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À Auxerre, les manifestants rendent hommage au « courage » de Gisèle Pelicot

Et tant pis pour les tâches ménagères. Lorsqu’elle apprend à la radio, à 11 heures, que des rassemblements de soutien à Gisèle Pelicot viennent de débuter dans plusieurs villes de France, et même à Auxerre, sa ville natale, Sylviane Germanique n’hésite pas longtemps. « Tu pars ou pas ? Non, tu ne peux pas rester à la maison. Les femmes doivent sortir. Vas-y. » Elle y est allée. « J’ai laissé mon stockage sans surveillance, je suis monté dans la voiture et je suis arrivé, un peu en retard bien sûr. »

Dans cette commune de 35 000 habitants, plus grande ville de l’Yonne, une cinquantaine de personnes se sont rassemblées, samedi 14 septembre, devant le monument local pour l’élimination des violences faites aux femmes. Sans aucune banderole partisane ou syndicale, elles ont toutes répondu à un appel national lancé par des groupes féministes à manifester en solidarité avec les victimes de viol. Avec un nom mis en avant : celui de Gisèle Pelicot, 71 ans, dont l’ex-mari, Dominique Pelicot, est jugé pour l’avoir droguée et violée pendant des années avec des dizaines d’inconnus, au domicile du couple dans le Vaucluse.

« Cette affaire est une véritable horreur »dit Sylviane Germanique, « révolté ». Cette comédienne marionnettiste de 60 ans n’avait jamais participé à une mobilisation sur ce thème à Auxerre. Elle a serré les dents dans son coin. « D’habitude, je passe devant ce monument et je dis : « Courage, les filles. » Aujourd’hui, Me voici. Je suis là, sans connaître personne, mais je dis à tout le monde : je suis là, à vos côtés.

Pour affronter la fraîcheur matinale, Isabelle Corneille a sorti un foulard. Pour le soleil, des lunettes sombres rappelant les verres teintés portés par Gisèle Pelicot au tribunal. Le visage de cette dernière, à force de défrayer la chronique, est connu de tous. « Je pense à elle tout le temps »confie cette Auxerroise de 49 ans, admirative de la « courage » de la victime, qui a exigé un procès public.

Déjà sensibilisée aux violences sexuelles, la manifestante est particulièrement touchée par cette « L’affaire de M. et Mme Moyens »qui implique des accusés de tous âges et de tous milieux sociaux. « Quand je vais faire les courses, je commence à penser : ‘Et si eux, elle, lui…’ On est certainement en contact avec des agresseurs et on ne se doute de rien. »elle s’inquiète.

« Quand j’ai lu les noms de tous les accusés, je n’avais qu’une seule crainte : tomber sur un nom familier. »

Isabelle Corneille, manifestante

à franceinfo

Cette affaire lui a ouvert les yeux sur la soumission chimique dans le cadre conjugal. « On entendait parler du GHB dans les soirées et j’avais compris que les viols étaient généralement commis par un membre de l’entourage, souvent le conjoint, bien sûr. Mais une telle pratique ne m’avait jamais traversé l’esprit. »

Avec le procès de Dominique Pelicot et de ses 50 coaccusés, Isabelle Corneille espère être témoin « UN « tournant » dans la prise en compte des victimes. Cela évoque déjà une « d’après Gisèle Pelicot »y compris dans sa pratique professionnelle, en tant que formatrice dans une école d’infirmières. « Entre collègues, ces derniers jours, on a beaucoup parlé des symptômes de la soumission chimique. Il faut mieux détecter les signes, mieux observer les femmes qui arrivent, les couples… »

Sur les bords de l’Yonne, devant le monument, couvert de mots (« courage », « emprise », « silence »…) et de visages de femmes, Elise Nesling prend la parole. C’est elle, une habituée des manifestations parisiennes, ingénieure agronome de 37 ans, sans appartenance politique ni associative, qui a tenu à inscrire Auxerre sur la carte des mobilisations du jour, avec deux autres citoyennes. « La violence est partout et il est important de sensibiliser à la lutte contre la culture du viol en dehors des grandes villes »elle l’a expliqué à franceinfo avant le rassemblement.

La violence est partout, et les victimes aussi. « Cette affaire Pelicot réveille un traumatisme chez beaucoup d’entre euxconfie l’organisateur. Par notre présence, nous pouvons les aider à faire face. Une de ses amies, victime de viol, lui a demandé de lire un message qu’elle a adressé aux manifestants. Dans ce message, elle parle de la « solitude » ressenti par les femmes qui ont été agressées. « Le silence » : «Toutes ces familles et toute cette société qui ne veulent pas écouter.» Et un appel, qui se mêle au clapotis des fontaines de la place : « Vous pouvez tout changer en nous écoutant, en nous lisant, en nous écoutant. »

A quelques mètres de là, Jack, 26 ans, trouve une forme de réconfort dans ce rassemblement. Ce militant trans et féministe a parcouru 75 km depuis Troyes (Aube) pour y assister. Cinq jours plus tôt, Jack s’était rendu au commissariat. Dépôt de plainte pour agression sexuelle et viol conjugal, dans une affaire qui remonte à cinq ans. « Le procès Pelicot marquera peut-être un tournant. Mais il me déprime aussi un peu : faut-il avoir un dossier aussi lourd et autant de preuves filmées pour avoir une chance d’être entendu par la justice ? »

Parmi les signes « Marre du viol »Elise Nesling brandit une pancarte « Les monstres n’existent pas : les violeurs sont des hommes » « ordinaire »La banalité du mal revient dans tous les discours des manifestants. Sur une dalle entre deux jets d’eau, Alice Louis, 23 ans, entend avant tout remercier Gisèle Pelicot pour l’ « courage » qu’elle lui apporte au quotidien. « Nous sommes ici pour lui montrer notre soutien, pas pour lui mettre davantage de pression en disant qu’elle représente quelque chose. »estime cet étudiant en design, originaire d’Auxerre et installé à Paris, « très ému » de participer pour la première fois à un tel rassemblement dans sa ville natale.

Cette affaire a ébranlé les relations de l’étudiante avec les hommes. « J’étais très angoissée. On pense pouvoir faire confiance à certaines personnes à 100 %, et voilà ce qui arrive à cette femme… Si tous les hommes peuvent être des violeurs, que faisons-nous ? Ça fait mal, même si on doit continuer à vivre. »

À côté d’elle, son petit frère, Germain, 20 ans, se dit « fier » de sa sœur féministe, qui l’a emmené à sa toute première manifestation. « Ce sont des sujets qu’on n’aborde pas vraiment entre garçons. J’en parle surtout avec mes sœurs, avec des femmes. On est dans une période où la parole devient plus ouverte, mais il y a quand même des expressions qui restent entre nous, comme « se fouetter une fille ». Il y a encore du chemin à faire entre garçons. » Ce soir, le sujet sera au menu du dîner de famille. Peut-être en attendant une nouvelle manifestation.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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