai essayé d’en avoir d’autres, mais c’est le jeu. » Un jeu auquel cet habitant de Pont-l’Abbé se livre depuis environ sept ans. Comme presque tous les autres acheteurs, il a souhaité garder l’anonymat. « Pour vivre heureux, vivons cachés ! »