Affaiblie par la guerre, la Russie sera-t-elle contrainte de vendre son gaz à la Chine ?
On a beaucoup parlé du fait que, puisque les pays occidentaux n’achètent pratiquement plus de gaz russe à la suite de l’invasion de l’Ukraine, la Russie devrait simplement le vendre à quelqu’un d’autre. Mais depuis plusieurs années, avant même le début de la guerre, le pays de Vladimir Poutine s’est tourné vers la Chine. Cependant, le projet de gazoduc Power of Siberia 2 (ou « Force de Sibérie » en français), nécessaire pour acheminer le gaz russe vers le marché chinois, est désormais en difficulté, révèle le quotidien britannique Financial Times.
Power of Siberia 2 relierait les gisements de gaz russes, qui sillonnent la moitié occidentale de la Russie et qui approvisionnaient autrefois l’Europe, à la Chine via la Mongolie. Mais le président chinois Xi Jinping, en position de force, entend dicter ses conditions. D’une part, il souhaite payer le gaz russe à un tarif réduit. En revanche, elle n’achèterait qu’une petite partie des 50 milliards de mètres cubes annuels que pourrait livrer le gazoduc.
Pouvons-nous dire « non » à Xi Jinping ?
Ces conditions chinoises seraient inacceptables pour le Kremlin. Des observateurs avisés ont également remarqué l’absence du patron du géant russe Gazprom, Alexeï Miller, dans la délégation présidentielle russe qui s’est rendue en Chine pour une visite officielle les 15 et 16 mai. Ce signe est sans équivoque. Alors que Power of Siberia 2 était à l’ordre du jour des discussions, rien n’aurait pu être négocié sans lui, ce qui indique que les Russes et les Chinois n’ont, à ce jour, pas trouvé de terrain d’entente concernant le gazoduc reliant leurs deux pays.
Pour autant, la Russie a-t-elle réellement les moyens d’imposer ses conditions et de dire « non » à Xi Jinping ? Après avoir été brutalement coupée du marché ouest-européen, la société Gazprom, contrôlée par l’Etat russe, a enregistré en 2023 une perte abyssale de 629 milliards de roubles (soit environ 6,4 milliards d’euros), la plus importante depuis 1999.
Mais ne pas parvenir à un accord sur une augmentation des livraisons à la Chine serait un nouveau coup dur pour la société gazière russe. « Un rapport non publié d’une grande banque russe, consulté par le Financial Times, a récemment exclu Power of Siberia 2 de ses prévisions de base pour Gazprom. Cela a réduit de près de 15 % le bénéfice attendu de l’entreprise pour 2029 – date à laquelle la banque prévoyait de lancer le projet –.écrit le quotidien économique britannique.
« La Chine estime que le temps joue en son faveuranalyse Alexander Gabuev, directeur du groupe de réflexion Carnegie Russia Eurasia Center basé à Berlin. Elle peut attendre d’obtenir de meilleures conditions de la part des Russes et attendre que l’attention portée aux relations sino-russes se déplace ailleurs. Le gazoduc peut être construit relativement rapidement, puisque les gisements de gaz sont déjà exploités. En fin de compte, les Russes n’ont pas d’autre choix pour commercialiser ce gaz.» Un retour de karma quelque peu mérité.