Une ONG allemande propose à des soldats ukrainiens amputés dans de mauvaises conditions des prothèses sur mesure. Ils leur permettront de « pouvoir mener une vie la plus normale possible ».
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A Berlin, Life Bridge Ukraine, une ONG allemande, vient en aide aux anciens combattants ukrainiens. Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, entre 30 000 et 50 000 soldats ukrainiens ont dû être amputés. Mais ces opérations sont souvent menées à proximité de la ligne de front, trop rapidement et dans des conditions difficiles. Pour venir en aide à ces soldats amputés, Life Bridge Ukraine les transporte dans la capitale allemande pour leur proposer des prothèses sur mesure.
Parmi eux, Sasha a voyagé de Kiev à Berlin en bus. L’homme de 28 ans a été blessé en février lors d’un combat rapproché à Avdiivka, dans l’est de l’Ukraine. Une balle lui a transpercé l’artère fémorale et sa jambe droite a dû être amputée, juste en dessous de la hanche. « Mon cas est compliqué. J’ai été amputé trop haut et il n’y a pas assez d’os pour poser une prothèse”il explique. Il devra donc subir « une opération risquée, impossible à réaliser en Ukraine » avant de recevoir « une bonne prothèse pour pouvoir mener une vie la plus normale possible »il espère.
Les amputés de guerre ukrainiens, hébergés dans un centre d’hébergement de la Croix-Rouge, passent en moyenne trois à quatre mois à Berlin. « Dans l’est de l’Ukraine, les amputations sont pratiquées en chaîne. Les chirurgiens coupent des membres toutes les 20 minutes. »explique Janine von Wolfersdorff, la fondatrice de l’ONG Life Bridge Ukraine. Janine von Wolfersdorff et ses équipes constatent que « de nombreuses opérations ne sont pas optimales », parce que les amputations « ne sont donc pas réalisées dans la perspective de pouvoir poser une prothèse ». Donc, « au moins 60% des soldats ont besoin d’une autre opération », explique-t-elle.
Au sud de Berlin, les techniciens du centre Seeger fabriquent chaque année une centaine de prothèses, notamment pour les soldats ukrainiens. « C’est toujours du sur-mesure, cela veut dire que la prothèse ne convient qu’à la personne pour laquelle elle a été réalisée »explique Michael Köhler, l’un des orthoprothésistes du centre. Les techniciens réalisent d’abord un moulage en plâtre du moignon, qui sert ensuite à concevoir la prothèse. Michael Köhler ajoute que « tout est fait à la main et avec une grande précision ». Ensuite, s’il y a « points de pression inconfortables », « nous les éliminons, pour que la personne puisse réellement marcher sans difficulté et sans douleur ».
Après avoir marché sur une mine il y a deux ans, Oleh, 47 ans, va recevoir une prothèse permanente, qu’il a déjà testée à plusieurs reprises. Il se dit « très heureux » de son « très bonne prothèse ». « J’avais déjà une prothèse en Ukraine, mais elle n’était pas très adaptée. Quand j’étais dans les tranchées ou quand je marchais, il arrivait que ma prothèse se coince ou pose des problèmes. »dit le soldat. Comme les 75 % des soldats soignés à Berlin, il souhaite retourner au combat, car « il y a beaucoup de travail et trop peu de personnes qualifiées »il s’inquiète.
Depuis avril, l’ONG a évacué et soigné 40 blessés de guerre. En parallèle, la structure accueille également six Ukrainiens en formation à Berlin. Anastasiia Tkach, 23 ans, est en apprentissage chez des orthoprothésistes allemands et espère que ce sera son futur métier, à Kiev. « Nous avons un énorme besoin de personnel bien formé, car chaque jour il y a de nouvelles amputations. Mais il n’y a pas assez de personnes capables de fabriquer des prothèses de bonne qualité et les soldats doivent parfois attendre six mois avant de recevoir leur prothèse »raconte la jeune femme.
Après ses neuf mois de formation, Anastasiia retournera en Ukraine en janvier pour travailler avec les autres apprentis formés à Berlin, dans un tout nouveau centre de prothèse. La structure devrait être inaugurée prochainement, dans les sous-sols d’un hôpital de la capitale ukrainienne. « Les gars méritent d’avoir une bonne prothèse, ils nous protègent donc il faut leur fournir de bons appareils »conclut-elle.