La rue Sainte-Catherine, « la plus longue rue commerçante d’Europe » selon les Bordelais, traverse le centre-ville, du nord au sud sur plus d’un kilomètre de parcours piéton. Les caméras de surveillance des grands magasins – qui servent également de compteurs de trafic – ont enregistré cette année environ trois millions de visiteurs en moins.
Les codes postaux – qui sont demandés en caisse – indiquent également la disparition d’une clientèle extra-rocade qui ne peut plus se déplacer ni se garer dans une « ville apaisée » souhaitée par Pierre Hurmic, le maire écologiste. Georges Simon, président de l’association des commerçants de Bordeaux Mon Commerce, « le plus important de France » avec 1 300 entreprises en son sein, présente les symptômes de l’anémie. « Les entreprises s’essoufflent. Selon la Banque de France, une personne sur quatre est en limite d’immatriculation. »
Commerces, hôtels et restaurants et bâtiments impactés
Le président du tribunal de commerce de Bordeaux, Marc Salaün, ne peut que constater les dégâts. « En 2023, année de sortie de crise Covid, nous avons ouvert 1 345 procédures collectives, contre 873 en 2019. Fin septembre 2024, nous avions déjà atteint 1 299 entreprises en difficulté contre 873 fin septembre 2019. » Si nous lissons cette tendance, nous devrions atteindre près de 1 800 procédures collectives à la fin de l’année. » Un record. Pire : 64 % des dossiers sont liquidés directement, contre 56 % en 2009. Un facteur légèrement positif, le mois de septembre » seulement « a connu 128 ouvertures de procédures collectives, contre une moyenne mensuelle de 160 sur les sept premiers mois de l’année.
En termes de victimes, le commerce, l’hôtellerie-restauration et la construction sont les secteurs les plus touchés. La baisse de 60 % de la construction de logements neufs en Gironde en 2022 a entraîné la chute des promoteurs immobiliers Anthélios et Aqprim, qui réalisaient plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires. « Sans ventes suffisantes, pas de commandes de service et pas de démarrage des travaux », résume Marc Salaün.
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« Effet ciseaux »
Mais, sur la carte sismique, Bordeaux n’est pas en faute. Son cas est typique des grandes métropoles. « Les causes sont multiples. C’est l’effet ciseaux. » La première vague pourrait être due à l’effet boomerang du « quoi qu’il en coûte », que l’on pourrait définir en quelques mots : une mesure d’épargne remboursable à court terme. « Il faut souligner l’efficacité de cette politique, prévient Marc Salaün. 50 % des dépôts de bilan ont été immédiatement évités par rapport à une année normale. Mais certaines entreprises ont cru à un cadeau, alors qu’il s’agissait d’un report. Les cotisations Urssaf qui n’ont pas été appelées n’ont pas été effacées. Ceux qui avaient souscrit des prêts garantis par l’État à hauteur de 50 % de leur chiffre d’affaires, alors qu’ils étaient en équilibre ou en territoire négatif, ont dû trouver 25 % de capacité d’autofinancement par an pendant deux ans pour rembourser. On voit que, dans les conditions actuelles, il est très difficile de tenir le coup », confie le président du tribunal de commerce.
Le président de l’association des commerçants bordelais, Georges Simon, est d’accord. « Ils nous ont prêté notre chiffre d’affaires, comme s’ils nous prêtaient notre salaire. Sauf qu’après, il faut le rembourser. » L’enchaînement d’événements qui ont frappé l’économie mondiale (hausse des prix des matières premières, de l’énergie et des taux d’intérêt) a provoqué localement un effet multiplicateur : « Un accident, comme un avion qui s’écrase. »
Marc Salaün, quant à lui, rappelle que son autorité « n’est pas là pour liquider les entreprises. Ils doivent venir chez nous pour se protéger. » Mais il prévient également : « Reste-t-il encore quelque chose à protéger ? »