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A Belfort, la première usine française d’électrolyseurs

C’est une petite bouffée d’air frais dans un marché de l’hydrogène très morose. Le groupe McPhy, l’un des pionniers français du secteur, a inauguré jeudi 13 juin son usine de fabrication d’électrolyseurs à Belfort, d’une capacité de production de 1 GW par an. Ces machines convertissent l’électricité en hydrogène, par électrolyse de l’eau.

Cette gigafactory est la première du genre en France, mais plusieurs autres devraient suivre, même si le calendrier est encore incertain. Elogen a ainsi un projet à Vendôme, tout comme John Cockerill en Alsace, GenVia à Béziers et Gen-Hy à Montbéliard.

McPhy a reçu un soutien important de l’État, avec un budget pouvant atteindre 114 millions d’euros pour ce projet labellisé « Projet important d’intérêt européen commun » (Piiec) par la Commission européenne.

Remplacer l’hydrogène gris par de l’hydrogène vert

L’entreprise grenobloise possède déjà une usine d’électrolyseurs en Italie, qui fabrique des petits modèles. À Belfort, les modules seront deux à trois fois plus grands, atteignant 4 MW, avec possibilité de s’ajouter les uns aux autres. Le premier client devrait être l’allemand HMV Oil and Gas, négociant allemand d’hydrocarbures, qui cherche à se diversifier dans la fourniture d’hydrogène. Elle pourrait commander jusqu’à 64 MW d’électrolyseurs.

Mais le marché visé par McPhy est surtout celui des industriels. Ceux dont le processus de fabrication nécessite de l’hydrogène, obtenu aujourd’hui à partir du gaz naturel. C’est le cas des raffineurs ou des fabricants d’engrais. Le but est d’abandonner cet hydrogène  » gris «  pour le remplacer par de l’hydrogène « faible teneur en carbone »provenant d’électricité d’origine nucléaire ou renouvelable.

Tout va plus lentement que prévu

En début d’année, McPhy a annoncé la cession de son activité de bornes de recharge, destinées aux bus et camions, à la société savoyarde Atawey. « Nous avons choisi de nous recentrer sur les électrolyseurs industriels, car nous disposons d’une technologie mature, déjà bien éprouvée, permettant notamment de bien gérer l’intermittence du solaire et de l’éolien. Cela répond à une forte demande des clients qui attendent un matériel fiable. expliquerAntoine Ressicaud, directeur général adjoint de McPhy.

Mais pour l’instant l’entreprise reste assez vague sur la montée en puissance et le carnet de commandes de son nouveau site, évoquant simplement l’objectif d’atteindre 1 GW de capacité de production annuelle d’ici 2027-2028, avec 450 salariés. « Tout va plus lentement que prévu. Mais l’hydrogène vert reste un vecteur important de décarbonation dans de nombreux secteurs », explique Bertrand Amelot, directeur commercial de McPhy, souhaitant dédramatiser le climat de pessimisme qui s’est emparé du secteur ces derniers mois.

« En France, on préfère voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. Ailleurs en Europe, ça bouge beaucoup.»souligne de son côté Matthieu Guesné, le fondateur de Lhyfe, qui envisage d’installer un électrolyseur de 100 MW dans la vallée de la Seine.

Retour sur terre

Malgré tout, de nombreux projets ont été retardés ou gelés ces derniers mois, malgré l’engagement de l’État à soutenir la filière hydrogène à hauteur de 9 milliards d’euros d’ici 2030. Le plan, lancé en 2020, prévoit une capacité de 6,5 GW d’électrolyse en 2030. , alors qu’avant l’ouverture de la centrale de Belfort, elles ne dépassaient pas 30 MW.

Deux études publiées en début d’année ont eu le mérite de ramener tout le monde sur terre. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), sur les 360 GW de capacité de production d’hydrogène vert annoncés pour 2030, seuls 12 GW ont été lancés à ce jour, et à peine plus de 1 GW d’électrolyseurs sont déjà en service dans le monde, dont 80% en Chine.

Beaucoup d’incertitudes

Ce retard à l’allumage est lié à une demande des industriels qui ne va pas aussi vite que prévu, rappelle, de son côté, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), dans une note opportunément intitulée « Sisyphe ». La consommation d’hydrogène vert en Europe n’atteindrait que 2,5 millions de tonnes en 2030, bien loin des 20 millions de tonnes (dont 10 millions importées) imaginées par les experts de la Commission européenne.

Parmi les incertitudes qui pèsent sur le secteur, il y a la qualité des électrolyseurs, le prix de l’hydrogène vert, qui reste deux fois plus cher que le gris, ainsi que le manque de garanties sur un volume suffisant d’électricité issue du renouvelable, compte tenu de leur intermittence. À moins qu’à terme les cartes ne soient rebattues, avec l’arrivée massive d’hydrogène importé, à l’image du projet annoncé par TotalEnergies fin mai, qui prévoit de produire un million de tonnes par an en Tunisie, à l’horizon 2030. Soit environ autant que l’objectif fixé par le plan français.

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McPhy, une société créée en 2008

Créée à Grenoble en 2008 par des ingénieurs du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), l’entreprise emploie 260 personnes en France, en Italie et en Allemagne.

Cotée en bourse, McPhy dispose d’actionnaires puissants dans son capital, comme EDF, qui en détient près de 14%, et Bpifrance.

En 2023, le chiffre d’affaires était de 18,8 millions d’euros, mais les pertes ont atteint un niveau record, à 47,4 millions d’euros.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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