l’Assemblée nationale vote une loi pour interdire les polluants éternels dans les vêtements et les cosmétiques – Libération
C’est une victoire mitigée pour le principe de précaution, la protection de la santé et de l’environnement dans la question des « polluants éternels ». Après plus d’un an de plaidoyer pour convaincre ses confrères députés de la dangerosité de ces produits, et malgré une majorité macroniste hésitante, l’élu des Ecologistes de Gironde, Nicolas Thierry, a réussi son pari. Son projet de loi visant à interdire, à compter du 1er janvier 2026, certains usages non essentiels des Pfas, ces substances chimiques présentes en masse dans le corps humain et dans la nature, a été adopté ce jeudi 4 avril à l’Assemblée nationale, mais les poêles Tefal et d’autres ustensiles de cuisine ont été épargnés. « Nous venons de franchir une première étape importante. Je regrette néanmoins que le lobby grossier d’un industriel ait pu trouver un écho auprès des députés de la majorité et de la droite, a réagi Nicolas Thierry. C’est une première grande avancée, nous pouvons collectivement en être fiers. Et d’ajouter : « C’est une victoire historique. »
Associant carbone et fluor, ces molécules de synthèse utilisées dans de nombreux procédés industriels et entrant dans la composition de nombreux objets du quotidien (cuisinières, tissus imperméables, cosmétiques…), semblaient miraculeuses lors de leur création dans les années 1940, en raison de leur caractère indestructible, avant que leur persistance dans notre sang et dans les milieux naturels, ainsi que les effets délétères sur la santé de certains d’entre eux, ne soient mis en lumière aux Etats-Unis. Surpris que le scandale sanitaire et environnemental n’ait jamais vraiment éclaté en France et en Europe, le député Nicolas Thierry a souhaité l’inscrire à l’ordre du jour du Palais Bourbon, lors de la « niche » allouée à son parti.
Le ministre de l’Industrie Roland Lescure très critique
Son texte vise à réduire l’exposition de la population à ces molécules, en interdisant la fabrication, l’importation, l’exportation et la commercialisation de certains produits qui en contiennent. Dans sa version initiale, il prévoyait une interdiction à partir de juillet 2025 pour certains produits et en 2027 pour d’autres, avec de possibles dérogations. Afin d’obtenir la majorité en commission du développement durable la semaine dernière, il a accepté de restreindre son ambition, en renonçant à réglementer les emballages alimentaires, pour remporter les voix des élus macronistes.
La version présentée dans l’hémicycle ce jeudi prévoit d’interdire ces composés à partir du 1er janvier 2026 dans les produits cosmétiques, les produits de fartage (pour skis) ou les vêtements contenant ces substances, à l’exception des vêtements de protection pour skis. professionnels de la sécurité et de la sécurité civile – tous les textiles, y compris les uniformes de protection des professionnels de la sécurité et de la sécurité civile, seront concernés par l’interdiction à partir du 1er janvier 2030.
Toutefois, si les députés se sont prononcés contre l’avis du gouvernement en faveur du maintien de ces interdictions, ils ont finalement exclu totalement les ustensiles de cuisine du champ d’application, faute de compromis trouvé sur une date de sortie, réduisant ainsi la portée du texte. La mobilisation de l’industrie chimique, à commencer par le groupe Seb qui a organisé mercredi une manifestation de salariés devant l’Assemblée nationale et brandi la menace que ferait peser une loi de régulation sur l’emploi, a porté ses fruits. « Encore une fois », la majorité alliée à LR et au RN aura « cédé au lobbying de (le constructeur) Seb, au détriment de la santé des Français. C’est dommage »les députés écologistes étaient agacés.
« Je crois à la science, pas à la loi émotionnelle »
Les poêles Pfas de Tefal, qui font débat depuis plusieurs jours, ont été grandement aidés par le discours du ministre de l’Industrie Roland Lescure, qui représentait le gouvernement. Ce dernier a en effet jugé le projet de loi « inefficace, inefficace et contre-productif ». Et de reprendre les arguments des industriels sur les milliers d’emplois « en danger » et le fait que les Pfas présents dans les ustensiles de cuisine n’étaient « pasprobablement pas toxique ». « Je crois à la science, pas à la loi émotionnelle »a-t-il insisté, souhaitant donner la priorité à la réalisation des« évaluations indépendantes » face à des députés de gauche qui l’appellent à regarder le film Eaux sombres sur le scandale Pfas aux Etats-Unis ainsi que le documentaire Corps toxiques des militants écologistes Camille Etienne et Solal Moisan, disponible gratuitement sur YouTube pendant une dizaine de jours. Même argument du côté du Rassemblement national. Le député Emeric Salmon a préconisé un « approche flexible » ce qui permettra aux entreprises de s’adapter. Tout cela sans « céder à l’écologie punitive qui menace de désindustrialiser encore davantage la France ». « Nous avons perdu 2 millions d’emplois industriels ces dernières décennies en France (…) Qui va nous faire croire que tout cela est la faute de l’écologie ? » a répondu le député LFI François Ruffin dans l’hémicycle.
Un autre point majeur du projet de loi concernant le financement de la dépollution provoquée par les PFAS a également suscité de vifs débats. Le texte consacre en effet le principe du « pollueur-payeur », de sorte que les entreprises qui rejettent ces substances dans la nature financent le « nettoyage » via une « redevance » versée aux agences de l’eau. Et ce, malgré les vives critiques du ministre Roland Lescure, qui juge « Kafkaïen » payer le « les industriels d’aujourd’hui » Pour « pollution passée » généré « par d’autres ». Le ministre, dont les propos faisaient écho à ceux du PDG de Seb tant il a mis tant d’énergie à défendre l’entreprise, le citant à plusieurs reprises, préfère faire peser ce poids financier sur le « nation » et donc sur « consommateurs et contribuables ». Il s’est dit favorable à un « débat » sur la dépollution lors de l’examen du projet de loi de finances à l’automne.
Enfin, le texte instaure l’obligation de contrôler la présence de Pfas dans l’eau potable sur l’ensemble du territoire, alors que les nappes phréatiques et les cours d’eau sont particulièrement contaminés dans la Vallée de la Chimie, au sud de Lyon.
Si Lescure a torpillé le projet de loi écologiste depuis le banc des ministres, les troupes macronistes ne l’ont pas suivi lors du vote. A Renaissance, 56 députés ont voté l’interdiction des polluants, tout comme 8 élus du Modem et 16 Horizons, le parti d’Edouard Philippe. Le reste des élus du camp présidentiel a fait l’impasse sur la séance – un classique lors de ces « niches » parlementaires réservées aux oppositions. Pas plus nombreux, les députés RN, comme ceux des Républicains (LR), se réfugient dans l’abstention.
Ce vote à l’Assemblée n’est qu’une étape dans la lutte contre le Pfas. Les sénateurs écologistes pourraient s’en saisir dans le cadre de la journée qui leur est réservée le 30 mai pour l’inscrire à l’ordre du jour du Palais du Luxembourg. Mais on craint que la majorité de droite tente de contrecarrer cette réglementation, ce dont l’industrie ne veut pas.