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À Belsunce, la circulation prend le dessus et chasse les habitants vers les quartiers « plus calmes » du nord

À Belsunce, la circulation prend le dessus et chasse les habitants vers les quartiers « plus calmes » du nord

« Le mâcher, le mâcher, le mâcher*. Merde, merde, merde. A Marseille, dans le quartier Belsunce, coincé entre la gare et le Vieux-Port, des petites affaires de rue se font parfois comme au marché : le commerçant peut crier pour attirer les clients. Un « business model » adapté à la géographie du quartier, ses rues commerçantes et ses passants qui viennent à Belsunce sans forcément vouloir s’approvisionner en médicaments.

Et si les « menus » des produits disponibles à la vente ne sont pas affichés sur les murs comme dans les quartiers nord (et aussi sud) de Marseille, l’étiquette « 24/24 7/7 » marquant l’angle de la rue Puvis de Chavanne et la rue d’Aix, à proximité immédiate du Hall Puget, n’indique certainement pas une station-service. A Belsunce, les points de deal sont également bien établis. Ici, la circulation « a augmenté ces dernières années », constate Smaïn, un trentenaire qui a toujours vécu dans le quartier.

« Même à Saint-Denis, où j’habite, c’est moins violent »

Au risque d’exaspérer habitants et commerçants ou de décourager même les touristes ou intérimaires les plus « robustes » qui viennent à Marseille. « Beaucoup de gens qui viennent ici romantisent Marseille et peuvent dire : ‘c’est la mixité sociale, la mer, la bonne ambiance, les drogues disponibles’. J’aurais pu le penser, mais j’ai vite trouvé pénible de se voir proposer des produits dans la rue, sans parler de la violence. Je voyais encore des gamins se poignarder», raconte Antoine, qui portait ses baskets de Bobigny à Saint-Denis, en passant par les 19e et 20e arrondissements de Paris.

Le gars de 32 ans est venu à Marseille pour le travail et a vécu deux mois à Belsunce : « la différence, je pense, c’est que même à Saint-Denis, où j’habite, j’ai le sentiment que les services sociaux et l’aide à l’enfance sont plus présents. C’est moins violent physiquement et socialement, même si je ne dis pas qu’il n’y a pas de pauvreté et de trafic. »

« La police fait ce qu’elle peut, elle est souvent là, arrête les jeunes et trouve du produit. Hier encore (mercredi), ils ont bloqué toute la rue d’Aix et ratissé avec les chiens et tout», raconte Smaïn, pour qui la solution, la seule, serait de sévir encore plus. « Mais cela revient systématiquement, d’autant que beaucoup de vendeurs ne sont pas du quartier », se désespère-t-il.

« On a trouvé des seringues à côté du terrain »

Avec plus de 400 interpellations pour trafic dans les seuls secteurs de Belsunce et de La Porte d’Aix depuis début 2024 (+ 83 % par rapport à 2023), la police ne semble pas ménager ses efforts. Mais ces chiffres reflètent aussi, du côté négatif, une certaine progression des trafiquants dans ces secteurs : outre le tabagisme, presque devenu traditionnel serait-on tenté d’écrire, l’arrivée massive de cocaïne et, plus récemment encore, de crack, inquiétude.

« On retrouve régulièrement des seringues à côté du terrain », raconte Khaled, un employé municipal d’une cinquantaine d’années. Ce mercredi soir, le bénévole s’occupe une nouvelle fois des enfants du quartier venus jouer au « city stade » de la longue rue des Capucins. Là, des revendeurs viennent même cacher quelques sacs prêts à être vendus dans les maigres bouquets de plantes. « Mais nous n’avions pas ça, « cocaïne », « mâcher », avant », observe-t-il. Un constat partagé par la préfecture de police qui a récemment évacué un camp d’une quinzaine de toxicomanes installé près des Carmes.

Partir vivre à Font-Vert où « c’est plus calme »

L’ambiance pousse inévitablement les habitants et les commerçants à partir. Du moins ceux qui le peuvent. « Les gens ont peur. Le soir, plus grand monde ne sort plus, sauf l’été où il y a suffisamment de monde dehors pour se sentir en sécurité », reconnaît Khaled, qui explique que ses amis « ont même préféré aller vivre à Font-Vert », une ville dans les quartiers nord. Un « quatre » autrefois célèbre qui a par exemple fait atterrir le rappeur Sosso Maness en prison. « Là aussi, il y a du monde, mais dans un sens, c’est plus calme. Ils le font dans leur propre coin, maintiennent une sorte d’ordre et dérangent finalement moins les habitants. »

Et Belsunce sans habitants, sans commerçants qui préfèrent fermer le rideau, c’est une perte d’activités, un quartier abandonné à ceux qui veulent marchander. Un effet « boule de neige » qui n’est pas sans rappeler celui qui a touché le 3e arrondissement de Marseille : les commerces ont déserté et la circulation y est désormais assez solidement implantée.

Toutes nos informations sur le trafic de drogue

S’il n’y a pas de marée à Marseille, la marée de drogue monte inexorablement. Vers la Porte d’Aix d’abord (sorte de frontière entre le 3e, le 2e et le 1er arrondissement) puis vers le centre-ville, où les saisies se succèdent, de plus en plus importantes. En mars dernier, 600 000 euros en espèces, stockés dans un casier souterrain, avaient été découverts par les enquêteurs lors d’une vaste opération antidrogue. Il y a deux semaines, plus de 200 grammes de cocaïne et 13 000 euros ont été interceptés par un simple équipage de la BAC qui a caché et suivi une vendeuse.

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