A Saint-Emilion, le Dôme ne sortira pas de façon anticipée. Son directeur général Nicolas Robl nous explique sa décision et évoque le désastre commercial que vit Bordeaux.
Le communiqué de la propriété de Saint-Emilion, le Dôme, reçu ce vendredi 31 mai, ne vante pas : «Nous tenons à vous informer que cette année, en raison du contexte économique actuel et de notre volume de production réduit, nous avons pris la décision de ne pas organiser de sortie anticipée.» Les domaines concernés sont Le Dôme, Château Mazerat, Château Teyssier et La Forge. Les quatre ont toujours été libérés en premier. Un coup de fil au directeur général de l’établissement bordelais fait la lumière sur la situation. « A Bordeaux, la campagne précoce des produits est une catastrophee, dit Nicolas Robl. L’année dernière, Le Dôme est sorti (prix sortie château, NDLR) à 160 euros, Château Masera à 68 euros, La Forge à 24 euros, Teyssier à 13,50 euros. On sentait déjà une baisse en termes de volumes. Le marché devait être plus ou moins saturé de vins de Bordeaux. Mais cette année, le vin ne se vend pas. Nous nous retrouverons, au Dôme, avec 150 000 bouteilles entre les mains. Nous devrons le porter.
Et de poursuivre : «Nous avons appelé nos clients. Nous aurions pu trouver des opportunités de vente en baissant les prix de 50 %. Le marché s’attend à des prix inférieurs ou égaux à ceux de 2019. Mais nous ne voulons pas baisser les prix de cette façon. Cela briserait la marque et mettrait en difficulté les distributeurs et les importateurs lorsque le client leur demanderait des comptes. (…) Le marché en général est dans un état catastrophique. Des marchés entiers, comme la Norvège, ont prévu de ne pas acheter de Bordeaux avant mi-2025. Il n’y a plus de bordeaux dans les appels d’offres. Personne n’en a besoin aujourd’hui. Il va y avoir beaucoup de dégâts. Et il est fort probable que la situation se reproduise l’année prochaine. Je pense que le marché ne changera pas d’ici 2026.»
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Et pourtant, la qualité des vins ne peut être remise en cause. « Bordeaux produit de grands vins. Il n’y a aucune raison pour que ces vins ne soient pas bu. Dans les petites appellations, on trouve de superbes productions de très haut niveau, avec des méthodes agricoles plus respectueuses de l’environnement que par le passé. Le problème est ailleurs. « Il y a trop d’inventaire. Il faut reconnaître que nous avons perdu le consommateur final avec des prix qui n’étaient pas conformes au marché. Il y a un vrai problème de confiance avec la marque bordelaise.»
La solution selon Nicolas Robl : «Il va falloir aller voir les clients et les accompagner auprès de leurs propres clients, jusqu’au consommateur final. Il faut retrousser ses manches, aller voir les distributeurs, les importateurs, les consommateurs… Le système alimentaire des débuts, on voit bien que ça ne marche pas. Nous ne pouvons plus perpétuer un système qui ne fonctionne plus. Il faut qu’il y ait une prise de conscience. Nous avons travaillé avec le lieu tout en ouvrant la voie avec notre équipe commerciale. Lorsque nos clients nous parlent, ils ne s’adressent pas à un commerçant qui représente 100 références.»
Les quatre propriétés gérées par Nicolas Robl disposent de leur propre équipe commerciale. « Nous allons nous-mêmes vendre du vin au Kazakhstan. Ce choix fait il y a longtemps s’avère aujourd’hui payant. Au début, c’était dur. En termes d’activité, la mise en place a pris beaucoup plus de temps que si nous avions parcouru les lieux. Mais aujourd’hui, cela peut nous sauver.»